Carlingue

Publié le 05 décembre 2007 par Jlhuss

par Arion

De nuit, loin du hublot, il faut beaucoup de persuasion pour croire à l’altitude, à la vitesse, au risque. On n’est pas plus stable en son salon. Comment ajouter foi aux conseils de survie, si sereinement mimés par les hôtesses qu’on croirait à une attraction avant le plateau-repas. Ni le bruit, ni les turbulences, ni l’annonce du survol des cimes n’entament durablement la confiance d’être au ras des pâquerettes, à deux doigts du plancher des vaches.

S’il fait jour et nuageux, le nez collé à la vitre, tu crois planer infiniment aux royaumes du coton et de la chantilly. Le bout de l’aile n’est pas plus un repère d’avancée que l’aiguille au cadran d’un jour sans pain. Cette contemplation blanche finit par lasser le plus rêveur. On souhaiterait presque le choc d’un énorme trou d’air rappelant que la suspension de cinq cents tonnes à dix mille mètres est un miracle, comme le battement des cœurs, le soufflé de saint-Jacques et la moindre des choses au monde.

Les nuages se déchirent, tu entrevois comme des crêpons de crêtes écrasées, des flaques de lacs, des rubans de fleuves, des poudres de villes. Que choisir entre la splendeur et l’effroi ? Qui sait même si Jonas à la vue des hauts fonds aurait souhaité sortir de sa baleine ? Une voix sans bouche annonce l’approche. Bientôt la piste, les pieds, la revanche de la terre. Il va falloir descendre, quitter le huis clos pour la béance, le flottement pour la friction, le cocon pour la foire d’empoigne. Attachons nos ceintures…

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