Femmes et religions. par Salles Jean-Paul

Publié le 18 mai 2010 par Blanchemanche
« Autour de la condition féminine d’hier à aujourd’hui »
Quatre conférences-débats proposées par le NPA de La Rochelle, avec Jean-Paul Salles.
Au Café Populaire de La Pallice. La Rochelle
Quatrième Volet.
Femmes et religions.
Introduction.
Jusqu’à aujourd’hui, la condition de la femme a été déterminée par de grands textes religieux. La religion, c’est d’abord l’explication du monde. Chacune des trois grandes religions nous explique comment le monde a été créé – le fameux récit de la Genèse dans la Bible – d’où le terme « créationniste » appliqué à cette explication de l’origine du monde et de l’homme. Mais c’est aussi, et surtout, un ensemble de règles morales destinées à rendre la vie en société possible. C’est une façon d’indiquer à chacun sa place, de l’amener à se résigner à sa position seconde si tel est le cas et de justifier la position éminente de certains. De toute façon, les religions relativisent le passage sur terre, l’essentiel se jouant après la mort, et dans la tradition chrétienne la souffrance sur terre permet d’accumuler des mérites qui donneront le bonheur éternel dans l’au-delà. Cette deuxième caractéristique des religions : apprendre à souffrir en silence, à encaisser les coups (si on te donne une gifle, tends l’autre joue) a amené certains hommes politiques ou chefs d’entreprise à soutenir les Eglises. Ils ont maintenu cette attitude au XIXe siècle, malgré les progrès de la science et la remise en question de l’explication traditionnelle de l’origine du monde – avec les découvertes de Darwin – et la victoire progressive de l’évolutionnisme sur le créationnisme. C’est Napoléon Ier par exemple, lui-même athée, qui disait à propos de la religion : on n’a jamais rien trouvé de mieux pour faire obéir les hommes. Et avec le Concordat de 1801, qui s’applique encore aujourd’hui en Alsace et en Lorraine du Nord, il redonne à la religion ébranlée par la Révolution française, une place officielle.
Dans le cadre des sociétés réglées par la religion, chacun a sa place, une fois pour toutes. Ce sont des sociétés immobiles par opposition aux sociétés mobiles, en principe, d’aujourd’hui. On parle pour ces sociétés traditionnelles de sociétés organiques : de même que dans le corps humain chaque organe a sa place et ne peut en occuper une autre, dans ce type de société, chaque être humain est assigné à une place, remplit une fonction et est prié de s’y tenir. Sinon, il (ou elle) trouble un ordre immémorial, sacré, et la société est autorisée à déchaîner les pires sanctions pour châtier le déviant. Ainsi, dans la France d’Ancien Régime, les gens étaient répartis en trois ordres. De haut en bas : ceux qui prient (le Clergé), ceux qui défendent et dirigent (la Noblesse), ceux qui travaillent (le Tiers Etat). Cet édifice social était couronné par le roi (en France seulement un homme) qu’on compare à la tête, les autres catégories sociales étant comparés aux membres du corps, obéissant à la tête/roi. Quant au roi lui-même il obéit à Dieu. De même qu’il n’y a qu’un seul Dieu dans l’univers, créateur de toute chose, il y a un seul chef sur terre, l’empereur puis le roi, un seul chef au niveau de la famille, le père (paterfamilias) à qui obéissent femme et enfants.
Ch. I. La place de la femme dans quelques grandes traditions.
La femme dans l’Antiquité.
Dans la Grèce ancienne, le statut de la femme n’est pas identique dans toutes les cités, mais elles sont toujours dans une situation d’infériorité. Aujourd’hui on ne croit plus qu’il ait existé à un moment donné des sociétés matriarcales, même si dans certaines cités, l’île de Lesbos par exemple, où a vécu la poétesse Sapho, elles étaient davantage respectées. A Athènes, la femme n’a pas le droit de cité, ne participe pas à la riche vie politique. Athènes est une démocratie d’hommes libres. Avant le mariage, la femme n’a pas vu son mari. Au moment du mariage, elle est transférée avec solennité du domicile du père à celui du mari, tenant un gril et un tamis. On attend d’elle qu’elle reste à la maison, dans le gynécée. C’est la reine de l’intérieur, comme l’explique Xénophon dans L’Economique :
« A l’homme les travaux de l’extérieur, labourer une jachère, semer, planter, faire paître le bétail ; à la femme les travaux de l’intérieur, c’est à l’abri que doivent être élevés les nouveaux-nés, à l’abri que doit être préparée la farine. Comme elle, la reine des abeilles, la maîtresse de maison doit rester à la maison…penser à l’avance à ce qui doit être mis de côté, et veiller à ne pas faire pour un mois la dépense prévue pour une année ».
Alors que le petit garçon, à partir de l’âge de 7 ans, est scolarisé dans l’école du grammairien, la fille reste dans le gynécée où on lui apprend à filer, à tisser la laine. Dans l’Antiquité, les Spartiates avaient la réputation d’être libres. On les surnommait les « montre-cuisses ». Beaucoup soulignaient la liberté d’allure de ces femmes. En fait ceci semble dû à la mobilisation permanente des hommes, souvent éloignés de la cité par des guerres, ce qui permit aux femmes, conjoncturellement, de prendre de l’importance.
La femme dans la tradition chrétienne.
