280410

Par Volodia

Ok, j'ai dit à moi-même. J'ai fermé l'onglet Firefox. Demande d'immatriculation en master : check. Ca me soulageait grave. Est-ce que ça m'excuserait même la bouteille de rouge « El Tauro » dans le placard de la cuisine en bas à droite ? Je l'espérais. Bon j'ai fait mon sac et suis allé à la gare en bus. Me suis illico pris deux Feldschlösschen, entamé une, allumé une clope et je me suis mis à écrire ce truc. J'étais atteint. Touché par-là. J'avais pas su quoi choisir de la branlette de cerveau et de la branlette d'armes à feu sous les ordres et la croix blanche sur fond rouge dégueulon de vodka rouge. Pourtant j'étais quasi chauvin sous vernis de je m'en foutisme. Les citoyens du monde m'emmerdaient et j'aimais bien la petite décharge à riches qu'était la Suisse. Classe. J'avais pas vraiment envie de rebrancher mon cerveau – je me sentais tellement bien sans. Mes rares apparitions à l'uni depuis fin mars m'avaient laissé comme un goût de foutre dans la bouche. On se masturbait à qui mieux-mieux dans le coin, par petits groupes de pètent-plus-haut. D'une façon je préférais parler de cul au garde-à-vous. Ca me reposait facilement. Le problème dans tout ça, c'est que j'étais devenu tellement con que je trouvais vraiment con que l'armée ne faisait pas la guerre que ça me semblait trop con d'y rester si c'était pas pour buter ces enfoirés de Libyens ou envahir le Liechtenstein. J'avais pensé sérieusement au Kosovo, mais qui voudrait passer 7 mois sans coucher avec la femme qu'il aime pour crapahuter en treillis dans un pays en ruines où y a même pas une chance de vider son magasin sur un connard ? A propos, le mot me parle pas mal, si vous voyez ce que je veux dire.

Alors je traînais ma bonne humeur pleine de spleen camouflé et abusais de mes palliatifs chéris. Je pensais à Baz et Manot et à leur voyage ; je pensais à Mike et à son alcoolisme poétique. Moi j'étais acculé différemment : j'avais eu des miettes des deux précédemment cités sans rien en connaître. Là j'étais démobilisé et ça me faisait à la fois chier et plaisir. J'avais deux voies faciles, les vieux et leur master, l'armée et la connerie qui me paralysait la tête. J'arrosais beaucoup le tout, repoussais l'envoi de mon CV, dégommais à la PS3 comme un dingue (7 jours de jeu à Call of, 4 à Killzone 2, 1 à Resident Evil 5) et lorsque ça allait bien avec ma belle j'avais le sexe. Ca me convenait plutôt pas mal et ça correspondait à mon plan d'abrutissement de l'être – je voulais bien qu'on me refourgue tous les machins débilisants disponibles et soigneusement mis au point par et pour la société. Au poil. L'impeccable stratégie était vouée à un échec rapide et je le savais bien. On peut être très con et un petit peu lucide. Je savais aussi qu'au lever du voile je retomberais dans mes travers passés – mais j'y étais déjà d'une certaine façon ; seul le point de vue sur la situation, par ailleurs presque identique, changeait la donne. Cela tenait à une puissante indifférence de ma part, doublée de tentatives d'écrire une autre merde, ou peut-être la même d'une autre manière. J'y parvenais et c'était comme une coulante, dégueulasse, inutile, illisible. Que pouvais-je faire d'autre ?

On m'enculait également financièrement avec la situation de mon père invalide ; subventions jusqu'à 25 ans. Je savais que j'étais cuit et que j'aurais jamais le temps de finir des études dans une branche potable à enseigner au niveau lycée. Et puis je ne voulais pas enseigner. Que pouvais faire d'autre cependant ? A cause de mauvais choix, de voie toute tracée, j'étais déjà largué. Ma mémoire aussi flanchait, pareille à celle de mon paternel fou-dément. Je kiffais les similitudes. J'éloignais l'angoisse avec des méthodes en et les cheveux blancs de même. J'avais merdé avec ma douce parce qu'on se parlait plus des masses et que j'avais eu quelques doutes, mais j'étais peut-être vraiment un salaud. Si j'étais célibataire je me taperais une seconde adolescence façon Matt à Berlin et me ferait sauter le foie, mais j'avais encore des idéaux et l'un d'eux c'était l'amour.

Mis à part que j'étais une merde, j'étais plus une loque, je faisais du sport. C'était la fête au présent, fallait juste pas penser plus loin. S'acharner tête sur les pieds et ça devrait le faire. « On va s'en sortir Charlie, on va s'en sortir » on répétait cette phrase de Starcraft dans le micro mon frère et moi au début des parties hard de Warcraft 3 quand on tombait sur des gozus de merde – parfois on se les faisait à coups de batriders et là on se jutait dessus – mais on avait comme oublié l'interjection suivante et dernière du marine à son ghost de pote - « c'est fini mec, c'est fini, fais-le sauter, fais le sauter ! » et le vaisseau lab de se disloquer en orbite haute de Tarsonis ou je ne sais plus dans l'explosion de la bombe à fusion froide, une bière, un rhum brun avec des glaçons, un Russe blanc.