Armored Core 3 (fin)

Publié le 16 avril 2010 par Ledinobleu

Sommaire :
1. Présentation
2. Caractéristique
3. Réception
4. Symbolique (le présent billet)

Symbolique

Pour conclure, nous pouvons examiner de quelle manière cette liberté qui caractérise la série Armored Core se trouve présente dans les fondements même de l’univers de cet opus précis. Comme expliqué dans la première partie de cet article, ce monde souterrain est tout entier régi par un administrateur artificiel appelé Contrôleur : conçu par des ingénieurs survivants de la guerre qui anéantit jadis la surface de la planète, cette machine intelligente veille à ce que les habitants de la cité ne laissent plus jamais leurs désirs personnels menacer la civilisation ; il en est en quelque sorte le gardien. Techniquement, pourtant, c’est un despote. Car il a obtenu son autorité du pouvoir que lui avaient confié en ce sens ses créateurs, ces derniers ayant été investis de cette mission par les dirigeants de l’époque ; le Contrôleur n’est donc pas un dictateur, puisque son autorité souveraine ne lui a pas été donnée à titre temporaire pour mettre fin à une crise ponctuelle, et ce n’est pas non plus un tyran, puisqu’il n’a pas pris le pouvoir à travers un coup d’état ou toutes autres manœuvres similaires. Mais son règne a beau être légitime, il n’en accable pas moins la population puisque, par définition, et quelle que soit sa bonté, le despote a tout pouvoir sur les citoyens de la nation qui voient ainsi leurs libertés réduites. Inutile de se lancer ici et maintenant dans une étude des bienfaits et des inconvénients d’un modèle de société régie par une machine, toute aussi intelligente qu’elle soit, car on se doute bien comment l’histoire d’Armored Core 3 va se terminer de toutes façons : c’est bien le récit d’un homme qui va gagner la liberté des siens par la force, et en l’occurrence celle de son mecha.

S’il n’y a rien là de bien nouveau, ni de franchement excitant, du moins pour ceux d’entre nous qui sont habitués aux récits de science-fiction, un autre élément est néanmoins présent qui va rendre les choses plus compliquées, et au final plus intéressantes : les corporations. En effet, ces vastes conglomérats industriels, aux méthodes pour le moins sauvages, sont ici comme dans la réalité des incarnations de la liberté. Le jeu débute alors que le Contrôleur décide de rendre aux corporations leur libre arbitre : il les délie en quelque sorte d’au moins une partie de son autorité. Était-ce prévu par les concepteurs de cette machine, ou bien a-t-elle estimé que les hommes étaient enfin capables de prendre leur destin en main ? À moins qu’il s’agisse d’un test… Le déroulement du jeu ne précise à aucun moment laquelle de ces options, ou une autre, il s’agit. La problématique de fond évoquée ici est donc celle du libéralisme ; car, de par l’organisation même des marchés et des flux économiques une entreprise ne peut réellement s’épanouir que dans un contexte libéral, ou en tous cas pas trop contraignant : la liberté d’action, la liberté d’entreprendre, la liberté de réussir demeurent toutes liées entre elles et les limitations imposées par les lois étatiques ne font la plupart du temps que restreindre les marge de manœuvre des compagnies, c’est-à-dire leurs chances de succès – et donc leur rôle dans la société puisque celui-ci ne s’arrête pas à la production de bénéfices mais bien à permettre à ladite société d’évoluer à travers les différentes innovations, technologiques ou autres, nécessaires pour mieux s’adapter aux marchés. Le problème qui s’ensuit, c’est qu’une fois libérées ces puissances économiques et financières deviennent responsables de leurs actes, et quand elles n’honorent pas ces responsabilités… Mais l’actualité de l’automne 2008 a très bien mis en évidence les conséquences pour le moins dramatiques d’un tel cas de figure. Bref, maintenant le propos est déjà devenu plus intéressant, ou en tous cas plus humain, plus actuel, plus palpable : Armored Core 3 est en réalité l’histoire de plusieurs hommes et non plus d’un seul ; c’est l’aventure d’une société, d’une civilisation qui doit apprendre à faire face à ses démons pour mieux les domestiquer au lieu de rester dans l’infantilisation d’un monde gouverné par un « surhumain » peut-être sage mais en tous cas tout-puissant et donc castrateur. C’est l’histoire d’hommes qui doivent apprendre à être libres, à l’instar d’un joueur d’Armored Core qui doit apprendre à construire un mecha pour triompher du jeu – ici d’ailleurs très bien représenté par le Contrôleur lui-même.

Il devient donc difficile maintenant de voir en Armored Core 3 uniquement un simple jeu d’action : par l’utilisation adroite, et à différents niveaux de la réalisation, d’un simple truisme du genre mecha, cet opus de la série s’affirme en réalité comme une parabole sur la délicatesse et les contradictions de la gouvernance, en plus d’être une parfaite introduction à une franchise de référence des jeux vidéo de mechas.

Sommaire :
1. Présentation
2. Caractéristique
3. Réception
4. Symbolique (le présent billet)

Armored Core 3
From Software, 2003 (version PAL)
Playstation 2, entre 5 et 10 € (occasions seulement)