Quand le christianisme s’implante puis devient la religion officielle de l’Empire romain, avec la conversion de l’empereur Constantin, les femmes ont déjà subi leur défaite historique. Comme dans bien des domaines, le christianisme reprendra les coutumes traditionnelles, les durcissant même parfois. Il faut dire que les textes sacrés sur lesquels est basée cette religion sont anti-féministes, en particulier l’Ancien Testament. Tout d’abord, selon la Genèse, Dieu a d’abord créé l’homme, puis la femme dans un second temps :
« Yahvé Dieu dit : il n’est pas bon que l’homme soit seul. Il faut que je lui fasse une aide qui lui soit assortie…Alors Yahvé Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit. Il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. Puis, de la côte qu’il avait tirée de l’homme, Yahvé Dieu façonna une femme et l’amena à l’homme ».
Donc la femme est en position seconde, dès les origines. De plus, c’est par Eve, la première femme, qu’a été commis le péché originel, source de tous nos malheurs. C’est Eve par sa curiosité qui a croqué la pomme la première et a incité Adam à faire de même.
Cet antiféminisme perdure dans la tradition chrétienne. Ainsi Tertullien, au Ve siècle, a de terribles paroles :
« Femme ! Tu es la porte du diable ! C’est à cause de toi que le fils de Dieu a dû mourir. Tu devrais toujours t’en aller vêtue de deuil et de haillons ».
Certes Jésus, le fils de Dieu – notez au passage que c’est un homme que Dieu nous a envoyé – est né d’une femme, Marie, ce qui a priori tend à la revaloriser. Cependant cette femme a enfanté en restant vierge – c’est le dogme de l’Immaculée Conception – démontrant au passage toute la répugnance du christianisme face au sexe, au corps féminin. Chez Saint-Paul, dans son Epître aux Ephésiens (Nouveau testament), il y a l’affirmation de la suprématie du mari sur la femme :
« Soyez soumis les uns aux autres dans la crainte du Christ. Que les femmes le soient à leurs maris comme au Seigneur : en effet leur mari est le chef de sa femme, comme le Christ est le chef de l’Eglise ; or l’Eglise se soumet au Christ ; les femmes doivent donc de la même manière se soumettre en tout à leur mari ».
Cette place seconde de la femme explique que Saint Paul prescrive à la femme d’aller « tête couverte », fasse preuve d’humilité. Dans son Epître aux Corinthiens, le même Saint Paul :
« Toute femme qui prie la tête découverte fait affront à son chef, c’est-à-dire à son mari. L’homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image et le reflet de Dieu ; quant à la femme, elle est le reflet de l’homme. Ce n’est pas l’homme en effet qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme ; et ce n’est pas l’homme, bien sûr, qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. Voilà pourquoi la femme doit avoir sur sa tête un signe de sujétion ».
Reconnaissons cependant qu’il y a dans le message de Jésus beaucoup de compassion, de miséricorde, d’esprit de pardon. Il n’hésite pas à faire la leçon aux puissants, les Pharisiens. Voilà comment il s’adresse à ceux, selon Saint Jean, qui s’apprêtaient à lapider une femme adultère, car dans l’Ancien testament, celle qui a trompé son mari mérite d’être tuée à coups de pierres :
« Dès l’aurore, il parut à nouveau dans le Temple, et tout le peuple venait à lui. Il s’assit donc et se mit à les enseigner. Les scribes et les pharisiens lui amènent alors une femme surprise en adultère et, la plaçant bien en vue, ils disent à Jésus : « Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse nous a prescrit dans la Loi de lapider ces femmes-là. Et toi qu’en dis-tu ? » Comme ils insistaient, Jésus leur dit : « Que celui de vous qui est sans péché lui jette la première pierre ». A ces mots, ils se retirèrent un à un, et Jésus dit à la femme : Va et ne pèche plus ».
Notons que chez les Juifs religieux, les femmes doivent cacher leur chevelure ou se raser la tête et porter perruque. Dans le quartier ultra-orthodoxe de Mea Shéarim, à Jérusalem, la tenue des femmes est sévèrement surveillée par une « police de la vertu ». La ségrégation des sexes est générale : files d’attente séparées dans les magasins, les lignes d’autobus, avec les femmes à l’arrière dans ceux-ci.
La femme dans le Coran.
Les Musulmans s’appuient sur un ensemble de règles issues de plusieurs textes. Le plus important d’entre eux, le Coran, livre saint composé de sourates (chapitres), elles-mêmes divisées en versets, a été écrit par le prophète Mahomet sous la dictée de Dieu. Il a vécu en Arabie entre 570/580 et 632. A ce livre saint s’ajoute la tradition, constituée par les hadiths (dits ou faits du prophète) et les commentaires des savants, la charia ou loi coranique. Tout ceci fixe des règles de vie, la place de l’homme, de la femme. Tout est prévu, chacun a sa place dans la société, c’est la société organique. Le tout l’emporte sur l’individu, avec un avantage, chacun sait où il est, sait quels sont ses droits et ses devoirs. Tout cela peut fonctionner à condition que chacun joue le jeu, ne sorte pas du rôle, de la place qui lui sont assignés.
Le problème pour la femme : elle a plus de devoirs que de droits. Sa situation est précisée dans la sourate 4 (175 versets) intitulée « Les femmes », dans la sourate 24 (64 versets), « La lumière » et en divers autres endroits. La femme a un statut, une personnalité légale. Elle est reconnue comme un être à part entière. A ce titre elle peut posséder des biens. En cas de répudiation, de divorce, elle récupère sa dot. A la mort des parents, elle a droit à l’héritage, mais dans une part moindre que le garçon (elle a la moitié de la part du garçon). De même en justice, son témoignage est recueilli, mais il a une moindre valeur que celui de l’homme. Ainsi pour être contredit, le témoignage d’un homme doit l’être par deux femmes. De la même manière, en pays d’Islam, un homme peut prendre plusieurs épouses. Avant le Prophète, semble-t-il, en nombre illimité. Après, 4 femmes, pas plus, et seulement si l’homme a les moyens de les entretenir avec équité.
