A l’auberge des gens heureux
Tout est source et levain de joie
Jusqu’au pain sec, jusqu’à l’eau claire,
Que l’on soit dix, ou seul, ou deux,
Il n’est de propos, il n’est de sourire
Où l’esprit ne pointe, où le coeur n’affleure…
Or quelquefois on voit s’attabler
Un pas-heureux venu sur la foi de l’enseigne
Avec l’espoir d’y guérir de ses peines.
Mais ce qu’il mange avec effort
Lui répugne ou lui semble amer.
C’est en vain qu’il vide son verre:
Le vin ravive sa douleur.
Et s’il voit frémir sur le mur
Les feuillages d’or du soleil
C’est avec les yeux de l’exil.
Tout le gêne, l’offense ou l’humilie.
Il est comme un intrus à la fête d’autrui;
Ou comme au bal celui qui ne sait pas danser.
Vite il paie son écot, il faut qu’il parte,
Refoulant ses pleurs et plein de rancoeur.
C’est qu’en entrant à l’auberge attirante
Il n’a pas lu cette avis, sur la porte:
On est prié d’apporter son bonheur.
(Charles Vildrac)