Enfants de la balle, nouvelles de foot, nouvelles d'Afrique

Par Gangoueus @lareus

Je ne sais pas si on peut faire mieux en termes de timing, mais le fait est que j’ai terminé la lecture de ce recueil de nouvelles consacrées au football, hier soir (*). Mes soucis d’ordinateur continuent mais, c’est avec plaisir que je publie cet article alors que le Mondial de foot démarre aujourd’hui en Afrique du sud.
J’aime le football même si je ne suis pas un adepte forcené de ce sport. Je le regarde pour les grandes occasions. Comme les demi-finales et finale de Champions League, de CAN, de Coupe d’Europe ou encore toute la coupe du monde. Je savoure l’aspect fédérateur de ce sport planétaire (contrairement au rugby), ou populaire (contrairement au tennis). Je pourrai déblatérer longtemps sur ce sport capable de jeter plus de 800000 personnes sur les Champs Elysées  de Paris,  qui met en scène les plus grosses rivalités sociales, régionales, ethniques comme les classico PSG - Marseille,  Saint-Etienne - Lyon,  ASEC Mimosa - Africa Sports etc. Un sport qui pousse aux limites de l’absurdité, le système capitaliste triomphant en rémunérant de manière hallucinante ses plus grands artistes.
Abdourahmane A. Waberi donne l’occasion à plusieurs auteurs africains de s’exprimer le temps d’une nouvelle sur ce phénomène mondial de société que constitue le football.
J’ai d’abord apprécié le choix des auteurs qui représentent assez bien le continent. L’Afrique du Nord, l’Afrique du sud, l’Afrique de l’ouest, la corne de l’Afrique... J’ai aussi apprécié le mélange de genre, ces voix féminines incarnées par Ananda Devi et Laila Lalami m’ont parues pertinentes quand on souligne souvent l’univers machiste des fondus de ballon rond...
J’ai ensuite dégusté les différentes formes de narration. Car chaque texte vient avec sa structure, sa richesse. La nouvelle de Mark Behr semble complètement hors sujet, par exemple, quand par une seule phrase, la violence, le cloisonnement de ces communautés sud africaines, le rugby, le foot, tout prend sens. Le discours est directement centré sur le football ou alors il s’appuie sur ce sport pour souligner ses aspects « exutoire d’un régime totalitaire, violent » pour laisser s’exprimer une rage inouïe d’exister, de survivre, d’exulter, de détruire de la plèbe. La nouvelle Yahia Belaskri incarne le mieux les nouvelles qui sont allés dans ce sens.
N’Sondé, Devi, Uzuor ou Mabanckou ont plutôt choisi d’explorer l’intériorité du footballeur. Avec plus ou moins de succès. Mais ces points de vue atténuent la rengaine constante et facile exercé ces derniers temps sur les footballeurs stars que les masses grenouillantes estiment surpayés. Le domaine de la fiction est le lieu de tous les possibles, n’est-ce-pas ? Aussi, le personnage du clan des voleurs, d’Ananda Devi a quelque chose de très touchant. Ce texte est chargé de poésie. Lui qui vient d’un peuple ignoré dans sa lointaine contrée et qui n'intègre pas le matérialisme occidental vers lequel il a été déporté, ne comprend pas le rapport entre ses aptitudes à voler et marquer des buts et les avoirs associés.
J’ai été gêné par les connexions qui semblaient excessives entre terrorisme, islamisme et football de certains auteurs. Un peu tiré par les cheveux, même si j’entends bien, que le passage entre de l’un à l’autre est peut-être plus ténu qu’on ne le pense... A vous de vous faire une idée.
Enfin, j’ai jubilé en lisant la première nouvelle de Kangni Alem dont je connais l’aversion profonde à l'endroit de ce sport, à moins qu’elle ne soit feinte. L’auteur togolais s’amuse d’ailleurs à parler de tout sauf de foot, puisque que lorsque l’on se croit emporter dans un match de soccer, on se rend compte qu’en fait il n’est question que de baby-foot. et de faillite intime. Rires. Le texte le plus intimiste de ce recueil.
Félicitations à Abdourahmane Waberi et aux écrivains qui se sont prêtés à l’exercice et qui, décidemment ont renforcé mon envie de voir cette coupe du monde dans la poudrière sud-africaine, loin des amertumes de ceux qui ne supportent plus de voir des pousseurs de ballons être les rois de nos sociétés.
Vive les diables verts ! Et bonne coupe du monde !



Enfants de la balle, nouvelles d'Afrique, nouvelles de foot
A. A. Waberi, Kangni Alem, Mark Behr, Yahia Belaskri, Anouar Benmalek, Ananda Devi, Laila Lalami, Alain Mabanckou, Jamal Mahjoub, Wilfried N'Sondé, Uzor Maxim Uzoatu
Editions JC Lattes, 1ère parution en 2010, 218 pages
Voir également les chroniques d'Opoto et d'Afrik.com
(*) Article publié avec 2 jours de retard suite à des petits soucis techniques