Willy Ronis, photographe sensible mais politiquement engagé...

Publié le 25 mai 2010 par Mpbernet

Willy Ronis n'a pas atteint la barre des cent ans.

Il était né en 1910, la même année que mon père, décédé en 2004 (Déjà !). Lui a poussé jusqu'à ses 99 ans. C'est un photographe de son temps, moins connu peut-être que Robert Doisneau, mais finalement aussi juste et avec un regard aussi acéré.
Né d'un père ukrainien et d'une mère lituanienne, il est venu au monde à Paris et n'a eu de cesse de décrire la vie du peuple, l'enfance, les rues, les cités sorties de terre au temps de la technique du "chemin de grue", mais aussi les gens dans les bistrots, aux puces, à Soho, la Hollande, l'Est....
On conçoit qu'il ait été charmé par les sirènes du communisme. La légende du "Parti des 75 000 fusillés" fut tenace....Partout ses clichés de la vie ouvrière exaltent la noblesse de l'emploi industriel.

La guerre ? Il a dû fuir les persécutions anti-sémites. Mais on ne peut que frémir devant ses clichés du "paradis" de l'Allemagne de l'est...Maintenant que nous savons !

Toute sa carrière, il photographie pour des revues "engagées" comme Regards*....Pourquoi pas ? Il faut avoir le contexte en mémoire pour décoder la signification politique de certain clichés, ce qui n'enlève rien à leur beauté formelle.
Cependant, sur la fin de sa vie, il photographie plus librement : des nus splendides, des enfants, des chats...une poésie pure, un graphisme sans égal. Et il faut aussi se souvenir que photographier à cette époque, c'était vraiment une affaire de spécialistes.
En un mot, voir l'exposition présentée conjointement par le Musée du Jeu de Paume et la Monnaie de Paris (en son somptueux Palais) jusqu'au 22 août est un délice des yeux. Et, après tout, si certains artistes comme Willy Ronis ne s'étaient pas vus confier des commandes portant sur la vie ouvrière, qu'en resterait-il aujourd'hui ?
Et, lorsque nous parlons de "pénibilité" aujourd'hui, regardons avec humilité les engrenages de cette époque pas si lointaine (en 1956, j'avais 10 ans !), la graisse, le bruit, le danger de machines peu fiables; Et ces ouvriers là, ils ne pouvaient partir en retraite qu'à 65 ans et ne faisaient pas de vieux os dans les comptes de l'assurance vieillesse !


Willy Ronis, une poétique de l'engagement, à la Monnaie de Paris, 11, quai de Conti, 75006 Paris.

Regards est l’un des plus anciens titres de la presse française. Son histoire s’entrecroise avec celle de la gauche, et plus précisément avec celle du PCF. Avec Vu, il est l’un des premiers newsmagazines à donner une place prédominante aux reportages photographiques. Bien avant Life (1936) ou Paris-Match (1949), Regards lance le photojournalisme dans les années d’avant-guerre. Proche du Parti communiste, Regards se tient déjà à l’écart de l’orthodoxie. Il n’est alors pas question de réalisme socialiste dans ses pages, mais de modernité. L’après-guerre ouvre pourtant une nouvelle page : dans la guerre froide, comme tous, Regards est sommé de choisir son camp. Ce sera celui des camarades. Commence alors une longue série de reportages auprès des Soviétiques, dans lesquels les succès du socialisme ne se démentent jamais. De fait, Regards perd sa liberté de ton et s’aligne sur un discours stéréotypé.