JACQUOU LE CROQUANT (Laurent Boutonnat - 2005)

Par Actarus682

Pygmalion de Mylène Farmer et réalisateur des plus beaux clips jamais réalisés dans l'hexagone (Tristana, Désenchantée, ou encore le monumental Pourvu qu'elles soient douces et ses 17 minutes de film), Laurent Boutonnat s'est essayé pour la première fois au long-métrage en 1994 avec le magnifique Giorgino, échec public, critique, et catastrophe financière absolue pour un film pourtant sublime. Profondément atteint, Boutonnat restera plus de 10 ans loin des plateaux de cinéma.

C'est en 2005 que le metteur en scène revint sur le devant de la scène cinématographique avec l'adaptation du roman d'Eugène Le Roy, déjà adapté à la télévision en 1969, Jacquou le croquant.

Le film raconte l'histoire de Jacquou, jeune garçon issu de la paysannerie française du début du 19ème siècle, un croquant (ou pouilleux), qui voit son père envoyé au bagne pour un crime commis en position de légitime défense pour protéger sa famille. Devenu rapidement orphelin suite à la mort de son père et de sa mère, Jacquou deviendra le fer de lance d'une révolte contre les ultraroyalistes, tout en fomentant sa vengeance contre le cruel comte de Nansac, responsable de la mort de ses parents.

 

Loin, très loin du film d'atmosphère et d'ambiance que constituait Giorgino, Boutonnat s'est affranchi (partiellement) de ses obsessions visuelles et poétiques, en livrant avec Jacquou le croquant une oeuvre beaucoup plus facile d'accès, film d'aventures familial de très bonne facture, malgré quelques flottements et des scènes à la limite du surjeu.

Ainsi, la séquence de la falaise, dans laquelle le personnage incarné par la sublime Marie-Josée Croze hurle sa haine face au château du comte de Nansac souffre d'un jeu outrancier de la part de l'actrice d'habitude irréprochable, et manque de peu de faire tomber la scène dans le ridicule. Par ailleurs, le film piétine dans son troisième quart, et aurait mérité un bon quart d'heure de moins.

Ces réserves posées, le film constitue un excellent divertissement, magnifiquement filmé, et doté de scènes véritablement émouvantes (voir à ce titre la séquence du retour à la vie du jeune Jacquou au pied d'un arbre, dans les bras de la jeune fille dont il est amoureux). La mise en scène de Boutonnat, portée par une photographie de toute beauté (la gestion de la lumière, y compris dans les scènes de nuit, est d'une clarté remarquable), témoigne de l'admirable maîtrise technique et du sens visuel extrêmement personnel du réalisateur, le style de sa mise en scène étant décelable au premier coup d'oeil.

Par ailleurs, et même si elles ne sont pas aussi nombreuses que dans Giorgino, l'on retrouve le goût du metteur en scène pour les images de paysages enneigés, les cimetières, les loups...Les scènes dans lesquelles ces éléments apparaissent sont les plus belles du film, et confèrent à ce dernier une force évocatrice immédiate, ainsi qu'une réelle puissance poétique.

S'agissant de la distribution, Laurent Boutonnat s'offre un casting 4 étoiles: le fidèle Albert Dupontel (déjà présent dans Giorgino et ami proche du couple Boutonnat/Farmer), le regretté Jocelyn Quivrin, Marie-Josée Croze, Tcheky Karyo, Olivier Gourmet, et le plutôt fade Gaspard Ulliel dans le rôle de Jacquou adulte.

Au final, et même s'il reste assez caricatural dans sa thématique des forts contre les faibles, Jacquou le croquant constitue un film romanesque de très bonne facture, pétri d'émotion, doté d'une mise en scène de grande classe et parsemé de plans véritablement poétiques.