Eric Besson est-il un mauvais ministre ?

Publié le 02 juin 2010 par Juan
Pour préparer le travail parlementaire sur la prochaine loi de finances 2011, le gouvernement a publié ses traditionnels rapports de performance. Leur lecture est instructive. Chaque rapport contient un rappel des objectifs chiffrés, des dépenses réalisés et des résultats atteints. Le rapport consacré aux missions du ministère de l'identité nationale d'Eric Besson est éloquent.
1. Besson n'a pas atteint ses objectifs d'immigration de travail. On se souvient que c'était l'une des grandes promesses du candidat Sarkozy : remplacer l'immigration familiale (jugée inutile) par une immigration choisie pour le travail dans des métiers pré-identifiés et quotaifiés. 3 ans ans plus tard, l'échec est là. Le pourcentage d'étrangers admis au titre de l'immigration de travail était fixé à 25% en 2009 et 50% pour 2012. Le taux effectivement atteint en 2009 ressort à ... 19%, inférieur de 2 points à celui de l'an passé. La Sarkofrance n'attire plus les talents.
2. L'objectif d'amélioration de la prise en charge sociale des demandeurs d'asile se décomposait en 59% d’hébergement en CADA des demandeurs d’asile en cours de procédure, remplissant les conditions d’accès à cet hébergement et 75% des demandeurs d’asile hébergés en CADA sur la totalité des personnes en cours de procédure hébergées dans un dispositif pour demandeurs d’asile financé par l’Etat. Les taux effectifs n'ont été respectivement de 37% et 67%. Le gouvernement argue que le nombre de places d'hébergement a plus fortement augmenté que le nombre de demandeurs d'asile. Une explication quelque peu partielle et partiale avec un autre constat, celui de l'allongement des délais de procédure. Effectivement, le nombre de dossiers d'asile examinés par l'OPFRA est passé de 37 500 en 2007 à 43000 en 2008 puis 46 000 en 2009. Le délai d'instruction des dossiers est monté de 100 jours en 2008 à 118 jours en 2009. Le coût d'une instruction est évaluée à 526 euros par dossier
3. Bizarrement, le document ne fournit aucune évaluation du coût complet des expulsions de sans-papier (amortissement des Centres de Rétention, voyages, forces de l'ordre mobilisées, etc). La seule évaluation concerne les frais de voyages (billets de train ou d'avion), soit 1 359 euros par expulsé en 2009, et le coût moyen des dépenses hôtelières (bagagerie, restauration, hébergement), soit 503 euros par expulsé. La durée moyenne de rétention était de 10 jours en métropole. Ces évaluations financières sont évidemment incomplètes. Un peu plus loin dans le document, on apprend, par exemple, que le démantèlement inutile de la Jungle de Calais a coûté 750 000 euros. Autre exemple, la reconstruction du CRA de Vincennes a coûté 3 millions d'euros.
4. Le nombre de reconduites à la frontière est quasiment conforme à l'objectif: 29 288 en 2009 (versus 30 000). Ce chiffre ne comprend pas les expulsions dans les DOM-TOM, mais il intègre les départs volontaires (8 268 en 2009).
5. Le nombre d'interpellations d'aidants est inférieur à l'objectif fixé pour 2009: 4 663 contre 5 000. Le gouvernement espère 5 500 arrestations en 2011.
6. Le nombre de personnes mises en cause pour infraction à la législation relative à l’entrée, au séjour ou à l’emploi des étrangers sans titre de travail  s'est établi à 96 109 en 2009 en métropole (contre 110 000 fixés comme objectif), et 35 088 dans les DOM et à Mayotte.
7. Le programme Immigration et Asile a coûté 512 millions d'euros, soit 75 millions d'euros de plus que prévu dans la loi de Finances 2009, pour l'essentiel à cause de l'asile. Sur ce montant global, quelques 75 millions d'euros ont été consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière. Encore une fois, cette évaluation est incomplète car elle n'intègre que les dépenses de fonctionnement des CRA (28 millions d'euros), les dépenses d'éloignements (35 millions), et les subventions accordées aux associations accompagnant les ans-papiers dans les CR et les zones d'attente (11 millions d'euros).
8. Le ministère a consacré 15 millions d'euros à l'accueil et l'intégration linguistique des étrangers réguliers. Mais le taux d'étrangers ayant bénéficié d'une formation linguistique reste très en-deça des objectifs : 55% en métropole (versus 64% annoncés); 23% dans les DOM (versus 73%).
9. Le ministère n'a assuré que 4 686 séances de formation civique en 2009 (contre 4 961 en 2008). Le coût de ces formations civiques et vivre en France a été de 5,87 M€, soit 0,1% du budget du ministère.
10. En 2007 et 2008, Brice Hortefeux se félicitait des contrats de partenariat qu'il signait avec divers pays d'émigration, notamment en Afrique. Ces accords prévoyaient notamment la mise en place de formations et de tests sur place, dans les pays même, auprès des candidats à l'émigration vers la France. Deux ans plus tard, on mesure combien ces mesures ne sont que symboliques : moins de 20 000 personnes en ont bénéficié en 2009, dans 6 pays (Maroc, Tunisie, Turquie, Mali, Sénégal, et Canada), pour un budget misérable de ... 1,4 millions d'euros.
11. En novembre dernier, Eric Besson lançait en grandes pompes l'allocation «parcours de réussite professionnelle»: «En donnant plus à ceux qui ont moins, en accordant une aide supplémentaire à ceux qui partent de plus loin, nous rétablissons la véritable égalité républicaine. Le meilleur moyen de lutte contre le communautarisme est de faire en sorte que la République tienne ses promesses.» déclarait-il. Quel était donc le budget alloué à cette gigantesque opération de rétablissement de l'égalité républicaine ? Un million d'euros. Un petit million d'euros. Comme la décision intervint très tardivement - dans la précipitation du débat sur l'identité nationale - cette enveloppe n'a été consommée qu'à hauteur de 244 000 euros.
Au total, le bilan d'Eric Besson paraît médiocre, mal mesuré, mal jugé, mal évalué. L'immigration est présentée de façon comptable et parcellaire. Les retombées économiques des migrants, en France comme ailleurs, ne font l'objet d'aucune étude, d'aucune évaluation. Qu'importe ! Eric Besson s'en fiche. 
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