Lettre ouverte d'un quadragénaire sur les retraites, à celles et ceux qui veulent faire de nous des esclaves à vie..., partie 1/5

Publié le 19 mai 2010 par Jcgrellety

"Combien de nos mots, de nos idées, de nos références sont encore marqués par leur origine chrétienne ? Il en va déjà de ce temps de la vie où le travailleur prend sa «retraite», comme s’il s’agissait de se retirer du monde, à la manière des vieillards hindous qui, pour ne pas peser sur les jeunes et le village, acceptent de partir vivre une vie d’ermites. Avec nous, cette vie qui commence de manière libre et financée après une vie d’un travail «obligatoire» n’est pas, n’est plus une retraite. Aujourd'hui, celles et ceux qui ainsi mettent fin à cette vie laborieuse ne se retirent pas, bien au contraire, deviennent plus nombreux, et pour celles et ceux qui en ont les moyens, font vivre l’économie générale par leurs dépenses, même si en vieillissant s’affermit le goût de garder pour transmettre. Nous avons donc déjà un problème avec le terme : vivre après cette longue période de la vie qui a été structurée et définie par les activités de production, ce n’est pas «partir à la retraite». C’est avoir le temps de vivre, comme on le veut, avec un financement qui vient d’une volonté individuelle et nationale. Il faudrait donc rebaptiser cette période et ce mode de vie. Le concours au meilleur néologisme est ouvert. Depuis 1982, deux générations ont pu profiter, sur le principe d’un âge minimal de départ, à partir de 60 ans, de ce temps de vie libre et financé, mais maintenant, des experts et certains politiques tonnent que le financement n’est plus assuré (bref, que le système de financement est et sera déficitaire et que c'est impossible...), et qu’il faut les écouter, et notamment allonger le nombre de trimestre de cotisation pour bénéficier d’une retraite à «taux plein», capitaliser (dans des Enrons ?!). Mais quel financement mensuel de celles et ceux qui actuellement ne travaillent plus et vivent de ce revenu est à «taux plein» ? ! Actuellement, un ouvrier qui a travaillé son nombre de trimestres requis, qui a l’âge de partir, combien perçoit-il ? 100 % de ses derniers revenus ? Nullement. Et s’il décède, son épouse percevra 50% de sa pension ! Il faut le dire et le répéter : il y a celles et ceux qui vivent des revenus de leurs activités, de leur "travail", et il y a celles et ceux qui vivent des revenus de leurs rentes. Donc, à situation inégale, il faudrait un traitement inégal, favorable à celles et ceux qui ont été "défavorisés"... ! "

Les parties 2,3,4,5 seront publiées au rythme d'une par semaine dans les 5 prochaines semaines.

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A lire : "

10 questions, 10 réponses sur nos retraites

1. Quel est le bilan des contre-réformes des retraites depuis 1993 pour les retraités et les futurs retraités ?

La chute du montant des retraites ressemble à un film au ralenti. Ce n’est que très progressivement que ces réformes produiront toutes leurs conséquences. Mais à terme, ces conséquences seront catastrophiques.

La « réforme » Balladur-Veil de 1993 s’est attaquée, en plein mois d’août, à la retraite du régime général des salariés du secteur privé. Elle a augmenté la durée de cotisation de 2,5 annuités (de 37,5 à 40). Elle a fait passer le nombre des meilleures années prises en compte pour le calcul de la retraite de 10 à 25. Enfin, l’évolution des retraites n’étaient plus indexée sur les salaires mais sur les prix.

Les réformes de 1993, 1994, 1996 et 2003 des retraites complémentaires (Arrco pour l’ensemble des salariés et Agirc pour les cadres) se sont traduites par une augmentation du prix d’achat de la valeur du point et une baisse de la valeur du point servant de base au calcul de la retraite et donc par une baisse du montant de ces retraites.

La loi de Fillon de 2003 a nivelé par le bas les régimes de retraite en imposant aux salariés de la Fonction publique une durée de cotisation de 40 ans en 2009. Cette durée augmentera ensuite au même rythme dans le privé et dans le public pour atteindre 41 annuités en 2012, 42 en 2016…

Aujourd’hui, déjà, plus d’1 million de retraités vivent sous le seuil de pauvreté et 50 % des retraités ont une retraite inférieure à 1 000 euros. Les mesures prises par la droite et le Medef ont aggravé les inégalités pour toutes les personnes dont la carrière n’a pas été un long fleuve tranquille. Les femmes en particulier, dont les retraites sont déjà inférieures de 40 % à celle des hommes et qui sont maintenant pénalisées par l’allongement de la durée de cotisation et par la sévérité des décotes.