Le destin de la femme est donc le mariage, en général à la puberté. Cela varie selon les pays : 16 ans en Egypte, 17 ans en Tunisie, longtemps 15 ans au Maroc, 18 ans aujourd’hui. En Arabie saoudite et dans les pays du Golfe, souvent de petites filles sont mariées à des adultes, dans ce cas la « consommation » du mariage est différée. L’épouse a des droits : à la nourriture, à l’hébergement, à l’habillement, et des devoirs : tâches domestiques, ménage, éducation des enfants et bien sûr des devoirs sexuels, elle doit satisfaire les besoins du mari :
« Vos femmes sont un champ de labour pour vous. Venez à votre champ de labour comme vous le voulez », in Le Coran, « La Génisse », II, 223.
Le père est le patriarche, le chef incontesté, il est l’interface entre la famille et la société. En ville, un des rares endroits où les femmes peuvent se rencontrer sont les bains publics. En effet l’homme se dédit à la Cité. Il est important pour lui de ne pas perdre son honneur, de ne pas perdre la face. Pour cela il est nécessaire d’être conforme aux normes…et aussi que sa famille le soit. La conduite morale des femmes doit être irréprochable : chasteté des filles, fidélité de l’épouse, continence de la veuve ou de la divorcée. Les hommes de la famille ont un pouvoir de contrôle sur les femmes, le mari sur sa femme et ses filles, le frère aîné sur ses sœurs. Les juges et les religieux les soutiennent totalement dans leurs prises de sanction. La virginité des filles étant considérée comme un bien familial, celles qui ont mené une vie assez libre pendant leurs études se font reconstituer l’hymen à la veille du mariage. Quant à la femme âgée, même si elle demeure mineure à l’égard du mari, elle a un grand pouvoir sur la maisonnée, elle est respectée par tous. Asexuée, elle n’est plus celle qui par ses actes pourrait nuire à l’honneur de la famille, faire envie à d’autres hommes. Traditionnellement, on n’aime pas beaucoup les mariages d’amour, on se méfie d’une femme amoureuse, elle peut être immorale. Pudeur, modestie sont appréciées. Passivité et soumission sexuelle au mari sont de mise. L’adultère est puni sévèrement, selon la loi coranique la femme coupable peut être punie de lapidation. Ce fut un beau scandale quand Tariq Ramadan, ce musulman policé, n’a pas dénoncé radicalement cette coutume, demandant simplement un moratoire, c’est-à-dire une suspension de cette pratique. Si le mari surprend sa femme légitime, ou le frère aîné sa sœur, avec leur amant, la tradition veut qu’ils puissent la tuer sans que l’opinion publique n’y trouve à redire.
Quant à la pratique du sport par les femmes, elle n’est pas sans poser des problèmes en pays d’islam. Il détermine en effet chez celles-ci une profonde transformation de l’expérience subjective et objective de leur corps. Elles cessent désormais d’exister seulement pour autrui, ou pour le miroir. A priori, l’activité physique, le sport – quand il n’est pas de compétition – permettent de se sentir bien dans son corps. Mais aux yeux des rigoristes, celles qui, rompant la relation tacite de disponibilité, se réapproprient leur image corporelle, et du même coup leur corps, apparaissent comme dangereuses (Notons que l’affirmation de l’indépendance intellectuelle produit des effets semblables). Ainsi en Iran par exemple, le sport n’est pas interdit aux femmes, mais elles sont obligées de revêtir des tenues spécifiques qui gomment les formes et cachent les cheveux.
Ch. 2. La femme dans les sociétés chrétiennes.
Quelle a été la situation de la femme en France pendant les siècles où le christianisme avait une position dominante, c’est-à-dire avant la Révolution française ?
-sur le plan politique, elle a pratiquement été absente du pouvoir, car en France s’appliquait la loi salique qui réservait la couronne aux personnes de sexe masculin. Comme on le disait précédemment, la femme n’a obtenu le droit de vote qu’en 1944. Avant, on considérait que la femme était représentée par le mari, ou les filles par le père. Car on votait parfois dans la France d’Ancien Régime, pour élire les délégués aux Etats généraux par exemple, ou dans les villages pour prendre des décisions importantes. Les plus riches se réunissaient sur la place de l’église et votaient après débat. Et parfois, parmi une assemblée essentiellement masculine se trouvaient deux ou trois veuves aisées, habilitées donc à représenter leur foyer fiscal. Donc la femme n’est pas complètement absente de la vie publique, elle est là quand le mari est empêché, ici par la mort, d’exercer son rôle. Le plus célèbre exemple de l’intervention d’une femme dans les affaires publiques, quand toutes les solutions ont échoué, est celui de Jeanne d’Arc. Etonnant destin que celui de la pucelle, vous remarquez au passage, comme dans le cas de Marie, que c’est une Vierge qui nous sauve la mise…c’est-à-dire une femme qui n’a pas encore vécu son destin de femme. Née vers 1412, elle entendit à 13 ans des voix lui ordonnant de libérer la France envahie par les Anglais. C’était la Guerre de Cent ans, depuis 1328. A bout d’imagination, les grands seigneurs la conduisirent à Chinon auprès de Charles VII. Elle conduisit l’armée qui délivra Orléans, en mai 1429. Puis ayant rendu confiance aux troupes, elles-ci parvinrent à Reims, où le roi fut sacré et ainsi légitimé, en juillet 1429. Capturée par les Bourguignons, elle fut vendue aux Anglais. Déclarée hérétique et sorcière, elle fut condamnée à être brûlée vive à Rouen, le 29 mai 1431, à 19 ans !
