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Publié le 17 octobre 2007 par Raymond Viger

Jean-Pierre Bellemare, prison de Cowansville, Volume 16 no 1. Octobre 2007

Dans l’enceinte du pénitencier, les gardiens ferment souvent les yeux sur le trafic de drogue. Certains détenus peuvent en vendre et en acheter. Ils peuvent aussi battre leurs voisins de cellule et provoquer les gardiens. Quelles que soient leurs actions, ils s’en tirent toujours sans problème… Il arrive même que ceux-là soient libérés plus rapidement et avec moins de conditions. Qui sont-ils? Les délateurs.

Le pénitencier est un terrain de jeu pour eux, et le monde au-delà des barreaux l’est d’autant plus. Une fois libérés, ils récidivent. Leurs crimes sont à nouveau punis. Alors, ils retournent au pénitencier pour le quitter aussi rapidement.

Cette situation existe, parce que les détenus connaissent bien les rouages de la prison et la façon de penser des fonctionnaires qui leur permettent d’être libérés. Ils savent par conséquent les utiliser à leur avantage, tout en leur laissant l’impression que ce sont eux qui ont le pouvoir.

Ces fonctionnaires prennent vraiment les prisonniers pour des idiots. Il m’arrive souvent de voir un autre détenu vendre de la drogue sous les yeux des gardiens ou se battre sans se soucier d’être pris. J’estime que les agents de libération en charge de ces détenus informateurs font preuve d’irresponsabilité et de naïveté.

Il y a plusieurs années, une grosse pointure (un criminel notoire) m’offrait de faire entrer de l’héroïne pour lui. Méfiant, j’ai refusé. Il a alors adressé sa proposition à un autre prisonnier qui, lui, a accepté. Il s’est fait prendre. La grosse pointure n’a jamais été suspectée de manipulation par les détenus, parce que c’est elle qui «perd son stock». Celui qui s’est fait prendre ne pensait pas au fait qu’il était seulement une simple marionnette, et qu’il avait permis d’accélérer le processus de libération du criminel notoire. J’ai tiré une leçon de ce coup monté et changé ma perception du milieu criminel.

Malheureux contribuables

Un des recours de ces détenus futés pour avoir droit à certains privilèges est de coopérer avec les autorités pénitentiaires. Cependant, en réalité, ce sont souvent eux les véritables criminels. L’administration devient alors complice de leurs crimes en les relâchant de façon précoce. Comment les autorités peuvent-elles croire que ces détenus opportunistes deviendront des citoyens respectables?

Cette méthode de travail, l’encouragement à la délation, est une technique développée par les régimes totalitaires. Être informateur devient une tendance chez les prisonniers, puisque ce statut leur garantit une libération prématurée.

Le détenu qui est libéré pour avoir dénoncé ses pairs aura la certitude d’être intouchable et de pouvoir s’en sortir à nouveau, à sa prochaine incarcération. Pour l’administration, aussi longtemps que le délateur fournira de l’information, peu importe la façon dont il se la procure, il sera libéré. Le contribuable est la victime de ce marchandage honteux.

P.S. Jean-Pierre Bellemare est finaliste aux Grands Prix de journalisme magazine.

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