Exposition Paysage 2 et Imminence de la catastrophe à l’espace Croix Baragnon

Publié le 05 juin 2010 par Philippe Cadu

Du 9/06 au 11/09/2010 Vernissage le mardi 8 juin à 18h30

Cet été Croix-Baragnon s’ouvre au paysage.
PAYSAGE 2
8 juin > 11 septembre 2010
Galerie

Berdaguer & Pejus, Damien Cabanes, Jean Lafforgue, Lionel Loetscher, Eva Nielsen, Marie-Agnès Verdier, Brankica Zilovic


IMMINENCE DE LA CATASTROPHE
8 juin > 3 juillet 2010
Espac
e III
avec : Nicolas Descottes (Fra), Brian Doyle (USA), Cyril Hatt (Fra), Jonathan Hershaw (Can), Bertrand Segonzac (Fra)

Une exposition proposée par Laurent Bardèche, Annexia.
Notre Monde est vraiment fantastique ! L’homme a mis au point nombre de situations, comportements et systèmes,
parfois à tel point inédits pour lui-même qu’il ne sait même plus en contrôler les éventuels dérèglements ! La faute en incombe aux humains, coupables de se trouver en trop grand nombre, au même moment, au même endroit dans une situation devenue aussi problématique, complexe qu’imprévisible. C’est ainsi que si tous les paramètres sont en soit valables, contrôlables et simulables ; seul le nombre d’humains impliqués peut varier de manière non prévisible, et rendre la situation tout à fait opaque du fait de la densité accrue des informations et au final s’affirmer comme la cause première d’un dénouement catastrophique. Et là c’est l’accident ! Pour éviter cela, quel sera alors le meilleur outil de calcul si ce n’est la simulation en acte du problème lui-même…«Imminence de la Catastrophe» n’est pas une exposition catastrophiste, au sens où elle nous proposerait des situations et images de la catastrophe mais plutôt un composé cynique de simulations et d’anticipations comme autant de témoignages anticipés d’une hantise sociale et historique implacable. Suprême cynisme quand on sait que la réalité en est, elle-même dépourvue. Elle qui ne parvient même pas, du fait de sa spontanéité, à se payer le luxe de trouver le temps de s’illustrer par son diabolisme. C’est ainsi que la société nous promet depuis des temps reculés que la fin est proche – voire très proche – et malgré cela et la mise en place consciente de fausses prédictions, elle continue tout de même de nous annoncer que la fin est pour demain…
Repousser le temps, celui de la disparition de l’homme en l’enveloppant du mystère de la vraisemblance, voilà de quoi nous interdire de crier au délire malsain de la catastrophe finale. La disparition de l’homme, de l’espèce humaine est annoncée sur le mode de l’ellipse, toujours en décalage constant, sans jamais vraiment arriver au moment précis où on l’attendait. Et sans cesse le jugement est repoussé pour celui qui traverse les temps des prédictions mensongères. Au moment même où la catastrophe devrait arriver, s’annonce l’imminence d’une nouvelle qui la remplace ainsi tout à fait avantageusement. Le mensonge efface le mensonge pour donner naissance à une interminable succession de craintes se repoussant elles-mêmes pour nous en faire oublier l’origine. L’on nous dit que la fin est proche et malgré cela, par superstition, l’homme sans cesse la repousse à plus tard… L’anticipation devient alors le mobile d’un crime n’ayant pas encore été commis, comme en attente de réalisation, à la manière d’une promesse ne venant pas et se faisant toujours attendre… C’est qu’en définitive, anticiper permet à notre société d’évacuer la menace réelle, qui quant à elle ne s’annonce jamais mais survient tout simplement.

Exposition collective en collaboration avec l’espace Croix-Baragnon, Toulouse. Invitation de Eva Nielsen par Point de Fuite.

Les objets, cela ne devrait pas toucher, puisque cela ne vit pas (…) Et moi ils me touchent c’est insupportable. Jean-Paul Sartre, La Nausée Les paysages d’Eva Nielsen ne doivent être lus en suivant la ligne d’horizon, mais dans le sens opposé : dans l’épaisseur de la peinture, dans sa matière. Savant mélange de techniques diverses, ses toiles recomposent un réel fait de choix précis. Sérigraphie, peintures à l’huile et acrylique viennent composer des situations hors du temps, un semblant de réalité. Ces strates sont autant d’indices de l’intervention de l’artiste dans la création de mondes.L’acte créatif apparaît au grand jour, sans détours : traits de crayon, coulures, retouches, les accidents se révèlent en même temps que la profondeur de la composition.

Le regardeur peut ainsi retracer la naissance de l’image, sa délivrance suite à un long travail de masquage de la sérigraphie pour ne pas l’endommager avec l’acrylique ou l’huile. Des heures de camouflage puis de révélation du motif primaire. Empreintes d’un aspect brut, ses toiles paraissent esseulées, tout comme les paysages qu’elle dépeint.

Terrains de narrations ? Oui car tous les possibles sont dans ces scènes désertes. Au travers de l’absence de toute humanité, tous les plans peuvent être échafaudés, les hypothèses tracées et les histoires inventées. Leurs grandes dimensions inviteraient presque à s’y plonger mais leur hostilité nous incite soudain au mouvement inverse… elles ne sont pas faites pour cela.

Depuis quelques années, les mondes d’Eva Nielsen se déclinent au travers de plusieurs séries dont celle des jeux d’enfants. Une fascination pour l’aspect formel de ces structures, parfois aux allures d’ovni, la pousse à les représenter de manière obsessionnelle. Aire de jeux transformées en aires de désillusion, ces espaces ont été créés à partir de photographies qu’elle décompose et réorganise scrupuleusement. Ils décrivent de drôles de constructions dédiées à l’amusement en milieu urbain, instruments superficiels conçus dans le seul but de divertir les enfants en leur offrant la possibilité de se suspendre, de jouer les équilibristes, en somme, des générateurs de frissons dans des espaces stériles et inhibants. Dans Episode, la structure d’un jeu rouillé est fichée dans un sol militaire, champ de bataille dont l’arrière plan sans issue est inquiétant. Ses couleurs rappellent les tenues des troupes. Ces objets ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, silhouettes fantomatiques transposées dans des sites inamicaux. La technique même de la sérigraphie, reproduction mécanique et sérielle d’un objet déjà réduit au statut d’image photographique, engendre une perte de réel. C’est à partirde cet élément central que se développe la scène.

Le geste de l’artiste vient compléter l’action froidement reproductrice de la machine : à l’arrière-plan, le paysage est quant à lui vaporeux, en totale dissolution. Les glacis qu’obtient Eva Nielsen révèlent des paysages déserts, figés, portant encore les stigmates d’une catastrophe naturelle ou d’une présence humaine qui se dessine en creux.

Au sein d’un paysage bleuté, derrière la cage de football deVilleneuve-Triage, les cyprès ondoient sous la tempête et semblent en feu. Devant nous se dresse un vaste terrain que seul un manteau neigeux a osé investir. Le ciel est inquiétant. Estimons-nous heureux de nous trouver de ce coté-ci.

Par ces compositions à la fois verrouillés et perméables, Eva Nielsen innerve un sentiment d’inconfort chez le regardeur. Elle décrit un monde effrayant parfois, inquiétant toujours.

Elle agence une peinture sans cadre, dont l’essence interne pourrait bien contaminer notre monde en débordant. A moins que la vulnérabilité de ses contours n’ait déjà été éprouvée en sens inverse…

Elodie Stroecken


à l’Espace Croix-Baragnon

24, rue Croix-Baragnon31000 Toulouse