Entretien avec Hernando Corral : « Je suis un uribiste-léniniste ! »

Publié le 28 mai 2010 par Mrabier

Ancien sympathisant de la guérilla de l’ELN, homme de gauche et de médias, lauréat du prix Simon Bolivar en 1999 pour sa carrière de journaliste, Hernando Corral nous expliquait en mai 2006 pourquoi il soutenait Uribe .

Venant de la gauche, vous considérez-vous toujours comme tel ?
J’ai toujours été proche de la gauche et, sans être militant d’un mouvement politique, je me considère toujours de gauche et le président de la République aussi ! Mais contrairement à la gauche colombienne, j’ai toujours eu des positions très critiques face à la guérilla. La gauche ici n’a pas pris de distance suffisante avec les Farc. C’est pourquoi les gens la voit avec beaucoup de méfiance parce qu’elle n’a pas adopté une position claire face à la violence.

“Il était nécessaire que quelqu’un mette des limites à la guérilla parce qu’elle jouait avec les différents gouvernements.”

Et comment vous définissez-vous aujourd’hui ?
Je suis un « uribiste-léniniste » ! Plus sérieusement, cela signifie que beaucoup de choses me plaisent dans la politique du président. Il était nécessaire que quelqu’un mette des limites à la guérilla parce que c’était une organisation subversive qui jouait avec les différents gouvernements. Elle a utilisé toutes les négociations de paix pour se fortifier militairement et quelqu’un devait arriver pour l’arrêter dans sa croissance et la combattre militairement. Sinon, l’autre possibilité aurait été qu’elle continue d’avancer et devienne réellement une alternative de pouvoir. Or, je suis pas d’accord avec un gouvernement marxiste-léniniste. Je pense que l’humanité a déjà suffisamment expérimenté les dictatures du prolétariat…

C’est sa politique de sécurité qui vous a amené à soutenir  Alvaro Uribe ?
C’est un thème très important.  Le problème du manque de sécurité a été à l’origine de la faiblesse économique de notre pays. Les investisseurs avaient peur de venir en Colombie et les Colombiens eux-même de sortir en voiture hors de Bogota. La région était entourée de fronts guérilleros qui faisaient des opérations très proches de la capitale. Maintenant, il est possible de circuler dans la majeure partie du pays sans danger.

“Le gouvernement d’Uribe n’a pas fermé les médias ni enfermé de journalistes. Il n’y a pas de persécutions politiques aujourd’hui en Colombie.”

En Europe, certains ont qualifié le gouvernement d’Uribe de droite, voire d’extrême droite…
Où s’exprime une position de droite ? Parce qu’il combat la guérilla ? Si combattre la guérilla, c’est être de droite, alors je me déclare de droite ! A ceux qui disent qu’Uribe est un homme de droite ou d’extrême droite, je demande « qu’est-ce qu’être d’extrême droite ? ».  Faire une politique de sécurité ? Tous les États du monde, démocratiques ou non, ont une politique de sécurité. Le gouvernement d’Uribe n’a pas fermé les médias ni enfermé de journalistes. Il n’y a pas de persécutions politiques aujourd’hui en Colombie. Sous ce gouvernement,  un ex-syndicaliste communiste a même été élu maire de la capitale, Bogotá [Lucho Garzon de 2004 à 2007].

Comment pourrait-on définir son style de gouvernement  ?
Je pense que c’est un homme avec une conception de l’autorité et c’est ce qui ne plait pas à la gauche traditionnelle. J’ai l’impression que s’est créé un niveau d’optimisme dans le pays qui n’existait pas auparavant. Nous avions une mentalité défaitiste, nous ne voyons pas de futur ou alors d’une façon très noire. Je crois qu’il a réussi à gagner dans des secteurs très important de la société la confiance que nous avions perdu dans notre pays. De plus, c’est un homme qui inspire cette confiance aux gens parce qu’il est 24h sur 24h avec eux, se dédiant à sa tâche. Aujourd’hui, les Colombiens ont vraiment l’impression d’avoir un président.

L’unique solution de résolution du conflit colombien est-elle la défaite militaire de la guérilla ?
Oui, tant que les Farc ne démontrent pas une réelle volonté de négociation, l’Etat doit les combattre militairement. Maintenant, c’est à la société de faire pression sur les Farc pour qu’ils renoncent à la violence et se réincorporent. C’est ce que devrait faire la gauche légale. Mais c’est une gauche qui n’a jamais été claire dans sa condamnation des crimes de la guérilla. Elle dénonce les crimes seulement lorsque ce sont des personnalités de gauche. Or on ne peut pas choisir ainsi entre les bons et mauvais morts.

Propos recueillis par Michaël Rabier