Je fais partie de cette génération qui a fait ses premières armes en Perse sur PC, en 2D, avec une résolution toute naze, des trajectoires aléatoires, un timing de malade et des niveaux à s'arracher les cheveux. Je garde un souvenir ému des heures passés sur le clavier à diriger le petit bonhomme chétif qui finissait irrémédiablement empalé, écrasé, déchiqueté ou embroché, selon mon adresse (il en a bavé, le pauvre), sa fin étant accompagné d'une musique lugubre qui me glaçait le sang.
Et puis il y a eu la résurrection grandiose sur X-Box 360, avec Prince of Persia: Les sables du temps, et le monde a changé. Ou plutôt, la dimension a changé: une 3D sublime, réaliste, des points de vues multi-angles, à 360°, des mouvements fluides, presque infinis, une liberté de déplacement ahurissante (en comparaison avec le 1er du nom) et des obstacles tous plus vicieux et complexes les uns que les autres, servant une intrigue densifiée, scénarisée, et superbement mise en scène. Et puis, ce fut l'avènement des fameux retours en arrière grâce à la dague... Le pied intégral. Mais comme j'ai galéré pour le finir, ce jeu (le côté geek en moi ne me vient pas du gaming, non), je n'ai pas envisagé de jouer au deux autres opus, me contentant de regarder faire mon frangin, bien plus habile que moi. Si j'ai moyennement accroché à L'âme du Guerrier, j'ai cependant adoré les graphismes du dernier opus en date, sorti en 2008, et baptisé très sobrement: Prince of Persia.
Et puis, il y a eu Jerry Bruckheimer,
Ces trois noms associés laissaient présager du meilleur comme du pire. Du meilleur question financement:
Bruckheimer n'a pas l'habitude de se serrer la ceinture niveau budget, et n'hésite jamais à mettre les petits plats dans les grands, surtout lorsque le cheval
sur lequel il mise a déjà fait ses preuves sur un autre champ de course (non, je ne joue pas au PMU). Du ahem-brrr-bof par rapport à la mise en scène, Mike
Newell n'ayant jamais fait de réelles étincelles de ce côté-là, même si ses films ne sont jamais complètement foireux, loin s'en faut. Du pire question scénario,
Je n'irais pas jusqu'à dire que c'est le pire qui l'emporte, mais si l'on prend en compte le fait que je suis une joueuse et une fan du jeu original, et que par conséquent je ne fais pas partie du public massivement visé par la production de ce P.O.P., le bilan n'est pas des plus folichons.
Il est savoureux d'observer à quel point, à défaut de rendre parfaitement compte de la mythologie propre au jeu,
le film en honore au moins le "mouvement" perpétuel: Prince of Persia, tant visuellement que narrativement,
joue en effet constamment aux montagnes russes en nous imposant un rythme en dents de scie. Si les premières minutes - que dis-je? Les premiers plans sont à eux seuls forts éloquents -
laissent augurer du pire en nous proposant une relecture à peine voilée du Aladdin de
L'intrigue déçoit, très vite, au moment même où elle devenait intérressante, préférant se perdre dans des platitudes scénaristiques incompréhensibles (la course d'autruche, la tempête de sable, l'attaque des "brigands", etc...) étalant sa galerie de personnages caricaturaux (le frère hostile, le coupable idéal, le frère prodigue, le père philosophe, la princesse qui-en-a-dans-le-pantalon-parce-que-c'est-dans-l'air-du-temps mais qui, en définitive, est bel et bien en détresse, les méchants avec de vraies tronches de méchants - impossible de se tromper - le brigand qui a une conscience, en vrai, etc...) pour tendre, crescendo, vers une (des) morale(s) bateau. Le tout revêt l'aspect de ces fables gentillettes que l'on se faisait lire avant de dormir, avec ce qu'il faut de tremblements pour nous garder en éveil jusqu'à la leçon à retenir de tant d'aventures, mais pas suffisamment pour nous effrayer durablement. Mais, j'exagère sans doute un peu: Prince of Persia a été affublé d'un PG-13 aux States, quand même...
