La tombe d'un forgeron républicain à Gémozac (17)

Par Jean-Michel Mathonière

Le cimetière de Gémozac (Charente-Maritime) renferme une intéressante sépulture. En forme de sarcophage reposant sur deux supports, elle est entièrement en pierre de taille. Sur l'un de ses côtés, on distingue une grande enclume et, en dessous, le texte suivant : "Ici repose le corps de Pierre JONAIN né à Champagnole le 28 septembre 1766 décédé à Gémozac le 19 février 1849 (30 Pluviose an LVII) forgeron, soldat, laboureur, hom. de bien, père dévoué. Qui travaille prie."

© Photographie Laurent Bastard, D.R.

Cette inscription, réalisée durant l'éphémère Seconde République (1848-1851), atteste l'attachement au calendrier républicain de certaines personnes, plus d'un demi-siècle après son instauration par la Convention. Il ne fut légalement appliqué que de 1792 à 1805.

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On notera l'absence de tout emblème chrétien sur le monument mais, à son extrémité, la présence d'une étoile à cinq branches dont le centre est occupé par deux cercles concentriques. Il ne semble pas qu'il faille l'assimiler à une étoile flamboyante de type maçonnique mais plutôt la comprendre comme un emblème républicain de la lumière éclairant le peuple.

Le proverbe "Qui travaille prie" place en avant le travail comme valeur essentielle, illustrée par l'enclume de forgeron. Cette sentence était courante aux XVIIIe et XIXe siècles. On la retrouve sur des cadrans solaires, dans des églises, ou encore, selon Restif de la Bretonne, dans la bouche du curé de Sacy, près d'Auxerre, qui disait à ses paroissiens : "Mes amis, on va sonner les vêpres, mais allez plutôt relever vos foins, profitez du beau temps, qui travaille prie." (La Vie de mon père, 1779).

L'autre côté du monument est occupé par la sculpture d'une charrue, qui illustre l'autre activité du défunt, celle de laboureur. On lit en dessous l'inscription suivante : "Etait décédée avant l'établissement de ce cimetière Marie Madeleine Balanger femme de P. Jonain née à Gémozac le 20 mars 1769 décéd. à Maillé le (?) janv. 1836 épouse exemplaire, mère (toute ?) regrettée. Elle avait choisi la bonne part."

© Photographie Laurent Bastard, D.R.

Ces derniers mots sont ceux du Christ à Marthe : "Marthe, tu t'inquiètes et t'agites pour beaucoup de choses. Une seule chose est nécessaire. Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera pas ôtée." (Luc, 10-42).

Cette tombe a été signalée sur le site www.archaero.com/cimetiere.htm, mais le relevé des inscriptions comporte plusieurs inexactitudes.

L'homme pense parce qu'il a une main. Anaxagore (500-428 av. J.-C.)