L’an passé (Carlos Drummond de Andrade)

Par Arbrealettres


L’an passé

L’an passé n’a pas passé,
il continue incessamment.
En vain je fixe de nouveaux rendez-vous.
Tous sont rendez-vous passés.
Les rues, toujours de l’an passé,
et les gens, les mêmes aussi,
avec les mêmes gestes et les mêmes paroles.

Le ciel a exactement
les couleurs connues de l’aurore,
du plein soleil, de la dérive du jour
comme au plus répété de l’an passé.

Bien qu’enterrés, les morts de l’an passé
on les enterre tous les jours.
J’écoute les peurs, je compte les libellules,
je mâche le pain de l’an passé.

Et il en sera toujours ainsi désormais.
Je ne parviens pas à évacuer
l’an passé.

(Carlos Drummond de Andrade)