La problème majeur vient, selon moi, du fait que l'on reste sans cesse trop éloignés des lieux propices à donner toute latitude d'action (digne d'intérêt) au prince - à savoir les cités si envoûtantes de l'antique Perse et, idéalement, un palais - donc, fatalement, trop éloignés de l'univers de base de P.O.P. Au lieu d'ancrer l'histoire dans un lieu propre à révéler toutes les facettes du jeu ayant initié le film (car toutes les séquences ayant lieu dans les cités sont parfaitement réussies), on préfère nous balader loin de toute civilisation, en plein désert, sous un cagnard pas possible, ou il ne se passe... pas grand chose. Vous imaginez Dastan faisant des cabrioles sur des dunes de sable, vous? Impossible. Pourtant, Mike Newell trouve le moyen, par ce biais discutable, de donner à voir l'importance du budget accordé à cette adaptation, dont le moindre dollar apparaît à outrance sous forme de costumes variés, de décors somptueux, de rassemblements de figurants impressionnants... Oui, l'argent a servi, et bien servi, c'est indéniable. Mais l'histoire, elle, peine à prendre son essor.
Mais n'y a-t-il que de mauvais points dans ce Prince of Persia sur grand écran? Non. Heureusement, non.
Malgré les lourdeurs - et longueurs - du récit, le tout reste cependant très divertissant, à l'image des films produits par Bruckheimer, d'ailleurs. On se trouve ici face à un film voué à l'entertainment pur, et de ce côté-ci, c'est plutôt très réussi. On ne s'ennuie (presque) pas grâce, notamment, à des scènes d'action d'une belle efficacité, et à un rendu visuel soigné, très ésthétique. Les passages faisant état des pouvoirs de la dague, lorsque sont libérés les sables du temps, sont subjuguants, et le final, bien que je lui reproche la forme discutable de son sablier, est époustouflant (l'effondrement des fondations sur des cascades de sable est sublime). L'atmosphère est, elle aussi, travaillée aec soin et transporte aisément hors du temps, nous transposant deux heures durant dans un ailleurs exotique, qui sent bon le sable chaud, la poussière, et les épices. Un voyage dans le désert et les palais de Perse véritablement dépaysant, et enchanteur.
A ses côtés, sublime gravure de mode anglaise à l'orientale, Gemma Arterton ne démérite pas, en princesse gardienne sacrée qui se défie de tout et de tous, et prend un malin plaisir à faire tourner le prince en bourrique. Leurs joutes verbales, bien qu'un peu molles du genou, restent savoureuses, et concentrent une bonne partie du potentiel humoristique du film. la seule chose que l'on puisse reprocher à Tamina, c'est d'être trop parfaite, en toutes circonstances: aucune femme au monde normalement constituée ne peut conserver une telle "fraîcheur" en plein désert plusieurs jours de suite (même Keira Knightley dans POTC finissait par avoir les cheveux emmêlés). Ceci étant, elle est, même pour une nana, un régal pour les yeux (le fantasme des tenues orientales, sans doute...), et apporte, avec son rôle de femme forte "je-fais-trop-genre" un peu de piquant dans cet océan de dunes.
Le reste du casting, même s'il est honorable, est anecdotique. Je me demande encore ce qu'Alfred Molina vient faire ici (on est à cours d'argent?) tant son rôle frise le ridicule, Ben Kingsley est trop maquillé pour avoir l'air honnête, Toby Kebbell est méconnaissable et juste, dans son registre, tandis que Richard Coyle évoque un Boromir version tempête du désert. Il est surprenant de constater à quel point un film se déroulant en Perse peut sembler crédible avec un casting 100% britannique...
En résumé, P.O.P. est un divertissement honorable, mais n'honore que trop peu le jeu dont il se veut le garant à l'écran. La faute à un scénario un poil trop bavard, trop niais, et trops prévisible, principalement. Si la balade visuelle reste très agréable, ce Prince of Persia, pour l'attente que j'en avais, fait un peu "pop". La B.A., elle, avait tout montré.
*2h06 - américain - by Mike Newell - 2010
*Cast: Jake Gyllenhaal, Gemma Arterton, Ben Kingsley, Alfred Molina, Toby Kebbell, Richard Coyle, Reece Ritchie...
*Genre: Opération Renard du Désert...
*Les + : Un interprète convaincant, un spectacle visuel parfois saisissant et une cadre dépaysant au possible.
*Les - : Une intrigue
décevante, la "morale"
*Lien: Fiche Film Allocine
*Crédits photo: © Walt Disney Pictures