Les brutes sont partout

Publié le 26 mai 2010 par Uneblondedanslaville

 

Certains auteurs sont comme une paire de Louboutin : on ne se les offre pas souvent histoire de ne pas gâcher le plaisir. Philippe Jaenada est de ceux-là (et je suis sûre que se retrouver comparé à une paire de Louboutin sur un blog de blonde lui fera plaisir. Mais si)

Lorsque j’ai lu Le chameau sauvage il y a quelques années maintenant, j’ai dû ruser pour ne pas le finir trop vite.

Depuis, je m’étais dit : « contrairement à la plupart des auteurs que tu découvres et qui te plaisent, te taper sa biblio complète à la chaîne, tu ne feras point ».

Car oui, une fois que j’en aurai fini, je serai sans doute bien triste.

La résolution a été plutôt bien tenue (ce qui est rare me concernant) puisque je n’avais rien lu d'autre de lui depuis, à part cette année. Et Nerfetiti dans un champ de coton a été une récompense plus que délicieuse.

Il y a peu, Alapage m’a proposé un partenariat pas dégueu : tester un livre pour eux.

Qui dit tester un livre, dit sélectionner un livre. Et ça, tout de suite, c’est pas facile pour moi. Car je ne suis pas une fille de choix et que dès que je mets les pieds dans une librairie, j’y reste des plombes et ne peux m’empêcher de repartir ruinée, avec une tonne de volumes dans mon petit sac.

Alors j’ai fait marcher mon neurone arrière droit et j’ai limité les alternatives entre Philip Roth et Philippe Jaenada (je te rassure, je suis pas une maniaque des Philip(pe) en littérature, c'est tombé comme ça). Ayant déjà investi dans une sacrée collection du premier et n’ayant qu’un seul roman du deuxième en attente, Jaenada s’est imposé tout seul.

Je te passe les affres de la sélection du roman parmis sa bibliographie et te livre sans plus attendre son nom, je sens que davantage de suspense pourrait causer quelques arythmies cardiaques : Les brutes.

Le titre m’a plu, l’association texte dessin m’intriguait et la quatrième de couv m’a causé ("Les brutes sont partout. Nous subissons leur loi, que ce soit à l'école, au catéchisme, à l'armée ou en amour.
Un homme pourtant s'est rebellé : Philippe Jaenada a su dire non à la cantinière, refuser Dieu et défier l'armée. Convoqué pour ses trois jours de servie militaire en octobre 1984, il se retrouve encerclé par les brutes, mais rira bien qui rira le dernier")

Alors, le verdict ?

Le message m’a parlé, puisque le service militaire n’est qu’un prétexte pour lancer un appel à la résistance face aux brutes qui peuplent notre vie (et dieu sait qu’en ce moment, des brutes, j’en côtoie, chez Oualter) mais cette mignonne petite conclusion à la fin était... comment dire ? Mignonne.

Les personnages sont inégaux, malheureusement. Le narrateur est égal à lui même mais d'autres semblent parfois limite caricaturaux et donc perdent en crédibilité et en force.

Peut-être que comme je suis une fille et que je n’ai jamais été confrontée à la menace du service militaire, je suis un peu restée en dehors, peut-être aussi que la montée en puissance du suspense rend le climax un peu décevant et donc, la résolution semble un peu trop facile.

Alors bien sûr, la déception est relative à ce que j’attendais d’un Jaenada, j'admets. Je ne vous cacherai pas qu'on sourit, voire on se marre parfois mais rien à voir avec ce que j’ai déjà pu lire de lui. Ce garçon est très doué pour le rythme et la construction de ses histoires alternent souvent brillamment les phases de d'intensité dramatique qui prennent aux tripes et celles de repos grâce à ses apartés franchement drôles et bien vus (je pense notamment, dans Le chameau sauvage à la scène de l’ascenseur et au concept du pouvoir qui y est développé ou la technique pour coucher facile dans Nerfiti dans un champ de coton).

Là, on retrouve de la drôlerie, quelques apartés sous forme d’introspection bien fichus, il y a aussi un peu d’oppression bien retransmise mais ça reste léger. Vous me direz, c’était peut-être bien le but.

Et les illustrations ? Moui mais je ne suis pas fan du style. Et très honnêtement, elles n’apportent pas grand-chose à l'histoire, selon moi.

En conclusion, je reconnais qu’il y a eu là de la recherche et de l’originalité qui situent l'ouvrage entre conte pour adulte et nouvelle illustrée mais rien qui me laissera un souvenir impérissable.

C’est pas grave, j'étais de toute façon déjà séduite avec Le chameau sauvage et Nefertiti dans un champ de coton, que je vous conseille vivement si vous ne les avez pas déjà lus, et je me rattraperai avec Vie et mort de la jeune fille blonde qui m’attend bien sagement, le temps que je finisse mon cycle Zuckerman de Roth.

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Et si tu veux en savoir plus sur Philippe Jaenada, tu peux aller voir ici ici