Freddy: Les Griffes de la Nuit (A Nightmare on Elm Street) de Samuel Bayer

Par Geouf

USA, 2010
Réalisation: Samuel Bayer
Scénario: Wesley Strick, Eric Heisserer
Avec: Jackie Earle Haley, Kyle Gallner, Rooney Mara, Katie Cassidy, Thomas Dekker, Clancy Brown

Résumé: Les adolescents d’Elm Street ont un problème: ils font tous le même cauchemar au cours duquel ils sont poursuivis par un homme au visage brûlé et portant un gant aux griffes d’acier. Et lorsque certains d’entre eux commencent à mourir dans leur sommeil, ils se disent qu’il va leur falloir trouver rapidement la raison de ces cauchemars…

Vu que ses petits camarades Michael et Jason étaient déjà passés par la moulinette du remake, il était évident que le plus charismatique des psychokiller ne tarderait pas à faire les frais de la politique de la terre brûlée d’Hollywood. Seul obstacle, de taille, le personnage de Freddy Krueger était considéré comme indissociable de son interprète, le génial Robert Englund. Mais impossible n’est pas Hollywood, et il a suffit que Michael Bay décide de s’en mêler, via sa société de production Platinum Dunes, pour que le projet se voit lancé… Ni une ni deux, la production « propose » le film à un jeune réalisateur (comme pour la plupart des remakes), le clippeur Samuel Bayer, plutôt récalcitrant à première vue, mais rapidement convaincu. Le rôle de Freddy est confié au très bon Jackie Earle Haley, choix plutôt pertinent et approuvé par les fans (on rappellera que Haley arrive quasiment à lui seul à sauver le Watchmen de Snyder de l’ennui intégral), et à la vue des premières images et bandes annonces, le film semble sur de bons rails (mis à part un nouveau maquillage de Freddy faisant un peu polémique). C’est donc relativement confiant (après tout Platinum Dunes est derrière le très correct remake de Massacre à la Tronçonneuse) que le spectateur vient s’installer confortablement dans la salle de ciné. Manque de bol, cette nouvelle mouture des Griffes de la Nuit est peut-être l’un des pires remakes récents, à ranger aux côtés de ratages tels que Fog ou Hitcher.

Pourtant le film reprend fidèlement l’histoire et la plupart des événements du classique de Wes Craven, Jackie Earle Haley donne de sa personne pour effrayer l’audience, mais non, rien n’y fait, le film ne fonctionne jamais, et ce pour de multiples raisons. Premier problème, le réalisateur Samuel Bayer ne fait preuve d’absolument aucune implication et se contente de mettre en image platement un scenario replaçant régulièrement les scènes mythiques de l’original (la scène de la baignoire, la mort de Tina, etc). On ne pourra pas reprocher à l’équipe un manque de fidélité à l’œuvre d’origine, mais malheureusement, ces scènes souffrent de la comparaison et n’ont que peu d’impact à l’écran, vu la platitude de la réalisation. Autre problème, les quelques entorses faites à l’histoire du film de 1984 sont plutôt malheureuses et cassent la cohérence du récit. Par exemple, on a beaucoup de mal à croire que quelques parents aient pu brûler vif et faire disparaitre un homme sans que personne ne s’en aperçoive ou ne se pose de questions (alors que dans le film original, cet aspect était justifié par le fait que le père de Nancy, shérif de son état, avait étouffé l’affaire). De même, difficile de rendre crédible l’idée que le jardinier de l’école maternelle vive dans une cave crasseuse au sein même de ladite école… L’idée de faire de Freddy une possible victime innocente de la psychose moderne du pédophile était plutôt judicieuse, mais cette piste est lâchement abandonnée en fin de film lorsqu’il est révélé de façon balourde que oui, c’était bien un vilain pédophile et que donc il méritait de mourir ainsi.

Autre gros défaut, Bayer n’arrive jamais à rendre ses personnages intéressants. Les jeunes ados ont tous l’air de vaguement se connaitre, mais semblent se contrefoutre du sort de leurs camarades, et on ne ressent jamais aucune cohésion dans le groupe. La faute aussi à des acteurs plutôt mauvais, notamment Rooney Mara, dans le rôle de Nancy, qui passe le film avec l’air d’avoir fumé un pétard (mais on nous dit que c’est pour avoir l’air insomniaque). On est très loin de la présence de la jolie Heather Langenkamp, ou du charisme d’un jeune Johnny Depp. Seule Katie Cassidy donne un peu d’intensité à son jeu, mais son personnage est sacrifié au bout d’une demi-heure de film. Quant à Jackie Earle Haley, il a beau se démener avec son accent trainant pour rendre Freddy effrayant, il ne parvient jamais à faire oublier Robert Englund. Il n’est il est vrai pas aidé par un maquillage certes plus réaliste que l’original, mais pas franchement effrayant (il ressemble à un crapaud) et beaucoup trop exposé à l’écran (on rappellera que la plupart du temps, Wes Craven gardait le visage de son boogeyman dans l’ombre). Le Freddy 2010 est juste un gros bouseux sans aucun charisme, balançant de plates répliques sans aucune conviction.

Conséquence, on s’ennuie ferme devant ce film d’une platitude hallucinante, d’autant que Bayer ne parvient jamais ni à rendre son boogeyman effrayant, ni à faire pénétrer le spectateur dans le monde du rêve. Parce que c’est bien beau de reprendre les célèbres décors de la chaufferie ou de l’école, mais encore faut-il réussir à mettre le spectateur mal à l’aise avec une « inquiétante étrangeté ». Là on a juste l’impression que les personnages sont téléportés dans un autre lieu, pas qu’ils sont en train de rêver… Et l’idée pourtant assez ingénieuse des micros sommeils est très mal exploitée à l’écran. Les deux seules scènes à peu près réussies de ce point de vue sont la scène d’ouverture dans le resto crasseux, avec les morceaux de porc dépecés dans la cuisine, et celle où le couloir dans lequel fuit Nancy se transforme soudainement en mare de sang. C’est bien peu et on en vient presque à regretter les débordements fantaisistes des épisodes 4 et 5 de la saga d’origine…

En clair, cette nouvelle mouture de Freddy est un ratage quasi intégral, une œuvre sans âme et sans intelligence produite par une équipe sous motivée. Une honte ne faisant pas honneur à l’original, mais qui malheureusement a déjà engrangé suffisamment d’argent pour qu’une suite soit produite. Au moins ils ne pourront (a priori) pas faire pire…

Note : 3/10

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