Steve Mason - Boys Outside

Publié le 29 mai 2010 par Hartzine

Cher Steve Mason, tu crois sincèrement t’en tirer comme ça ? D’une chiquenaude confinant à la minauderie ? Tu penses nous semer, nous faire oublier qui tu es ? De King Biscuit Time à Black Affairs, tu imagines que l’on n’a pas démasqué la supercherie ? Te tapir dans l’ombre reste pourtant l’une de tes meilleures idées tant tes ersatz euphorisant ne vaudront jamais une demi-mesure de ton Beta Band galvaudé et très tôt mis à mal. Comment ne pas haïr ta mièvrerie désormais resplendissante, collant à tes basques telle une ombre ostentatoire à ton talent ? Va-t-on t’excuser en brandissant tes déboires amoureux, ta dépression et ton sombre bilan psychiatrique ? On ne pardonne qu’aux innocents, tu le sais bien. C’est salaud, mais tu connaissais la règle du jeu avant de lancer les dés de cette renommée vertement glanée. Souviens-toi et fais la parallèle. A l’époque Animal Collective ne trustait pas les charts de l’avant-garde, c’était le temps béni du rien, du néant, de la porte ouverte à vos élucubrations dégingandées mais absolument géniales, toutes contenues dans The Three EP (1998). Le futur de la pop semblait contenir dans votre vision cinétique de la création, entre boucles électro, guitares folk et mantras hippies fredonnés jusqu’à satiété. Et si le grand bug de l’an 2000 fut une escroquerie à peine maquillée, que dire de cet album éponyme imbuvable et des deux autres qui ont péniblement suivi dans la même veine éculée et ampoulée ? Qu’ajouter sur l’unique LP de King Biscuit Time que tu as mis cinq ans à pondre, Black Gold (2006) et que tu qualifias non sans ménagement, une fois balancé en pâture à l’auditeur désabusé, de “pure daube“, quitte à te brouiller une seconde fois avec ta maison de disque (Regal puis Poptones d’Alan McGee) ? Tu joues désormais à la sainte-nitouche clean et conventionnelle, rependant ton spleen amoureux à chaque plage éthérée d’un disque, Boys Outside, sorti le 3 mai dernier sur Double Six / Domino. Et tu supposes sans doute que débaucher Richard X à la production (Saint Etienne) suffira à calmer ma fièvre réprobatrice ? Tu ne manques pas de toupet ! Dégoiser ainsi tes évidences stylistiques sur de telles platitudes électro-acoustiques (Am i Just a Man, Hound On My Hell) confine à la basse provocation et confère d’invariables envies de carnage. Surtout lorsque que tu daignes exhiber d’infimes réminiscences de beauté céleste suspendues à la nonchalance légendaire de ton chant (Boys Outside, Yesterday) ou lorsque tu nargues ton monde en figurant d’amorphes bribes stellaires le futur hypothétique d’un Beta Band à jamais congédié par ta faute dans les affres de l’oubli (Lost and Found, Stress Position). Il n’y a plus rien à faire de toi et de tes disques. La haine et l’amour, c’est pareil qu’on nous dit, qu’un papier de cigarette les sépare, et que passer de l’un à l’autre nécessite juste un peu de folie et de vexation. C’est pas faux, loin de là, mes lèvres écument ce terrible ressentiment, celui que tu n’as de cesse d’aviver en singeant ta verve créative, ma bouche se déforme à mesure que ton disque renâcle à mes oreilles ton passé pas si lointain. En gardant pour la première fois ton état civil sur la pochette d’un disque tu réussiras peut-être à brouiller les pistes et à te faire passer pour le suceur de boules en guimauve que tu n’es pas. Mais je suis loin d’être le seul à ne pas être dupe. Alors un conseil, fais gaffe à ton ombre.

Bio

The Beta Band

Tandis qu’à Glasgow, dès 1995, les ébauches bouillonnantes de Mogwai font trembler les murs, mariant le post-rock hérité d’oncles de Chicago (Slint, Tortoise) au son brut des Pixies, le ciel d’Edinbourg, lui, demeure gris. Placidement gris, lorsque, l’année suivante, débute l’une des aventures les plus tordues que l’histoire de la pop ait connu avec la décision de Steve Mason et Gordon Anderson de fonder The Pigeons. L’arrivée de deux autres acolytes et la sortie d’un premier EP, Champions Versions (1996), précipitent les choses et un nouveau nom, The Beta Band. Le sang des rock critic londoniens ne fait alors qu’un tour : la révolution folk rock, attendue sur terre depuis tant d’années, couve très certainement dans l’imaginaire de ces quatre étudiants en cinéma. Compilant avec dextérité une nébuleuse incroyable d’influences autour de mélodies foutraques et déglinguées, d’une demi-douzaine de minutes chacune, The Beta Band préfigure un son folk psyché, bidouillé et synthétique. Avec la parution de deux autres EP, The Patty Patty Sound et Los Amigos del Beta Bandidos (1998), leur réputation n’est plus à faire d’autant que leurs prestations scéniques captivent. Ils s’amusent, se déguisent et ne comptent pas les minutes. Les trois premiers EP sont alors regroupés au sein d’un disque marquant d’une pierre blanche leur emprise fin de siècle. Dès 1999, sort leur premier disque, éponyme. Il sonne comme le début de la fin. Déjà. L’expérimentation tourne au bordel sans nom, au capharnaüm pas forcément dénué de charme, mais bien loin de ce qu’avait laissé présager The Three EP. En bisbille perpétuelle avec leur maison de disque, Regal, ils côtoient les cimes des charts le temps d’un single To You Alone (2000) avant de sortir leurs deux derniers disques, inégaux et plus conventionnels, Hot Shot II (2001) et Heroes to Zeros (2004). Si la machine tourne à vide, leur talent pour l’arty cinématographique perce avec humour et inventivité l’écran cathodique, en attestent les clips ici et là. Gondry n’est pas loin. La séparation inéluctable est effective en 2004. Chacun dérive depuis, avec plus ou moins de justesse, au gré de divers projets parallèles (King Biscuit Time, The Aliens, The General and Duchess Collins).

Audio

Steve Mason - Boys Outside

The Beta Band - The House Song

Vidéo

Tracklist

Steve Mason - Boys Outside (Double Six, 2010)

1. Understand My Heart
2. Am I Just A Man
3. The Letter
4. Yesterday
5. Lost & Found
6. I Let Her In
7. Stress Position
8. All Come Down
9. Boys Outside
10. Hound On My Heel