-sur le plan économique, la femme est très présente tout au long de ces siècles, mais plutôt en position seconde, aux côtés du mari, qui est le chef de l’entreprise. Le développement du capitalisme, dopé par la découverte de l’Amérique, renforce cette prééminence masculine. Les grandes lignées d’hommes d’affaires, les Fugger d’Augsbourg, les Médicis de Florence ou les Krupp d’Essen voient des mâles se succéder à la tête des entreprises.
-On aurait pu penser que le domaine des Beaux-Arts leur aurait été ouvert. Détrompez-vous. En France, l’Académie royale de peinture, son annexe à Rome (la Villa Médicis), l’Ecole des Beaux-Arts qui en dépend à Paris sont réservés aux hommes. Cette dernière ne s’ouvrit aux femmes qu’en 1897. Pourquoi une ouverture si tardive ? Essentiellement parce qu’on y travaillait à partir de modèles vivants. Il eut été inconvenant qu’une femme dessine un homme nu ! Ainsi, il faudra la recommandation spéciale de la reine Marie-Antoinette pour que Madame Vigée-Lebrun soit admise à l’Académie de peinture au XVIIIe siècle. Encore au XIXe siècle, une femme peintre remarquable, Berhe Morisot, dut se contenter d’aller copier au Louvre, chaperonnée par sa mère. C’est là qu’elle fit la connaissance d’Edouard Manet qui lui donna des leçons de peinture, complétant ainsi sa formation.
-Dans l’Eglise, a priori il y a autant de femmes que d’hommes. Et pourtant tous les postes de direction sont occupés par les hommes : le pape, les cardinaux, les évêques, les prêtres sont des hommes. On n’a fait appel aux femmes, pour la catéchèse, l’encadrement des familles au moment des funérailles, que récemment, contraint et forcé, devant la crise des vocations. L’Eglise catholique refuse toujours d’ordonner des femmes. L’Eglise anglicane a scissionné sur cette question. Ce qu’il faut remarquer quand on regarde les siècles passés : la femme est reconnue par l’Eglise comme un être humain d’égale dignité, ce qui entraîne le respect à son égard, la polygamie est interdite. Et l’Eglise a accepté que des femmes célibataires se dédient à temps complet à Dieu et à l’Eglise. Elle a reconnu le droit à l’existence de communautés religieuses, les couvents. A condition qu’elle renoncent à leur sexualité, à leur féminité même, les femmes sont les bienvenues dans ces établissements. Comme les femmes en pays d’islam, les religieuses font disparaître leurs cheveux sous des coiffes et ensevelissent leur corps sous d’amples vêtements de couleur sombre en général. En France, les premiers couvents sont nés au début du Vie siècle, à Arles à l’initiative de Césarie, sœur de l’évêque Césaire, dans le Poitou à l’initiative de Radegonde, née vers 520, épouse du roi Clotaire Ier. C’est pour fuir ce mari violent (il avait tué le frère de Radegonde) qu’elle fonde le monastère de Sainte-Croix à Poitiers. Les biens sont mis en commun, la vie est austère et ces saintes femmes se dédient à l’enseignement et aux soins aux malades. Les couvents féminins eurent donc des rôles variés. Ils permettaient aux femmes battues de trouver refuge et surtout de réguler le marché matrimonial, en faisant diminuer le nombre de filles à marier.
Ch. 3. Les femmes dans les pays d’Islam.
La tentation de la réforme (l’Ijtihad) vite repoussée.
L’idée était, sans renier le Coran, de faire prévaloir l’esprit sur le texte. En effet l’apparition du salafisme wahhabite au XVIIIe siècle en Arabie saoudite a rendu la situation de la femme plus sévère. Ses penseurs font prévaloir une lecture littérale des textes d’autorité. Ils reprochent à l’Occident de la Déclaration des Droits de l’Homme de se situer sur une base trop individualiste. Pour eux, la religion a pour fonction de cimenter le corps social. Son oubli risque d’entraîner l’effondrement de la société. A la fin du XIXe siècle sont apparus des réformateurs musulmans, Qacem Amin (1865-1908) par exemple, égyptien d’origine turque, présente un programme d’émancipation de la femme. Il demande l’abandon du voile, de la polygamie (tolérée seulement si la première épouse est stérile), l’instruction de la fille comme du garçon. Tahar Haddad (1899-1935), un tunisien, ose s’attaquer aux dispositions de la charia relatives au statut de la femme, en matière de répudiation par décision unilatérale du mari, et également aux dispositions concernant l’héritage. Rapidement mis au ban de la Zitouna, il fut considéré comme hérétique.
Ainsi, dans aucun pays arabe il n’y eut de réforme en profondeur, seulement des réformes partielles, l’émigration des hommes ayant obligé les femmes à prendre des responsabilités.
Situation contrastée des femmes dans les pays d’islam.
-Contrôle des naissances : certes l’islam encourage la natalité, mais le Coran n’interdit pas le contrôle des naissances, certains versets conseillent même de limiter le nombre des enfants si les moyens de la famille sont insuffisants. Ainsi, en Algérie, Tunisie et Egypte existent des centres de Planning familial. Bien sûr ces possibilités sont davantage utilisées par les femmes instruites, aisées, car pour beaucoup de femmes du peuple, avoir de nombreux enfants est la meilleure manière d’obtenir le respect, de se faire reconnaître. Quant à l’avortement, il est toléré quand la grossesse risque de mettre la vie de la mère en danger.
