Le redoublement ? Une exception , une faveur ….

Publié le 23 mai 2010 par Perceval

La donnée indiscutable : La France est la Championne du monde du redoublement avec 38% d’élèves ayant au moins redoublé une fois ! Les résultats Pisa, nous interrogent :  la France sera-t-elle capable un jour de s’occuper efficacement des élèves en difficulté ?

Malgré la célèbre étude de l’IREDU(1) démontrant l’inefficacité du redoublement 38% des élèves ont redoublé au moins une fois à l’âge de 15 ans.

  • Pour les « pour » le redoublement est parfois présenté comme un garant du niveau de l’enseignement et de la compétitivité du système éducatif.

Lorsqu’un élève, parvenu au terme d’une année scolaire, ne manifeste pas une maîtrise suffisante du programme, dans notre société, une majorité d’enseignants, de parents, de responsables politiques trouve “ normal ” de l’inviter ou de le contraindre à redoubler.

Pourtant : Les données démontrent que le redoublement rétablit rarement une situation d’égalité des chances : l’élève qui a redoublé reste souvent plus exposé que les autres à de nouvelles difficultés scolaires.

Hugues Drealants (Girsef) a avancé plusieurs hypothèses. Pour lui le redoublement serait défendu par les enseignants car il permettrait de “réguler l’ordre dans la classe”.  Il serait un des derniers pouvoirs d’une profession qui revendique une certaine autonomie par rapport au monde extérieur. Il permettrait également d’exercer un tri social, parfois très tôt.

  • Les « contre » se répartissent en deux camps.

-D’un côté, ceux qui pensent à réduire le coût nominal de la scolarisation pour imposer une orientation forcée répondant aux besoins de main-d’œuvre des entreprises. Ils estiment en général que le redoublement s’avère inutile pour les élèves qui s’obstinent à poursuivre des études (générales) au lieu d’accepter la préparation précoce d’un métier (éventuellement sur le tas et à partir de quatorze ans).

- A contrario, le second camp des « contre », n’envisage la disparition du redoublement qu’au profit d’un renforcement de l’enseignement par une individualisation des apprentissages, une orientation consentie et un accompagnement pédagogique ne cédant ni aux desideratas opportunistes du marché, ni à un allongement coercitif d’un cursus.

Au-delà du redoublement, la véritable question concerne le traitement de l’échec scolaire :

Le redoublement n’est qu’un indicateur – incertain – des inégalités d’apprentissage. Or, jeter le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre. La suppression du redoublement est une mesure nécessaire, mais pas suffisante.

Pour remplacer le redoublement il serait nécessaire de prévoir, une véritable individualisation des parcours de formation, fondée sur une organisation scolaire et des didactiques qui permettent une réelle différenciation de l’enseignement, des suivis sur l’ensemble d’un cycle d’étude, une évaluation formative, des méthodes actives dans toutes les classes.

S’interroger sur l’échec scolaire, n’est pas si évident, car lors de nos propres échanges entre enseignants, nous nous prenons nous-mêmes les pieds dans nos contradictions :

-           d’une part, chacun ou presque sait que le redoublement n’est pas l’échec, que c’est “ plus compliqué que ça ” ( rappelons-nous notre discours en direction des parents…)

-           d’autre part, nous faisons comme si, en parlant du redoublement, nous en parlions ( de l’échec scolaire) et donc, de l’inégalité devant l’école, de l’efficacité ou de l’équité du système éducatif.

On s’en doute : s’il n’y avait aucun rapport entre redoublement et échec scolaire, on sortirait rapidement de la confusion. Le rapport existe

« Comme sociologue, je pense plus réaliste de soutenir que l’échec scolaire est, en définitive, ce que les gens considèrent comme tel.

Les systèmes qui ont supprimé le redoublement appartiennent souvent à des sociétés plus soucieuses que d’autres, du moins durant la scolarité obligatoire, du développement de la personne, de la socialisation, de l’intégration sociale, du respect des différences.

Le redoublement n’invente pas les difficultés d’apprentissage. Certes, il les stigmatise et les assortit d’une sanction lourde : refaire l’année. Ce faisant, il détourne de l’essentiel : une partie des élèves qui passent beaucoup de temps à l’école n’apprennent pas ce qu’ils sont censés y apprendre. Ou du moins pas assez vite ou solidement pour qu’on puisse affirmer que la scolarité a joué son rôle. Le redoublement est un leurre si on le tient pour autre chose que la partie émergente de l’iceberg : il y a beaucoup plus d’élèves en difficulté grave que d’élèves qui redoublent. »

Philippe Perrenoud ( Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation Université de Genève 1996

Pour la plupart des élèves : « Le redoublement est synonyme d’ennui, de démotivation, on désapprend ce qu’on n’a pas aimé apprendre, on sait d’avance que c’est une année de perdu, et notre système éducatif depuis des décennies, empêtré dans ses contradictions, malgré qu’il occupe 28% du budget de l’Etat, n’a pas réussi à trouver autre chose, ou alors temporairement. »

« Autrement dit « l’enseignant n’est plus là pour dire que tel élève n’a pas le niveau ou ne travaille pas, mais pour dire qu’il ne maîtrise pas telle ou telle compétence ». A partir de quoi il peut organiser des séances de rattrapage ou inciter l’élève à revenir sur un point de méthode. »

Jean-Michel Zakhartchouk (enseignant et rédacteur aux Cahiers pédagogiques, auteur de « travail par compétences et socle commun » (CRDP d’Amiens et CRAP)

(1)Institut de recherche sur l’éducation, communiquée le 10 décembre 2004 au Haut-conseil de l’évaluation de l’école http://cisad.adc.education.fr/hcee.fr/hcee/documents/avis14.pdf (9 juin 2007).

Ma conclusion:

Pédagogie différenciée et Évaluation du Socle commun peuvent nous aider à sortir de nos contradictions … Je rajouterai en corollaire: des effectifs de classe autour de 24 élèves… Le redoublement ne devrait plus être qu’une exception, une ‘ très grande faveur ‘ octroyée au compte goutte à la demande ‘ express ‘ des familles, avec l’accord de tous ….

Cette courte synthèse est produite à partir de différents articles en particuliers ceux “des Cahiers Pédagogiques “.