Comportements à risques en Sarkofrance

Publié le 07 juin 2010 par Letombe

Ce lundi, Nicolas Sarkozy se rend chez Angela Merkel, à Berlin. Ils parleront régulation de la finance et gouvernance mondiale. A force de se répéter, ces sujets épuisent les commentateurs. Les grands dirigeants de ce monde font du surplace. Et le couple franco-allemand apparaît plus désuni
Taxe bancaire plantée
Samedi, les ministres des Finances du G20 se retrouvaient à nouveau. A en croire leur communiqué officiel, ils sont une nouvelle fois, une nième fois, à «parvenir rapidement à un accord» sur la réforme des règles financières. Autre sujet, la création d'une taxe bancaire internationale pour, notamment, abonder un fonds de stabilisation, n'a pas été retenue. Les Etats-Unis y sont favorables, comme certains autres membres du G20. Le Canada milite contre une telle mesure. Le premier ministre canadien Stephan Harper est venu, la semaine dernière, rencontre des dirigeants européens. Il a obtenu un résultat, bien oublié des communications élyséennes toujours volontaristes : le concept de taxe bancaire ne sera pas pas discuté lors du prochain G20 à Toronto fin juin. Vendredi dernier, François Fillon tenait une conférence de presse commune avec son homologue canadien. Il a reconnu la difficulté: «C’est un principe qui ne fait pas l’objet d’une unanimité au sein du G20 ; il n’est pas consensuel au plan international.» Et répéter les mêmes arguments ressassés depuis l'automne 2008 :
«L’objectif c’est limiter les comportements à risque des banques. C’est une question de confiance de nos concitoyens dans le secteur bancaire ; c’est une question de stabilité de nos économies et puis j’ai envie de dire c’est une question d’ordre démocratique, parce que nos opinions publiques ne comprendraient pas qu’après avoir été sauvés, les établissements financiers reviennent, comme si de rien était, aux mêmes pratiques qui nous ont conduits au bord du gouffre.» Ces belles déclarations ne changent rien. Depuis l'automne 2008, les dirigeants des pays riches comme des pays émergents ne sont pas parvenus à un consensus sur le sujet. Et aucun n'a pris le risque de vraies mesures contre ses propres banques. Un comble, quand on sait que ces dernières ont été partout (à quelques exceptions près) sauvé de la banqueroute par la grâce des Etats.
Sarkozy-Merkel, mésentente cordiale
Les sujets de friction entre la France et l'Allemagne sont nombreux. Et pour une fois, Nicolas Sarkozy n'est pas à l'initiative de ce nouveau coup de froid. La chancellière allemande est accusée d'avoir tardé à accepter un plan de sauvetage de la Grèce et de la zone euro. Contrairement à la vulgate sarkozyenne qui plaçait Sarkozy comme l'unique sauveur du système, Mme Merkel a finalement cédé grâce aux interventions répétées de Barack Obama en avril dernier. Elle a cependant pris des mesures plus drastiques qu'en France contre les spéculateurs. En mai dernier, elle a interdit les ventes à découvert à nu, qui consistent à acheter et revendre aussitôt des titres. Sur un plan plus personnel, les deux dirigeants s'agacent voire se méprisent cordialement. L'hebdomadaire économique Wirtschaftswoche rapportait ainsi récemment que la chancelière "fait rire ses amis en singeant le petit Français". "Il y a des tensions terribles. Merkel et Sarkozy s'agacent terriblement", a expliqué à TF1 Claire Demesmay, de la Société allemande de politique étrangère.
Avant la double entrevue de lundi (une réunion et un «dîner de travail», précise le communiqué officiel), un conseiller anonyme de Nicolas Sarkozy a livré les éléments de langage du moment: les deux chefs d'Etat parleront du gouvernement économique de l'Europe, promis au plus fort de la crise de l'euro. «S'il est souhaitable que les Vingt-Sept aient des politiques macro-économiques -notamment budgétaires- coordonnées, il est absolument indispensable de s'assurer qu'elles le soient entre les seize qui partagent la même monnaie.» Ces déclarations liminaires oublient que Sarkozy comme Merkel sont éminemment impopulaires dans leur pays respectif. Dimanche, Sarkozy a même touché un nouveau fond.
Gouvernement affaibli
Brice Hortefeux, lui, travaille bien avec l'Allemagne. Vendredi, il se félicitait de l'adoption d'un pacte européen de lutte contre la drogue, «préparé en commun par la France et l'Allemagne». Le ministère précise que le texte a été négocié pendant 5 mois. Que prévoit-il ? D'abord davantage d'interceptions en mer. Ensuite, l'introduction de la lutte contre les trafics de drogue comme un critère d'adhésion à l'Union européenne. Enfin, la mise en place de «bureaux de recouvrement des avoirs criminels» dans les Etats membres de l'union européenne avant la fin de l'année. On ne sait pas ce que pense le ministre de l'abandon des poursuites, décidée par le parquet, contre quelques chefs d'Etat africains pour détournement de fonds.
Le même jour, la justice a fait son travail. Le ministre de l'Intérieur a fait appel de sa condamnation pour injure raciste vendredi dernier. L'Elysée a mobilisé les ténors de Sarkofrance pour défendre l'ami de trente ans du Président. Les critiques fusent. Hortefeux aurait gagné un peu d'honneur en démissionnant. Il préfère s'enfoncer. Les dirigeants de l'UMP se sont disqualifiés en portant secours à leur collègue.
Plus grave, le ministère de la justice plancherait sur la suppression des jurys populaires dans les procès d'assises. Ces derniers sont assurés par des cours d'assises, juridictions départementales qui traitent des crimes, qui sont composées de trois magistrats professionnels et de neufs jurés civils tirés au sort parmi la population. Remplacer ces neuf jurés par deux magistrats professionnels permettrait de désengorger les tribunaux. « Pour l’instant, il ne s’agit que d’une piste de travail » explique le ministère... Une piste de travail...
Plus concret, un décret vient d'élargir le Fichier des Personnes Recherchées (FPR) aux sans-papiers. Créé en mai 1996, le FPR, qui recense l'état civil, le signalement physique, et les motifs de la recherche, a vu son périmètre s'agrandir dimanche 30 mai dernier.  Désormais, les autorités pourront «mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "fichier des personnes recherchées" afin de faciliter les recherches et contrôles effectués par les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie et les agents des douanes». Les personnes pouvant ainsi être fichées sont de nature très diverse : étrangers présentant «une menace pour l'ordre public» justifiant que l'accès au territoire français leur soit refusé, «mineurs ayant quitté leur domicile», «personnes signalées comme débiteurs de l'Etat» ou «redevables de pensions alimentaires», personnes disparues, recherchées sur demande de leur famille ou faisant l'objet d'un placement d'office en établissement psychiatrique, ou qui s'en sont évadées, ou «supporters objets d'une interdiction de stade», «étrangers faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris depuis moins d'un an», et, enfin, ceux faisant l'objet d'un arrêté d'expulsion ou assignés à résidence.
que jamais.

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