-Scolarisation des filles : globalement elle est en progrès, mais elle est l’objet d‘un bras de fer entre Réformateurs et Traditionalistes. Les réformateurs y sont favorables, non pas tant pour que la femme occupe un emploi, mais pour qu’elle soit une meilleure compagne pour le mari, une mère plus compétente. Les traditionalistes sont contre, car l’instruction risque d’éloigner les femmes de la religion, de les rendre immodestes, impudiques. De toute façon, il vaut mieux les instruire à la maison plutôt qu’à l’école et les écarter de certaines disciplines (biologie, musique, éducation physique…) jugées dangereuses. Globalement ces derniers considèrent que l’instruction risque de « déféminiser » les jeunes filles, de rendre les mariages plus difficiles. Curieux écho aux polémiques qui avaient lieu sur le même sujet en France au XIXe siècle.
-La polygamie : la loi sunnite traditionnelle autorise 4 femmes, et c’est l’homme qui décide, il n’a pas besoin de l’autorisation de ses autres épouses. Il lui suffisait de justifier de revenus suffisants. En fait aujourd’hui, dans le monde musulman moins de 10% des mariages sont polygames (sauf en Afrique noire), et même plusieurs pays l’ont interdite (la Tunisie dès 1956, l’Irak). En Syrie, il faut prouver devant un tribunal qu’on a des revenus suffisants. Au Liban, au Maroc, elle n’est pas interdite, mais l’épouse peut la rendre impossible en le stipulant sur le contrat de mariage. En Algérie, si on veut prendre une deuxième épouse, il faut informer la première. Si elle n’est pas d’accord et que le mari persiste, elle peut demander le divorce. En Egypte, le Président Sadate était parvenu à la proscrire (décret-loi Jihane en 1979), mais ce décret sera annulé en 1985.
-La répudiation. Elle fait partie de la tradition. Le mari prononce la formule de répudiation devant témoin (n’importe quel adulte) et la femme doit quitter la maison dans un délai de 3 mois. Elle récupère sa dot, ou ce qu’il en reste, et sa famille est tenue de la reprendre. Aujourd’hui elle est interdite dans de nombreux pays arabes et le droit au divorce est reconnu en Tunisie, Algérie, Maroc, Egypte…La femme peut aussi le demander si le mari a disparu depuis plus d’un an, s’il est incapable de l’entretenir, s’il veut prendre une deuxième épouse…Au Maroc en 2005, Mohamed VI (roi et commandeur des croyants) a réformé le code de la famille (la Moudawana) dans un sens progressiste, initiative majeure de ses premières années de règne. Mais les hommes lui opposent une résistance sourde. Certains affirment : « En cas de divorce, si vous croyez que je vais partager mes biens », d’autres : « Je ne vais pas me marier, c’est tout ». Les tribunaux auront-ils la volonté de faire plier ces résistances ? En Egypte, si l’épouse veut conserver une partie du patrimoine commun, elle doit obtenir un divorce aux dépens du mari, et pour ce faire réunir de nombreuses preuves et témoignages des violences exercées à son encontre par le mari.
-Le problème de la garde des enfants. Dans de nombreux pays (Algérie, Tunisie, Egypte…), la femme perd son droit de garde si elle se remarie. De toute façon, même quand la mère a la garde des enfants, ceux-ci demeurent sous la tutelle paternelle (ou sous celle du parent homme le plus proche). C’est cette conception de la mère (instrument permettant au mari de constituer ou d’accroître sa lignée) qui est à l’origine des enlèvements d’enfants, dont on a parlé en France ces dernières années.
Notons le paradoxe : bien des codes de la famille affirmant l’infériorité de la femme, avec les incapacités qui en découlent, sont en contradiction avec bien des législations civiles qui font des femmes des citoyennes à part entière, électrices et éligibles. Une femme peut être députée, ministre, tout en demeurant, suivant le code de la famille, sous la coupe de son époux.
La plupart de ces sociétés sont des sociétés pour les hommes. A la naissance d’un petit garçon, on organise de grandes festivités. Caressé, cajolé, admiré par les femmes de la famille, le petit mâle a toutes les libertés, on développe son narcissisme. Pendant que les filles aident la mère, il joue. Au Paradis, les femmes ne sont présentes que pour le plaisir des hommes pieux. On promet aux martyrs de belles jeunes filles, les houris. Ces avantages se paient : l’homme doit être à la hauteur ! Il doit faire preuve de virilité, notamment face aux femmes étrangères à la famille. Il a en quelque sorte une obligation de machisme. Si l’homme ne se conforme pas à l’image de l’homme viril, il est aussitôt déprécié, dévalué, moqué. Enfin, beaucoup de ces hommes sont perturbés par la femme occidentale. Ils ont l’impression que tout est permis avec elle. On la juge non seulement abordable, mais offerte. Son comportement est à l’opposé de celui qu’on attend d’une femme décente. Elle est perçue comme « disponible ». Etant « libre », n’est-elle pas à la disposition de tout homme ? La chasse est donc ouverte, à cela s’ajoute le phénomène de la revanche du « dominé » sur les femmes du « dominateur », attirance d’autant plus grande que ces femmes ont longtemps été interdites. Il existe, en terre d’islam, vis-à-vis des femmes, un « affolement du masculin ».
Ch. 4. Les femmes musulmanes dans l’immigration et la question du voile.
Les femmes musulmanes dans l’immigration : situation.
