"Play Misty for me" ("Un Frisson dans la nuit") : radio Psychose

Par Vierasouto


08 - 12
2007
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Premier film de Clint Eastwood comme réalisateur, le film sort la même année 1971 que l’étrange «Les Proies» de Don Siegel dont Clint Eastwood est le producteur et l’acteur. Don Siegel, maître de Clint Eastwood qui l’a mis en scène dans «L’Inspecteur Harry», joue ici le rôle du barman confident, secrétaire, et, dans les suppléments du DVD, Don Siegel dit modestement qu’il peut jouer ou dire son texte mais pas les deux à la fois… De proie, il est en solidement question dans "Un Frisson dans la nuit" et pas n’importe quelle proie : Clint Eastwood lui-même qui s’offre un rôle de séducteur nonchalant victime d’une jeune femme psychopathe.

Clint Eastwood et Jessica Walter

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Animateur dans une radio de la petite ville de Carmel, à deux pas de Monterey et son festival de jazz, Dave Garner anime les nuits de la station, passant notamment des disques à la demande des auditeurs. Telle cette auditrice, Evelyn, qui lui demande régulièrement le même titre «Play Misty for me» d’Eroll Garner. Une nuit qu’il gagne son bar de prédilection, Dave est piégé par une jeune femme seule qu’il drague machinalement et raccompagne chez elle. Ayant frais à l’esprit que ces aventures féminines ne lui ont apporté que des ennuis, et surtout la fuite de sa petite amie Tobie, Dave résiste un peu, puis cède à Evelyn qui lui avoue être l’auditrice de la radio mais lui promet une nuit sans lendemain. A partir de ce lendemain, il ne pourra plus se débarrasser d’Evelyn qui le traquera jour et nuit.
Le film est un peu caricatural, le personnage d’Evelyn n’a pas beaucoup de nuances, hurlant et maniant le couteau et les ciseaux un peu vite... Etonnant le supplément du DVD avec les projets d’affiches du film qui ne seront pas retenus, avec des ciseaux gigantesques et menaçants partout, on affiche la couleur, (rouge, l’affiche française), un vrai frisson dans l’affiche…  Mais le film fonctionne harmonieusement, d’abord, c’est bien filmé depuis le début avec beaucoup d’espace, la nature, Dave dans sa maison dominant la plage, la route immense vers la station de radio, des moments de répit aussi avec des scènes de concerts de jazz du festival de Monterey, une scène d’amour quand Dave se retrouve sa petite amie, les deux corps nus dans l’eau, des promenades dans les arbres sur la plage.
Le regard de Dave, épouvanté par le comportement d’Evelyn, est assez drôle, car, hormis les gros plans sur le regard de Clint Eastwood, ça ne va pas loin tant le séducteur est peu expressif, comme emprisonné dans un personnage de héros… Certes, Clint Eastwood se donne du mal pour ne pas être ce héros mais on doute parfois de Dave, petite chose de 1,90m et carrure d’athlète posée sur l’oreiller, les épais cheveux de son brushing années 70 emmêlés, secoué par Evelyn qui le harcèle.

Jessica Walter

© Collection AlloCiné / www.collectionchristophel.fr  


Tout en conservant des moments de répit, CE se décide à mi-film à corser l’entreprise : Evelyn, le visage couvert de sang, a tenté de se suicider dans sa salle de bains, une inspiration nettement "Psychose" avec un clone de Marion Crane sous sa douche, à la différence que c’est elle, la tueuse… Les tentatives de meurtres d’une Evelyn, à présent réduite à des cris et des armes blanches, se multiplient sur des tiers alliés de Dave, sur la femme de ménage, sur le flic, etc… Il y a pourtant de bonnes choses côté thriller quand Evelyn surveille et traque, sa silhouette dans les buissons ou son bras dans la nuit pendant que le couple Dave et Tobie s’enlace sur la plage, la menace est plus efficace que le passage à l’acte, pourquoi en avoir rajouté en glissant du thriller au film d’horreur?
Pour un premier film, c’est tout de même assez réussi, Clint Eastwood casse son image de héros, la séduction et la virilité moins assumées que son physique avantageux ne le laisserait supposer, avec une vision de la femme simplifiée : la très méchante (Evelyn) et la trop gentille (Tobie), celle qu’on n’aime pas qui vous colle comme du scotch et celle aimée, et enfuie, dont on attend le retour. Composant un  film qui a un style, pas seulement daté années 70 avec les deux femmes coiffées comme Jane Fonda dans "Klute" (cheveux courts dégradés avec nuque effilée à mort), les ponchos, les vestes en daim à franges, mais en intégrant de l’espace, des ruptures de rythme, une respiration jazzy (comme la musique du film) s’offrant le luxe de quelques des scènes sereines, voire romantiques, dans un thriller rouge tendance horreur. Jazz, plage et séduction occupent le terrain, on imagine que ce sont les goûts de Clint Eastwood dans la vie, maire depuis de la ville de Carmel où fut tourné ce film.
Ce film est sorti mercredi 5 décembre en reprise dans les salles.
Ce film a été également vendu en DVD avec le supplément du journal "Le Monde" samedi 1er décembre.

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Mots-clés : cinéculte, cinéma américain, Clint Eastwood, Play Misty for me, Un Frisson dans la nuit