Les Criminels passent à table

Par Liseron

Plaisir coupable ou véritable morceau de gourmet, le choix des extraits de littérature opéré par Estérelle Payany dans son dernier opus, Les Criminels passent à table, m'a ouvert l'appétit. Quand les histoires de table se mêlent aux crimes, les mots et les mets s'accordent à l'unisson pour le pire de l'humanité ... et le meilleur de nos palais. L'auteure s'en donne à coeur joie dans ce voyage imaginaire et gustatif au pays des merveilles et des délices, narrés par Lewis Caroll ou encore William Shakespeare.

Si Roald Dahl a séduit les jeunes esprits avec le sucre de Charlie et la Chocolaterie, il faut aussi compter avec l'une des nouvelles macabres tirée du recueil Kiss Kiss, « Le coup du gigot », qui vaut son pesant gourmand. Des tribulations du Cyclope chez Homère aux derniers revirements mafieux chez Tonino Benacquista, les amateurs de bonne littérature -et d'aubergines- se régaleront.

La maquette de la couverture annonce d'emblée la couleur : sur une jaquette rouge sang, le titre semble l'oeuvre d'un corbeau qui donne le ton en collant un S en forme de crochet de boucher. La patte (graphique) délicieusement rétro de l'illustrateur Jean-François Martin affûte subtilement les portraits des méchants de papier (en photo ici, l'héroïne Corse de Prosper Mérimée, la belle Colomba), de la sémillante Cathy Ames à la gironde Agrippine, relookée pour l'occasion en cueilleuse de champignons très stylée New Look. Prétextat Tach, création impériale, pose parmi ses aliments gras favoris.

Les trente recettes déclinées à partir des talents culinaires et des préférences de bouche des sombres héros romanesques cumulent esprit éclairé et pragmatisme. De la préhistorique tartine d'os à moëlle gouluement avalée par Ernest aux très contemporaines notes salées des restaurants fréquentés religieusement par Patrick Bateman, les régals des criminels sont passés à la moulinette.

Certains sont plus curieux que d'autres – ainsi, comment réaliser des Oeufs à la truffe sans truffe ? (p. 99) -- mais tous rivalisent de finesse. Les titres, évocateurs, transportent d'emblée le lecteur –et non le Lecter, Hannibal-- dans une charmante odyssée : vous laisserez-vous tenter par quelques Cochons au chaud sous leur édredon chez Charles Perrault (p. 47) ou encore par les Pommes au caramel ensorcelantes des Frères Grimm (p. 39) ?

Agrippine croise le fer encore chaud avec Brutus et César, père spirituel de la célèbre Salade Caesar (p. 23) née outre-Atlantique au XIXème siècle.

Pour rafraîchir vos notes érudites et gourmandes, dévorez sans compter cette délicieuse compilation.

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Les Criminels passent à table. 30 recettes vraiment mortelles des méchants de la littérature, Estérelle Payany, illustrations de Jean-François Martin, Flammarion, 2010, 135 p.

Posté par orangebalsamique à 23:01 - Avant de passer au piano... - Commentaires [1] - Rétroliens [0] - Permalien [#]
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