Montreuil : divorce à la mairie "trop verte et pas mûre"

Publié le 08 mai 2010 par Blanchemanche
Depuis deux ans,les psychodrames se succèdent à l’hôtel de ville.
Dernier acte:
Voynet a destitué cinq adjoints.
Par MATTHIEU ECOIFFIER
http://canempechepasnicolas.over-blog.com/article-montreuil-divorce-a-la-mairie-trop-verte-et-pas-mure-50020076-comments.html
Triste anniversaire pour Dominique Voynet. Il y a deux ans, la sénatrice de Seine-Saint-Denis était élue triomphalement maire de Montreuil, la première édile verte d’une ville de plus de 100 000 habitants. Dominique Voynet ou, selon son entourage, un drame «politique et affectif» en trois actes.
LA DESTITUTION
Hier, 19 heures, conseil municipal dans la salle des fêtes. La deuxième délibération porte sur la destitution de cinq de ses adjoints. Dont celles de sa première adjointe, Mouna Viprey (éducation et enfance) et de Manuel Martinez (urbanisme), des proches du député socialiste Claude Bartolone, l’homme fort du département.
Depuis deux jours, un tract signé par les « rebelles » autoproclamés et tiré à quarante sept mille exemplaires circule partout. Hurlant à la « purge » :
« Dominique Voynet a décidé d’augmenter fortement les impôts et de faire exploser la majorité voulue par les Montreuillois ».
Le constat est sévère. Et le contraste saisissant avec le tract des municipales de 2008, où les deux femmes souriaient : Dominique Voynet, cinquante et un ans, l’écologiste qui trouvait là un nouveau souffle après son échec à la présidentielle de 2007 (1,57 %) et l’économiste Mouna Viprey, quarante deux ans, figure locale des socialistes anti Jean Pierre Brard, le sortant communiste. Leur duo symbolisait une « liste de citoyens vraiment de gauche et vraiment différente », clamait le slogan. Une gauche débarrassée des oripeaux des appareils. Pour preuve, PS et PCF soutenaient Brard, l’indétrônable maire, depuis un quart de siècle, d’une ville que Voynet comparait « à la Roumanie avant la chute de Ceausescu ».
Viprey et sa bande avaient alors enduré l’exclusion du PS pour la suivre. En échange « Dominique » s’engageait à soutenir « Mouna » aux législatives de 2012. Deux ans après, le deal est « hors sol », juge Voynet. Et le divorce amer. « C’est extrêmement difficile de faire le deuil d’une espérance collective qui s’est fracassée non pas sur des désaccords politiques mais des comportements » a balancé hier Voynet dénonçant « le ton venimeux et l’arrogance abyssale » de ses ex partenaires.
Avant de faire voter leur destitution. « Bartolone est furax contre Voynet. Il dit :
« On lui a donné Montreuil et elle fout tout en l’air en excluant nos copains », raconte un Vert. Alors que le PS et Europe Ecologie fusionnent dans les régions et négocient pour 2012, à Montreuil, verts et roses sont à couteaux tirés.
LE BOYCOTT
18 février. Les dissidents socialistes boycottent le conseil municipal. « Vous ne pouvez me faire ça ! » s’étrangle Voynet. Ce jour là la moitié des deux mille agents municipaux est en grève. « C’était désagréable, mais elle avait refusé de nous recevoir », raconte une des rebelles. Ne pas augmenter les impôts locaux était un engagement de campagne. Dans cette ville surendettée, c’est pourtant, selon Jacques Archimbaud, le directeur de cabinet de Voynet, la seule manière de dégager un peu de capacité d’emprunt pour investir dans le logement et un nouvel éco quartier, gagné en partie sur deux kilomètres d’autoroute. « On subit la réduction des dotations de l’Etat et du conseil général, les impayés de loyers et l’explosion du nombre de gamins à la cantine », rappelle ce fidèle de l’ex ministre.
Après neuf réunions du bureau municipal depuis octobre la maire a tranché. « On proposait 8 % de hausse pour la taxe d’habitation et eux étaient d’accord pour 6 % », note Archimbaud. Tout ça pour ça ? Lui voit dans cette affaire une réelle divergence politique entre des socialistes qui veulent « accompagner » et des écologistes désireux d’aller « plus vite et plus fort ». Les rebelles crient à la « parano » :
« Dès qu’on appelait à trier dans les investissements, ils nous suspectaient de vouloir que Voynet fasse un mandat blanc pour lui piquer la mairie », assure l’un d’eux.
Réponse de Voynet :
« Martinez dit qu’ici ce n’est pas un petit village du Jura, comme si on n’était pas légitimes. Ils pensent : « On va récupérer la mairie à la mère Voynet » ! Dans la foulée du boycott, la maire et le reste du conseil – Verts et société civile – suspendent « collectivement et à l’unanimité » les délégations des insurgés.
Un samedi après midi, « Dominique » passe voir « Mouna » chez elle pour recoller les morceaux. « On a bu un thé, on s’est mises d’accord, raconte Viprey. Je devais faire un discours rassembleur et, elle, nous réintégrer dans la foulée ». Bartolone, qui prépare le retour de sa bande au sein de la section PS, tente une médiation :
« Vous votez les taux et elle vous rend les délégations ».
Mais le jour J, Voynet leur demande de signer une charte de bonne conduite pour le reste du mandat. Ils crient au musellement, exigent qu’elle leur rende leurs délégations avant le conseil municipal. Refus de la maire :
« Ils croyaient me faire plier ! ». « On ne souhaitait pas la rupture, on l’a subie », assure Viprey.
L' ATARAXIE
Fin avril, dans son bureau une Voynet, détendue, jongle avec les taux d’imposition :
« 8 % c’est 1,33 euro de plus par mois pour un pavillon ». Exclus, les rebelles se lâchent sur Voynet dotée d’ « une capacité d’autodestruction rarement vue ». « Pas faite pour le job » et « qui envoie bouler les gens ». « La vérité, c’est que la tâche est très lourde, la pression très forte et les caisses sont vides. Il y a ceux qui sont mielleux et ceux qui font », reconnaît elle, souvent raide dans le contact car toujours aussi peu sûre d’elle. « Je n’ai pas intérêt a être brutale, mais j’ai une difficulté : si je me fais renverser par un bus, c’est Mouna qui devient maire ».
Depuis hier le danger est écarté.