A priori, loin du pays d’origine la pression sociale est moins forte, le contrôle par la famille élargie moins important. Et on peut penser que l’influence des européennes, moins dociles, aura des conséquences. Et en effet certaines se transforment, elles doivent faire face à des situations complexes que l’homme résolvait naguère au pays. Accompagnant les enfants à l’école, elles s’impliquent comme mères d’élèves. Elles fréquentent les centres sociaux, notamment les centres de Protection maternelle et infantile. Elles occupent même parfois des emplois modestes. Et elles découvrent que le modèle occidental n’est pas aussi détestable, pas aussi incompatible avec le modèle de femme qui est le leur. Au fil des ans, elles acquièrent de l’ambition pour leurs filles, les poussent à étudier, à obtenir un métier et ainsi l’autonomie. Elles en viennent à souhaiter « autre chose » pour leurs filles. Mais les pères réagissent souvent mal, soit par une forme de démission, soit par des accès d’autoritarisme, ce que les enfants ont du mal à accepter.
Au moment de la puberté, quand la surveillance se fait plus dure, les jeunes filles sont partagées entre le désir d’avoir les mêmes droits et libertés que leurs compagnes non musulmanes ou que leurs frères, et le souci de ne pas heurter de front la famille. Le conflit est vif quand, à 16 ans, certains parents envisagent de retirer la fille de l’école pour la marier. Le « mariage arrangé » est en effet très souvent à l’origine de drames. La jeune fille n’est pas toujours ravie d’épouser un coreligionnaire souvent en retrait par rapport à leur propre évolution. Quant à épouser un non musulman, elles hésitent de peur de se couper de leur famille. L’islam rend difficiles les unions entre une musulmane et un non musulman car les enfants risquent de ne pas être élevés dans la religion musulmane.
Cette modernisation, qui a entraîné la présence plus grande des femmes dans l’espace public, est la source d’une double angoisse : celles des hommes et celles des femmes traditionnelles qui estiment avoir tout à perdre de la désacralisation des rôles familiaux. Car l’émancipation de la femme met en cause le modèle patriarcal, la stabilité familiale. Or, le noyau familial n’est-il pas le dernier lieu de sécurité,notamment en temps de crise ?
La signification du voile en France aujourd’hui.
Le Coran parle du voile à deux reprises. Le verset 55 de la Sourate 33 dit ceci :
« Vos épouses peuvent se découvrir devant leurs pères, leurs enfants, leurs neveux, leurs femmes, leurs esclaves ». Et le verset 59 : « O prophète ! Prescris à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, d’abaisser un voile sur leur visage. Il sera la marque de leur vertu et un frein contre les discours du public »., ou selon une autre traduction : « Se couvrir de leurs voiles, c’est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées ».
Vous remarquez que le Coran ne prescrit pas la forme précise du voile. Dans certains pays, les traditions locales ont amené l’adoption d’un voile qui couvre tout le corps, laissant apparaître seulement les yeux, le niqab (Arabie saoudite) ou même en Afghanistan ajoutant une sorte de grillage au niveau des yeux (la burqa). Donc originellement le voile apparaît pour la femme comme une protection. Au lieu d’éduquer les hommes, de leur apprendre à réfréner leurs pulsions, de ne pas voir dans chaque femme une femelle, on a préféré cacher l’objet du désir. Mais ce faisant, on a construit une société de ségrégation totale entre les deux sexes. Le voile, c’est la continuation de l’enfermement dans l’espace public.
Mais dans beaucoup de pays, le voile n’est pas une survivance chez les vieilles femmes, comme l’était la coiffe chez les bretonnes dans les années 1950. Il est porté par des jeunes filles comme un drapeau. On a l’impression qu’en France, le recours au voile est une façon de critiquer la dureté du pays d’accueil. Les jeunes issus de l’immigration se sentent rejetés, de l’emploi, du logement, voire des discothèques. Constamment leur est rappelée leur étrangeté. De plus, la France a des problèmes avec son passé colonial. Les jeunes issus de l’immigration sont perçus comme les fils et les filles de ceux qui ont chassé les français d’Afrique du Nord. Et les voilà maintenant chez nous ! Beaucoup de nos compatriotes ne sont pas prêts à leur faire une place.
On peut également noter chez les jeunes femmes qui décident de porter le voile le refus d’une des caractéristiques de notre modernité : la dictature du corps imposée par les médias audiovisuels, par la mode. Cette marchandisation du corps, féminin notamment, apparaît intolérable à certain(e)s. On peut comprendre leur refus de montrer leur nombril…ou la ficelle du string.
Dans ce contexte, certains ont revalorisé la tradition. On a assisté à un processus de « refidélisation ». Le sentiment de « hoggra », sentiment d’être dominé, humilié, explique en partie les formes prises par la « résistance » et en particulier le port du foulard ou du voile. Le retour à l’islam sert de rempart face à la crise. Il produit de la solidarité, avec un danger, le communautarisme. Après les attentats du 11 septembre notamment, les Musulmans sont suspectés d’être « les ennemis de l’intérieur ». Ils sont stigmatisés, les contrôles de police au faciès se multiplient. Ils ont l’impression d’être des citoyens de seconde zone. Ils se rebellent : le foulard, signe historique de soumission, de dépréciation, est transformé par les jeunes femmes en symbole de leur dignité. Enfin, le foulard comme stratégie de résistance, permet de ne pas rompre avec les parents. Il est difficile dans le peuple de s’émanciper en rompant avec la famille.
