Loin de faire de l’élection présidentielle "l’alpha et l’omega" de ce que devrait être la vie politique des travailleurs et des communistes dans ce pays, quoi que l’on pense de cette élection et du cadre (la 5ème République, la république bourgeoise, la prédominance de l’UE...) dans lequel elle se déroule, il est au moins quatre "travers" à éviter d’emblée pour y réfléchir correctement.
Les deux premiers tiennent à la conception de l’élection présidentielle stricto sensu pour nous :
Ces deux voies me semblent également fausses.
La raison et nos engagements nous imposent donc, avant tout débat sur le "qui et comment" (ce qui serait mettre la charrue avant les bœufs), de remettre à sa place cette élection dans ce cadre précis, et de ne pas lui faire dire plus, ni moins, que ce qu’elle dit et peut offrir comme opportunités, pour nous, du point de vue de la lutte des classes et d’une certaine conception de la démocratie prolétarienne.
De ne pas y cristalliser toute la vie politique jusque là, mais de nous en préoccuper assez tôt pour ne pas répéter les mêmes fiasco indéfiniment, tout en attribuant à ce moment de la vie politique française sa juste valeur pour nous et ce que nous défendons, c’est à dire, un autre projet de société, un projet politique alternatif (et non d’alternance plus ou moins "rougie"), un projet dont les racines sont la lutte contre l’exploitation capitaliste et le renouveau de la démocratie, et à terme, de préserver et de renforcer la possibilité révolutionnaire, donc.
A ce titre, il va de soi, il me semble, que la question posée n’est pas, ne peut pas être, et à plus forte raison pour 2012, en l’état actuel des choses et des consciences, "quel programme et quel candidat pour que le Président élu de la 5ème République soit communiste" !
La question est bien plutôt "comment nous saisir ensemble, le plus nombreux possible, de ce moment particulier de la vie politique qui nous accorde des moyens et des droits que nous n’avons pas en temps habituel, pour reconstituer le mouvement communiste, pour restaurer les organisations qui se réclament du communisme, pour faire entendre notre différence d’avec tous les autres (les non-communistes) et surtout, pour donner de la force et de l’espoir politique aux luttes d’émancipation et de résistance en cours".
Les deux autres travers à éviter pour nous sont donc, il me semble, les suivants :
La vie politique actuelle est ainsi faite que de nombreux communistes ne sont plus encartés nulle part (et certes pas ou plus au PCF, qui ne peut plus prétendre avoir l’hégémonie ou le monopole de la représentation des communistes en France), et grossissent chaque année davantage les rangs des abstentionnistes.
Que le PCF est certes extrêmement imparfait et à bout de souffle, très critiquable à maints égards, mais qu’il existe encore, et que sans lui, toutefois, dans sa diversité, dans sa composition bien plus complexe qu’on ne veut le dire souvent, aucun mouvement communiste pérenne n’est possible ni envisageable sérieusement.
Une élection présidentielle en France, compte tenu de la composition de notre pays, c’est avant tout le mouvement qu’un parti capable matériellement et intellectuellement d’assumer une position d’avant-garde, de "leader", est capable de fédérer, de rassembler à ses côtés, pour transformer une partie de l’état des choses, soit directement, soit indirectement.
Ceci à plus forte raison que les élections législatives suivront directement l’élection présidentielle, et que c’est aussi la dynamique enclenchée au moment de la présidentielle, l’intensité du projet politique proposé, la clarté et la fermeté des choix idéologiques revendiqués et assumés, qui déterminera, pour le coup, notre réappropriation d’un lieu de véritable pouvoir, de pouvoir du peuple, celui de l’Assemblée nationale.
Oui, il y a encore et toujours énormément de communistes et de sympathisants communistes ou socialistes, révolutionnaires, jeunes, moins jeunes, dans ce pays, de toutes origines ethniques , religieuses, culturelles, mais aussi des tas de personnes qui ne savent pas encore qu’elles pourraient être communistes et que c’est ce projet, toujours aussi fou et révolutionnaire, qui répondrait à beaucoup de leurs attentes.
Il ne faut pas laisser gâcher cela !