Dans son rapport 2007, le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) estimait à 19 points la baisse du montant moyen des retraites en 2030 sous l’effet des « réformes » de 1993 à 2003. En 1993, la retraite nette moyenne s’élevait à 78 % du salaire moyen net. En 2030, elle ne s’élèvera plus qu’à 59 % de ce salaire moyen net. Sans pour autant prendre en compte la réforme Fillon, le COR estimant, sans doute, que tous les salariés n’auront qu’à retarder leur départ en retraite pour obtenir le taux plein.

Le Conseil de l’Emploi, des revenus et de la Cohésion sociale (CERC) évalue, quant à lui, la baisse du pouvoir d’achat des retraités de la fonction publique à 0,5 % par an et celles des salariés du secteur privé à 0,9 % (0,3 % pour le régime général et 0,6 % pour les retraites complémentaires).

Mais cela ne suffit pas à la droite et au Medef qui veulent continuer à faire baisser le montant des retraites par répartition tout en affirmant le contraire, la main sur le cœur. Si nous les laissons faire, en 2030, c’est la grande majorité des retraités qui se retrouveront sous le seuil de pauvreté.

2. Pourquoi faut-il défendre avec acharnement la retraite à 60 ans ?

Beaucoup de beaux esprits (à droite mais, malheureusement, aussi à gauche) nous expliquent que l’âge de la retraite n’a plus d’intérêt, maintenant que la durée de cotisation est passée à 40 et bientôt 42 annuités. En considérant que les régressions imposées par la droite font désormais parties du paysage des retraites, il est, en effet, difficile de concevoir comment un jeune qui commencerait à travailler à 25 ans et qui devrait cotiser pendant 42 ans pourrait espérer prendre sa retraite à 60 ans. Une simple addition montre qu’il ne pourrait pas prétendre à une retraite à taux plein avant 67 ans.

Mais si cela ne sert à rien de débattre de l’âge légal de la retraite, pourquoi la droite tient-elle tant à faire bouger le curseur ? Parce qu’ils savent très bien que tant que ce droit existera, tant que ce point de repère sera maintenu, les salariés pourront exiger que ce droit ne soit pas un simple droit virtuel mais que soient mises en place les modalités concrètes qui permettraient à la très grande majorité des salariés de pouvoir prendre leur retraite à taux plein à 60 ans. La défense du droit à la retraite à 60 ans et de la retraite à 60 ans à taux plein sont donc indissociables.

Deux autres raisons militent également dans le sens du maintien du droit à la retraite à 60 ans.

Plus d’un million de salariés, tout d’abord, disposent de la totalité des annuités nécessaires à une retraite à taux plein mais ne peuvent pas prendre leur retraite parce qu’ils n’ont pas encore 60 ans. Il leur faut encore travailler 2 ou 3 ans. Avec un âge légal à 62 ans, c’est 4 ou 5 ans qu’il leur faudrait rester au travail.

Ensuite, parce que le recul ou la disparition du droit à la retraite à 60 ans ferait presque automatiquement sauter le verrou des 65 ans. Or, ce verrou est essentiel. Il permet à un salarié dont la carrière est incomplète de pouvoir bénéficier d’une retraite à taux plein lorsqu’il atteint l’âge de 65 ans. Ce sont, aujourd’hui, surtout les femmes qui sont concernées puisque 23 % des femmes ne peuvent bénéficier d’une retraite à taux plein avant 65 ans. Si l’âge légal de la retraite disparaissait ou passait à 62 ans, le Medef utiliserait aussitôt ce recul comme levier pour imposer la disparition du butoir que constitue l’âge de 65 ans.

Pour ceux qui douteraient des intentions du Medef, il faudrait qu’ils se souviennent que le Medef appelle de ses vœux la disparition de ces deux âges butoirs 60 et 65 ans. Il faudrait également qu’ils se rappellent qu’en décembre 2000, le Medef avait refusé de contribuer au financement des retraites complémentaires entre 60 et 65 ans et que seule la mobilisation de plus de 2 millions de salariés l’avaient obligé à reculer. Il faudrait, enfin, qu’ils n’oublient pas que le Medef avait récidivé son chantage en 2009 et qu’une nouvelle négociation sur les retraites complémentaires est prévue à la fin de l’année 2010.

3. Une fatalité démographique pèse-t-elle sur nos retraites ?

Entre 2010 et 2050, le nombre de personnes âgées de plus de 60 ans, en France, augmentera de 63 %. C’est un fait, un ordre de grandeur incontournable. Mais ce fait demande à être analysé en détail et dans son contexte pour en tirer toutes les conséquences.

Tout d’abord, cette augmentation du nombre de retraités sera due à deux facteurs dont le second pèse un peu plus lourd que l’autre : l’allongement de la durée de la vie et l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération du « baby-boom », née entre 1946 et 1976. Mais les derniers nés de la génération du « baby-boom » arriveront à l’âge de la retraite entre 2036 et 2040. Ce seront ensuite des « classes creuses » qui arriveront à l’âge de la retraite et à partir de 2036-2040, le nombre de retraités se mettra à diminuer.

