Eric Besson et Brice Hortefeux aux maroquins de l'humour

Publié le 26 avril 2010 par Copeau @Contrepoints

Quand vous lirez ce billet, je serai loin de mon clavier et des turpitudes navrantes de la vie politique française (pour quelques heures, tout du moins). Le temps est beau, j'en profite ! Et quand on voit la qualité générale des buses consternantes qui nous gouvernent, on se dit qu'elles devraient elles aussi mettre ce beau temps à profit plutôt qu'encombrer les journaux de leurs pénible saillies.

Et question buses, nous en avons une belle avec Brice ; si on parle de l'animal, son envergure est sans conteste supérieure à celle d'un Albatros, et si on parle tuyaux, il est du gabarit de ceux qu'on pose pour les collecteurs d'égouts des plus grandes métropoles…

Brice fait partie, avec Eric, de ces preuves vivantes qu'on peut parfaitement prétendre à un maroquin ministériel en étant de façon constante à côté de la plaque, et en frôlant de façon asymptotique (i.e. s'en rapprocher sans jamais l'atteindre) une vague compétence au poste.

Nos deux lascars font la paire. Véritables Dupond & Dupont des polémiques pourries, on retrouve régulièrement l'un ou l'autre dans l'actualité à la rubrique Guignolades et dans les pages Humour. Enfin, on les y retrouverait si la presse n'était pas remplie de ces pignoufs dont j'aime à relater les aventures ici ou là, et qui persistent stupidement à les placer dans les pages Sociétés, voire en Une lorsque l'un des deux compères s'égare plus loin que d'habitude.

Cette fois-ci, le numéro de nos deux comiques dépasse de loin ce à quoi on avait été habitués jusqu'à présent.

Une femme, au volant, s'est fait verbaliser pour port inadéquat de burqua. L'affaire s'est su (question : comment, pourquoi ?) et, dans la foulée, Brice a décidé de contacter son side-kick, en lui attirant l'attention, je cite, sur :

« la situation de l'individu présenté comme le conjoint de cette femme. Il est né à Alger et ayant acquis la nationalité française par mariage en 1999, appartiendrait à la mouvance radicale du ‘Tabligh' et vivrait en situation de polygamie, avec quatre femmes dont il aurait eu douze enfants. Au demeurant, chacune de ces femmes bénéficierait de l'allocation de parent isolée »

Jusque là, on comprend la blague ; il s'agit d'une variante du « Ta gueule me revient pas, j'ai des dossiers ». Au passage, on se demande exactement à quel point toute cette affaire n'avait pas été prévue de longue date. Dans une certaine mesure, j'en viens à le souhaiter, parce que dans le cas contraire, cela veut dire que notre ami Brice tient des fiches précises sur un peu n'importe qui.

Bref.

Imaginons donc que le mari de la dame, qui, lui, n'a pas, en tout état de cause, enfreint le code de la route (je rappelle qu'il s'agit de ça au départ) est donc « suivi » par les services de Brice. Ce dernier, donc, retrouve rapidement son dossier et l'épluche pour y découvrir des fraudes et de la polygamie.

Et là, le génie du comique reprend le dessus, un peu comme si, après une quadruple vrille et un salto arrière dans un spectacle de patinage artistique, le joyeux glisseur enchaînait sur la danse des canards : Brice demande à Eric que l'individu soit déchu de sa nationalité française.

Patatras.

En matière de communication, c'est au-delà de l'apocalyptique. Le gouvernement français invente à lui seul un nouveau domaine de nullité, où l'incohérent et le geste compulsif deviennent un étalon. Car il y a au moins deux problèmes avec le comportement de Brice, et ces deux problèmes fusillent complètement toute crédibilité que lui ou Eric pourraient prétendre avoir à traiter le dossier.

Le premier problème est, tout simplement, la parfaite incongruité de la sanction demandée : pour être déchu de sa nationalité, les faits de polygamie, de fraude aux assurances ou (bientôt ?) de port illégal de burqua ne peuvent être retenus. Choisir cette sanction pour ces motifs, c'est aussi judicieux qu'associer un poisson avec une bicyclette ou, pire encore, une Twingo avec un intérieur cuir et ronce de noyer – non mais franchement, réfléchissez : une Twingo avec des sièges tout en cuir, et un tableau de bord couvert de ronce de noyer, c'est totalement absurde ! Eh bien, Brice a dépassé cette incohérence depuis un moment, et roule, pied au plancher de sa Twingo spoiler arrière / double échappement / caisse surbaissée, sur les autoroutes sinueuses de la législation française post-moderne.

Le second problème est l'inadéquation du comportement : on réclame une enquête sur quelqu'un parce qu'il fraude, parce qu'il est polygame, et non parce que sa femme conteste une infraction au volant ! En tout cas, dans un pays normal, c'est ainsi qu'on devrait agir. A ce rythme, la prochaine étape sera le contrôle fiscal systématique de monsieur en cas de contestation des PV de madame pour mauvais stationnement…

Or, le souci majeur d'un tel salmigondis de n'importe-quoi vinaigrette, c'est qu'il fusille tout espoir d'un traitement normal de l'enquête et du jugement qui devra avoir lieu concernant ces présomptions sur la fraude et la polygamie. Il occulte en outre une question plus gênante : faudra-t-il que toutes les femmes des personnes qui fraudent les assurances se mettent à conduire avec une burqua pour qu'on se décide à mettre de l'ordre dans les prestations sociales distribuées ?

Soyons clair : comme il apparaît de plus en plus clairement que l'état n'a rien à faire ni en religion, ni en mariage ou en mode de vie, et que son immixtion dans ces domaines provoque des polémiques, des débats et des réactions totalement inappropriées, il devrait peut-être se reconcentrer furieusement sur un contrôle des sommes qu'il distribue, et fissa.

D'autant que, pendant ce temps, les dettes filent, le système de retraite se rapproche tous les jours de la faillite, et que la crise n'en finit pas de progresser.

Si l'on se souvient que c'est ce même Brice qui devra gérer l'Intérieur du pays lorsque l'Extérieur de celui-ci sera en proie aux probables agitations consécutives aux tourments de la zone euro, on se dit qu'on n'a probablement pas parié sur la bonne voiture.

Intérieur cuir et ronce de noyer, certes, mais moteur et carrosserie de Twingo.