Les bourses se sont calmées. L'euro ne remonte pas. L'or, lui, continue de grimper. La Grèce va toucher ses premiers milliards. Et la Commission Européenne a décidé d'agir.
Le gros organe central mou, paisible ruminant qui broute tous les jours un peu plus sur les prérogatives des états dont il est issu, s'est donc étrangement réveillé de la léthargie dans laquelle il semblait figé depuis plusieurs mois. La mise en place de la Commission Barroso 2 a probablement occupé les esprits de l'institution plus que de raison au point qu'il aura fallu plus que la crise grecque pour la secouer. Ce n'est qu'avec le risque d'une perte totale de contrôle sur l'Euro qu'enfin elle s'est décidé à émettre une proposition.
Et quelle proposition !
En substance, il s'agit ni plus ni moins que d'aller vérifier les budgets nationaux des états membres (de la zone euro et de l'ensemble de l'Union) avant qu'ils ne soient validés finalement par les parlements nationaux.
L'idée, derrière cette proposition pour le moins iconoclaste, est de s'assurer que les états membres ne profitent pas de la stabilité de l'Union pour produire des déficits et de la dette en montants colossaux, mettant ainsi en danger tous les autres membres par leur incurie.
Devant une telle proposition, on ne peut être que surpris. Et cette surprise porte essentiellement sur deux points.
Tout d'abord, on notera que le mouvement général de l'Union Européenne, et ce, surtout depuis le début de la crise, aura été de profiter des événements mondiaux pour accroître son pouvoir et sa capacité d'intervention tant dans les états membres qu'au niveau mondial. L'avènement récent du traité de Lisbonne a ainsi encore augmenté le pouvoir réel de la Commission pour imposer aux états membres des mesures qui, auparavant, relevaient sans doute de leur politique propre.
Avec cette nouvelle proposition, on fait un pas de plus vers une centralisation du pouvoir vers les institutions européennes, et la Commission en particulier. Le principe de subsidiarité, un des concepts fondateur de l'Union, est en train de s'effacer progressivement au profit d'un fédéralisme encore mal défini et assez éloigné d'une confédération helvétique ou d'une fédération allemande… Nul ne sait de quoi demain sera fait, mais il apparaît clair que l'Europe, et la Commission Européenne, toute molle et lente qu'elle soit, entend y jouer un rôle de plus en plus prépondérant.
Quelque part, c'est d'ailleurs cette mollesse et cette lenteur qui lui fournissent son principal atout : personne ne croyait réellement en la capacité de ces institutions de déposséder lentement les états de leurs attributs, et pourtant, c'est ce qu'on observe.
Personne non plus n'imaginait que ces institutions, proclamant ubi & orbi leur attachement au démocratisme (i.e. la démocratie comme doctrine quasi-évangélique, alpha et oméga de toute décision politique), se passeraient allègrement des opinions des peuples.
Et pourtant, tant avec le traité de Lisbonne qu'actuellement au chevet des pays malades de leurs dettes, jamais les peuples n'ont eu aussi peu à dire sur leur propre sort. On vient, ipso facto, de ponctionner plus de 2000 euros par citoyen européen vivant et utilisant la monnaie unique, et personne n'a moufté. Certains abrutis ont même applaudi des deux mains.
D'autre part, cette dernière proposition surprenante n'est, ni plus ni moins, qu'une tentative couillue de pallier l'absence de sanctions des traités internationaux encadrant la monnaie unique.
Tout le monde sait, en effet, que la Grèce s'est fourrée dans cette situation en trichant lamentablement sur ses comptes. Une partie du monde a compris aussi que d'autres états membres ont utilisé les mêmes ficelles ou d'autres plus subtiles pour profiter de la stabilité de la monnaie unique pour se comporter budgétairement comme des gorets. Et chacun aura compris qu'en l'absence de sanctions possibles, grande est la probabilité qu'une fois les petits soucis passés (ou tout du moins une fois ceux-ci suffisamment camouflés), les mauvaises habitudes reviendront aussi sec.
Un tel contrôle a priori des budgets nationaux par la Commission permet d'assurer, dans une certaine mesure, que les gouvernements se sentiront un tantinet plus gênés lorsqu'ils présenteront des déséquilibres dans leurs finances.
Honnêtement, qu'un Woerth ou un Barouin se sentent humiliés de devoir expliquer pourquoi ils alignent 150 milliards de dette supplémentaire depuis deux ans me réjouit : le peuple français n'a plus, depuis longtemps, aucune velléité de récupérer les monceaux de fric qu'ils larguent à leur gouvernement qui va les pisser dans les égouts dorés de notre République ; que quelqu'un, finalement, explique que nos gouvernants font n'importe quoi, n'importe comment, est une bonne chose : une bonne paire de tartes dans la gueule enfarinée d'énarques filouteurs, c'est toujours un plaisir.
Mais il n'en reste pas moins qu'une telle proposition marque un rang supplémentaire dans la prise de contrôle par les institutions européennes sur les états membres. Et dans le fonds, quand bien même on peut s'amuser de voir les marques rouges des giroflées à cinq pétales sur les joues des ministres dépensiers, la montée en puissance d'un méta-état n'est jamais chose réjouissante…
En attendant que la Commission prenne ouvertement le contrôle budgétaire des états indigents, ceux-ci s'agitent comme les souris dansantes, surprises en entendant l'arrivée du chat. Les bourses ont largement contribué à filer quelques fessées méritées de-ci, de-là, au point qu'on commence à envisager des mesures un peu moins molles pour remettre les finances d'équerre.
Dans l'Espagne socialiste de gauche de Zapatero, on explique ainsi qu'on va devoir baisser le salaire des fonctionnaires de 5%.
Et bien sûr, dans la France socialiste de droite de Sarkozy, imaginer une seule seconde qu'il puisse en aller de même est totalement exclus. On en reste au non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, et 6 milliards d'économies en 3 ans. Pour 150 milliards de déficit. Par an. La bouffonnerie continue, et va jusqu'au travail chirurgical sur la sémantique pour déterminer s'il s'agit ou non d'un plan de rigueur.
Pour information, M. Hamon, rigueur n'est pas un gros mot. Faire un budget avec rigueur, c'est le faire correctement, c'est-à-dire à l'exact inverse de ce qui est fait depuis trente ans, et de ce que vous prônez, vous et vos petits amis keynésiens et marxistes, baltringues de l'économie, et tous les clowns ridicules qui s'agitent en face, sur une droite prétendument opposée à vous, et dont les notions de comptabilité et d'économie ne vous permettraient même pas d'atteindre la classe de 3ème d'un lycée de ZEP.
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Pendant ce temps, la bourse, et le trading des CDS en particulier, se focalise sur … la France et le Royaume-Uni. Pour rappel, j'expliquais dans cet article du 19 avril que les prochains pays en danger étaient visibles dans les montants de CDS échangés sur les marchés (regardez notamment le nombre de contrats échangés). Et, sans surprise, l'Espagne et le Portugal ont bel et bien eu des sueurs froides.
Le haut du tableau a quelque peu changé.
Fillon et Cameron (nouveau Premier en UK) devraient attacher leur ceinture.