L’idée qui sert actuellement de pivot à toutes nos discussions, celle de la "gauche de gauche", est une idée creuse et un peu ridicule, insusceptible de rassembler le plus grand nombre d’entre nous, du fait de son flou, de ses ambiguïtés, de ses origines partisanes et théoriques particulières, et de son inadéquation à transcrire et à appuyer politiquement aujourd’hui la lutte des classes face au capitalisme.
Elle prend d’ailleurs d’emblée appui sur un mythe qui fut certes aimé, voire utile, mais qui a été battu en brèche par la conjonction du travail de sape idéologique capitaliste et la faiblesse "intellectuelle" des organisations dites ouvrières dans la seconde partie du 20ème siècle, une fiction qui (s’)est discréditée, peut être plus encore que le communisme lui-même, car ses fautes sont plus récentes et très actuelles, et pour longtemps je le crains : ce mythe, c’est celui de "la gauche" (on a donc là au moins une erreur tactique énorme).
Les peu satisfaisants scores du Front de gauche, malgré certaines exceptions, - Front supposé mettre en pratique cette construction théorique, douteuse dès l’origine -, en témoignent, même si il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain, et que l’existence de ce Front de gauche et la démarche indépendante du PS majoritaire au premier tour des régionales montrent aussi des craquements, montrent que la tour d’ivoire dogmatique et assez sectaire du courant majoritaire de la direction nationale se fissure, ce qui n’est pas dommage.
En cela, nous vivons encore dans les soubresauts de l’échec du gloubiboulga de 2007 "gauche populaire et antilibérale" issu de la démarche des collectifs unitaires anti-libéraux, mouvement petit-bourgeois par essence, de sa formation sociologique jusqu’à ses conceptions de la démocratie et de la politique, mais également, dans son rapport, jamais éclairci, au capitalisme.
Envisager 2012 sereinement et utilement pour nous, travailleurs actifs, retraités ou au chômage, précaires, étudiants...en lutte ou pas encore, implique donc de mon point de vue avant toute chose que soient réunis les points suivants :
En fonction de la réponse à ces questions ( mais également, pour répondre à ces questions, dans une certaine mesure) :
Le rassemblement des communistes et de leurs sympathisants D’ABORD !
A 1.97% on est très loin de faire déjà le "plein" de "nos " voix.
Il y a actuellement matière à rassembler et à débattre sans tabou sur de nombreux sujets de travail : les retraites, la Grèce, l’Union européenne, la désindustrialisation, les luttes sociales en cours (sans papiers, industrie automobile etc)...Profitons-en.
Que cette question du projet politique, qui doit avoir pour premier but de remettre le politique et l’humain devant l’économie et la finance, soit centrale, et fasse dès à présent l’objet d’ateliers de réflexion et de propositions partout en France sur le thème "Quel projet politique communiste pour la France au 21ème siècle" (ateliers dont le "cahier des charges" doit exister et devrait, sans inscrire les réponses dans les questions, mettre en avant la question de la lutte des classes, des conflits en cours et de leur soutien, des choses à faire pour transformer ces luttes de terrain en victoires, de l’analyse du capitalisme et du bloc au pouvoir, mais aussi de l’analyse des classes et sous-couches sociales en France, et de la démocratie prolétarienne, entre autres).
Dans la désignation de cette personne, il me semble évident qu’il faudra faire une bonne balance entre plusieurs choses :
La question du charisme, si importante en ces temps médiatiques, sera évidemment importante.
Ce ou cette candidat-e devra pouvoir incarner dans sa personne certaines qualités objectives que l’on attend des responsables, sans cependant que nous ayons à singer les codes et les valeurs bourgeoises, mais au contraire, qu’il ou elle puisse incarner certaines de nos valeurs jamais représentées dans cette société (en d’autres termes, je ne crois pas que nous combattrons bien les candidats du capital avec un clone de chez eux, "le feu par le feu"...)
Résumons, donc, en vue de 2012 :
Voilà les quelques suggestions et idées que je me permets de soumettre dès à présent à la sagacité et à la perspicacité de mes camarades communistes, car prévoir c’est pouvoir.
Salutations militantes et fraternelles.