Les partisans de la loi contre le voile à l’école en 2004, ou de la loi contre la burqa aujourd’hui, jouent la dramatisation, disant de ces vêtements qu’ils sont le porte-drapeau de ceux qui utilisent voile ou burqa à des fins politiques. En effet, les intégristes tentent d’instrumentaliser ces jeunes femmes, surfant sur les sentiments d’indignation, de stigmatisation de nombreux immigrés (cf. le Parti des Musulmans de France de Latrèche). Mais il est dangereux de nier la légitimité de la révolte sous prétexte qu’elle n’emprunte pas les expressions les plus claires politiquement. Attention à ne pas présenter l’islam et les musulmans comme un danger ! Tout ce qui contribue à diaboliser cette culture est dangereux. La question du voile est le révélateur de questions plus profondes. Ce n’est pas une simple manipulation des intégristes. S’il n’y avait pas « demande de foulard » l’offre serait inopérante. Ce recours au foulard ne peut s’analyser comme un archaïsme, propre à une tradition religieuse, ce qui serait fertile en dérive islamophobe. Il n’en reste pas moins qu’il n’est pas banal de voir de jeunes filles utiliser un symbole patriarcal pour en faire un outil de résistance. Malheureusement dans ce cas résistance ne rime pas avec émancipation.
Conclusion.
Tenter de comprendre n’est pas approuver. Bien sûr il n’est pas question d’encourager le port du voile, encore moins celui de la burqa, comme on ne peut encourager l’excision au nom de la différence culturelle. Le voile comme l’excision sont un marquage discriminant du corps des filles. Comprenons cependant que le port du voile est un moyen d’attirer le regard, une forme d’exhibitionnisme, une attitude de repli aussi devant les duretés du pays d’accueil. Donc n’accentuons pas l’isolement de ces jeunes femmes en les excluant de l’espace public. Les interdictions ne sont pas les meilleures solutions pour résoudre ces problèmes.
Toutes les religions ont contribué à identifier le sexe féminin au péché. Malgré l’existence de libéraux dans chacune des grandes traditions religieuses, aucun signe d’évolution importante n’est vraiment décelable en ce début de XXIe siècle.
Bibliographie indicative.
-Nous avons utilisé la traduction de la Bible en français réalisée par l’Ecole biblique de Jérusalem, publiée en 1961 à Paris par les Editions du Cerf, 1670 pages.
-et la traduction du Coran, précédée d’un abrégé de la Vie de Mahomet (p ?1-111) par Savary, imprimée à Bourges en 1958, 580 pages.
-Delumeau Jean, La Peur en Occident, Paris, Livre de Poche, coll. Pluriel, 1978, pour la citation de Tertullien.
-Tillion Germaine, Le harem et les cousins, Paris, Seuil, 1966.
-Soulard Isabelle, Les femmes du Poitou au Moyen Age, Geste Editions, 1996, sur « l’invention » des monastères de femmes.
-Actes du Colloque « Femmes et Islam », 15-16 décembre 1999, organisé par le Centre des hautes études sur l’Afrique et l’Asie modernes, Paris, consultable à la Bibliothèque universitaire de la Rochelle.
-Bouzar Dounia, Kada Saïda, L’une voilée, l’autre pas. Le témoignage de 2 musulmanes françaises, Paris, Albin Michel, 2003.
-Chahdortt Djavann, Bas les voiles !, Paris, Gallimard, 2003.
-Bouamama Saïd, L’affaire du foulard islamique. La production d’un racisme respectable, Roubaix, Le Geai bleu, 2004.
-Chouder Ismahane et alii, Les filles voilées parlent, Paris, Ed. La Fabrique, 2008.
Sélection d’articles du journal Le Monde sur la condition de la femme en pays musulman :
-13 octobre 1994, Jérôme Fenoglio et Alain Giraudo, « Le Coran sur les stades ».
-16-17 décembre 2001, Fehti Benslama, « La virilité en Islam ».
-28-29 décembre 2003, Mouna Naïm, « Vies de jeunes femmes à Riyad ».
-13 mai 2004, Marion Van Renterghem, « Iraniennes. Vies privées ».
-27 novembre 2008, Florence Beaugé, « Les Marocaines déçues par l’application du Code de la famille ».
-20 avril 2010, Patrice Claude, « Egypte. Les femmes se rebiffent ».
Articles sur le débat dans l’extrême gauche au sujet de la loi de 2004 sur le foulard à l’école.
-Le Monde, 7 février 2004, Caroline Monnot, « Le voile fait aussi désordre dans l’extrême gauche ».
-in Rouge, n°2039, novembre 2003, Daniel Bensaïd, à propos de Tariq Ramadan, mais aussi n°2037, 30 octobre 2003 ; n°2044, 18 décembre 2003 ; n°2049, 29 janvier 2004 ; n°2050, 5 février 2004.
-pour Lutte Ouvrière, voir son mensuel théorique Lutte de Classe, n°84, novembre 2004 « Quand une partie de l’extrême gauche fait la cour aux islamistes ». et sa brochure Les religions et les femmes, Exposé du Cercle Léon Trotsky, n°97, 4 février 2005.
Au sujet de la présentation d’une jeune femme voilée aux Régionales de 2010 par le NPA.
-Le Monde, 6 février 2010, Caroline Fourest, « NPA : Nouveau Parti Antiféministe ? ».
-Le Monde, 20 février 2010, p.18-19, « Le foulard qui sème la zizanie à gauche », plusieurs articles contradictoires.
-La controverse au sein du NPA résumée par deux articles de tonalité différente :
in l’hebdomadaire du parti Tout est à nous ! n°48, 25 mars 2010, p.11 (Josette Trat et alii), et n°50, 8 avril 2010, p.11 (Catherine Samary et alii).
Le débat en cours sur la burqa.
Parmi de très nombreux articles de presse, quelques exemples pris dans Le Monde :
-23 juin 2009, Dounia Bouzar, « La burqa, un signe sectaire et non religieux ».
-24 juin 2009, une enquête « Vivre en France avec le niqab ».
-13 novembre 2009, « Les obstacles juridiques à l’interdiction du port de la burqa dans l’espace public ».
-24-25 janvier 2010, « Drôle d’attelage contre la burqa. L’un est communiste (André Gerin), l’autre très à droite (Eric Raoult).