L’allongement de la durée de la vie n’est pas de 1 trimestre par an comme le proclament haut et fort Sarkozy, Guéant et Parisot mais de 0,44 trimestre par an comme l’estime le rapport du COR de 2007, s’appuyant sur les dernières données de l’INSEE. Quant au taux de fécondité des femmes il ne serait pas de 1,7 comme le prévoyait les premiers scénarios du COR mais plus près de 2. Au total, la population en âge de travailler ne subirait pas une diminution de 2,2 millions de personnes entre 2006 et 2050 comme dans les précédents scénarios du COR mais resterait stable. Quant à l’augmentation du nombre de personnes âgées, elle serait moindre car la mortalité baisserait moins rapidement que prévue. Le nombre de retraités seraient inférieur de 650 000 en 2050 à la moyenne des deux précédentes hypothèses retenues par le COR.

Il ne suffit pas, ensuite, que la population en âge de travailler augmente. Encore faut-il qu’elle ait effectivement un travail. Ce n’est pas le chemin qui est pris aujourd’hui avec l’augmentation considérable du nombre de chômeurs du fait de la crise économique. Pour faire reculer le chômage de masse, la reprise de la croissance ne sera pas suffisante. A moyen terme, en effet, l’augmentation de la productivité du travail viendra annihiler les effets de la croissance et ne permettra pas au chômage de reculer. Il nous faut tirer toutes les leçons des lois sur les 35 heures. Malgré toutes les concessions faites au patronat qui ont limité fortement ses effets, elles avaient permis de créer 500 000 emplois supplémentaires et de commencer, pour la première fois depuis 20 ans, à vraiment faire reculer le chômage de masse. Réduire le temps de travail est une mesure incontournable : elle seule permettra d’en finir avec le chômage et du même coup d’améliorer l’équilibre financier de nos régimes de retraites.

Xavier Darcos se plait à brandir cet épouvantail : « nous avons aujourd’hui 1,8 cotisant pour un retraité ; dans une dizaine d’années nous serons à 1,5 ; et en 2050, à 1,2 »

C’est oublier qu’en 2050, avec un de croissance de 1,8 % par an (selon les prévisions du COR), la productivité du travail aura plus que doublé dans notre pays, du fait, en grande partie, de l’installation de machines plus performantes et de l’introduction de nouvelles technologies dans le processus de travail.

Un doublement de la productivité du travail cela veut tout simplement dire qu’en une heure de travail en 2050, il sera possible de produire ce qui est produit en 2 heures de travail en 2010. A partir de là, le calcul n’est pas très difficile à faire : 1,2 actif (occupé) en 2050 produira autant que de 2,4 actifs en 2010. Le rapport sera donc bien meilleur que celui annoncé par Xavier Darcos pour 2010 puisqu’il n’est que de 1,8 cotisant pour un retraité.

Le doublement du nombre de retraités, enfin, ne se fera pas dans une France dont la richesse resterait la même qu’aujourd’hui. En 40 ans, avec un taux de croissance (modeste) de 1,7 % par an, le PIB de notre pays doublera. Ce sera d’ailleurs la conséquence de l’augmentation de la productivité du travail. En 2050, le montant de la richesse nationale passera donc de 1 950 milliards d’euros à 3 900 milliards euros. 3 900 milliards d’euros, une fois neutralisée l’inflation, c’est-à-dire des euros constants qui auront la même valeur que les euros actuels, de vrais euros.

Le doublement du nombre des retraités implique, si l’on veut revenir sur les « réformes » qui ont frappé nos retraites depuis 1993, d’augmenter de 6 points la part du PIB affectée au financement de nos retraites. 6 points de PIB en 2050, cela représente environ 230 milliards d’euros. Avec une augmentation de la richesse de notre pays de 1 950 milliards d’euros à cette date, cela laisserait plus de 1 700 milliards d’euros pour l’augmentation des salaires directs, des cotisations de l’assurance-maladie, des investissements publics et privés, de la réduction du temps de travail et même des profits. Il y a cependant une condition à cela, c’est que les profits ne captent pas la plus grande partie de ces 230 milliards qui devraient revenir aux retraités. C’est pourtant exactement l’intention du Medef et du gouvernement Sarkozy. C’est le but de toutes les « réformes » de nos retraites depuis 1993.

4. L’allongement de la durée de cotisation permet-il de maintenir le montant des pensions ?

Non. Le Medef et le gouvernement mentent délibérément. Ils nous disent : « Soit l’augmentation de la durée de cotisation, soit la baisse du niveau des pensions ». En fait, les salariés ont récolté l’une et l’autre depuis 1993.

http://www.democratie-socialisme.org/spip.php?article2077