N.B. L’endroit où l’on peut le plus aisément, et gratuitement, consulter les anciens numéros du Monde à La Rochelle, ce sont les Archives Départementales, situées aux Minimes, près de la Faculté de Droit.
Annexe 2. Compte rendu de lecture mis sur le site de la revue Dissidences (dissidences.net)
Ismahane CHOUDER, Malika LATRECHE, Pierre TEVANIAN, Les filles voilées parlent, Paris, La Fabrique, 2008, 346 p., 18 €.
Cet ouvrage recueille le témoignage de nombreuses jeunes filles ou jeunes femmes, certaines scolarisées d’autres pas, qui ont décidé, envers et contre tout, de garder le voile islamique. La loi du 15 mars 2004 interdisant les signes religieux ostentatoires a entraîné pour les lycéennes voilées une véritable mise à l’écart (« On m’a envoyée dans une salle à part, où je recopiais les cours heure par heure », Zahra). Mais surtout cette loi a enhardi les Français moyens qui, si l’on en croit les nombreux témoignages, ne se sont pas privés dans la rue ou dans les transports en commun, d’apostropher ou d’agresser les porteuses de voile (« Cette loi a rendu les gens haineux, prêts à bondir dès qu’ils croisent un foulard », Malika). Certains instituteurs ont appliqué de manière extensible cette loi, interdisant aux mères voilées d’accompagner les élèves en sortie scolaire. De même certaines femmes racontent les difficultés qu’elles ont rencontré sur leur lieu de travail, du harcèlement au licenciement pur et simple.
Quand on demande à ces femmes les raisons pour lesquelles elles portent le foulard, la plupart répondent que c’est une affaire intime. Elles le font pour satisfaire Dieu, par soumission à lui, ajoutant que si elles sont soumises à Dieu, elles ne le sont pas aux hommes. Plus précise, Khadija affirme que « porter le voile, c’est inviter les gens à ne pas s’arrêter à mon corps, mais chercher à comprendre ce que je suis d’autre ». Plus précise encore, Fadila définit le voile comme une espèce de « repousse-homme ». On se fait moins embêter, avoue-t-elle, dans les quartiers quand on porte le voile. Mais c’est là que le bât blesse. Et si au lieu de raser les murailles, d’adopter une attitude « pudique », les filles et la société exigeaient des hommes une attitude respectueuse, leur expliquaient que le sérieux des filles n’est pas proportionnel aux centimètres carrés de tissu qu’elles portent. Ce n’est pas de la séparation des sexes que naîtra l’harmonie sociale mais d’une vie en commun basée sur le respect mutuel.
Ces jeunes filles, qui ont été ainsi reléguées, stigmatisées pour s’être entêtées à porter le voile en veulent à la France, ne croient plus que c’est le pays des droits de l’homme et envisagent de faire leur vie ailleurs. Mais l’une d’entre elles qui a tenté de s’installer à Abou Dhabi n’a pas tenu ! (p. 294). Elles en veulent aussi beaucoup aux militants, renvoyant la gauche et la droite dos-à-dos. Seule Christine Delphy, qui préside le Collectif des féministes pour l’Egalité, échappe à leur colère. Même la LCR, bien que plusieurs avouent leur penchant pour le « petit facteur », est clouée au pilori. On lui reproche son paternalisme…et son racisme. Hanane, qui se déclare « islamo-gauchiste et fière de l’être », explique que la cellule de Saint-Denis de la LCR a refusé son adhésion au cours de l’été 2004 : « même dans le champ militant je vis l’exclusion ». Elle s’est donc rapprochée des Indigènes de la République. Quand on regarde les textes de la LCR sur le sujet, on note en effet de la part de la majorité un refus du voile (« réponse déformée à une situation d’oppression », P.-F. Grond, Rouge n° 2044, 18 déc. 2003). Même pour les minoritaires, Catherine Samary, Léon Crémieux, Alain Mathieu, le voile est « une forme d’oppression des femmes » (Rouge n° 2049, 29 janv. 2004). Et les uns et les autres sont également contre la loi : « Ni Voile, ni Loi », tel fut leur slogan, les minoritaires ajoutant « nous sommes contre cette loi : depuis quand punit-on les victimes ? ».
Donc soutenir ces femmes sous prétexte qu’il n’y aurait pas un modèle unique d’émancipation – « la femme libérée qui a nécessairement les cheveux à l’air », comme le dit une des jeunes filles – ou encore parce que chacune a le droit de choisir, serait se situer en deçà des réformateurs musulmans de la fin du XIXe siècle qui demandaient, comme Qacem Amin (1865-1908) l’abandon du voile et de la polygamie et l’instruction de la fille comme du garçon. Ce serait aussi se situer à rebours d’un processus de « civilisation des mœurs » (Norbert Elias) qui a permis de commencer à vaincre les préjugés d’un Saint Paul qui prescrivait aux femmes de prier « la tête couverte », avec ces arguments : « l’homme, lui, ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image et le reflet de Dieu ; quant à la femme, elle est le reflet de l’homme » (in Epître aux Corinthiens). En cela Saint Paul est fidèle au récit de la création du monde fait dans la Genèse, premier livre de la Bible. Chez les Juifs religieux aussi, les femmes doivent cacher la chevelure ou se raser la tête et porter une perruque. Dans le quartier ultra-orthodoxe Mea Shéarim, à Jérusalem, la tenue des femmes est sévèrement surveillée par « une police de la vertu ». La ségrégation des sexes est générale : files d’attente séparées dans les magasins, les lignes d’autobus, avec les femmes à l’arrière.
Salles Jean-Paul.