iPad, InDesign, Flash, Adobe réagit et précise…

Par Ebouquin

Dans un communiqué de presse, Adobe vient de faire un point sur ses nouvelles solutions de publication numérique (Digital publishing platform). Les dates de sortie s’échelonnent de cet “été” à cet “hiver” (voir la feuille de route). Ce communiqué, la FAQ et la page Web consacré aux “Digital publishing platform” appellent plusieurs commentaires.

Tout d’abord la multiplicité des solutions de publication en fonction de la nature et de la marque du support de diffusion. Ainsi, un magazine pour l’iPad ne sera pas généré ET consulté avec les mêmes outils qu’un livre numérique au format ePub.
Pour publier depuis InDesign un magazine à destination de l’iPad, la solution est annoncée pour cet été et n’a pas encore de nom (Adobe Digital Publishing est le terme générique le plus employé). A priori, nous pensons que ce sera un plug-in qui “transformera” les fonctions Flash d’InDesign CS5 en HTML5 en ce qui concerne l’export du fichier. Et pour la consultation du document numérique, est-ce que ce sera un “reader” spécifique dans l’iPad ou est-ce que le plug-in génèrera lui-même une application contenant le reader et le document ? Dans un deuxième temps (automne 2010) cette solution (export et consultation) devrait être rendu compatible avec d’autres tablettes.
Quand au livre numérique (Adobe emploie aussi bien “book” que “eBook”), l’éditeur précise bien que la solution d’InDesign à destination de l’iPad ne permettra pas de générer des documents PDF ou ePub et qu’il faut, dans un premier temps, continuer avec les outils habituels de publication d’InDesign et Adobe Digital Editions.
Attention, il faut comprendre les termes de “book” et “ebook” dans le sens de “roman”. Pour des plaquettes institutionnelles ou des catalogues (seuls documents mentionnés par Adobe), la solution à destination de l’iPad sera compatible. Nous supposons que cette indication ne sera pas restrictive et qu’il sera possible de créer des guides de voyage, des ouvrages documentaires et didactiques ou n’importe quel autre type de documents contenant texte et image agencés ensemble. Donc des livres numériques, quelque soit leur contenu.

La deuxième remarque concerne InDesign et Flash. En trois rubriques de la FAQ, Adobe précise que leurs équipes continueront à développer des solutions à base de Flash, d’Objective-C et de HTML5 pour des documents interactifs consultables sur les smartphones et tablettes… L’une des mentions laisse supposer que l’Objective-C ne sera utilisé que tant qu’Apple le demandera. Dans tous les cas, nous ne pensons pas qu’Adobe s’adaptera à tous les fabricants… Si une réponse à été apporté dans l’urgence pour adapter Wired sur l’iPad, c’est parce que la tablette n’a pas de concurrent réel et qu’elle est particulièrement médiatisée.


Mais surtout, Adobe veut qu’InDesign reste au cœur de la publication, qu’elle soit sur papier ou sur écran. Comme nous l’avions indiqué, le logiciel de mise en page  s’adapte de plus en plus aux supports “écran”. Adobe indique aussi qu’ils continuent à considérer Flash comme un élément important de leurs solutions de publication à destination des appareils électroniques.

Ces deux remarques entraînent celle-ci : le processus de production d’un document numérique se complexifie de jour en jour par rapport à celui de l’imprimé.
Aujourd’hui, InDesign permet de créer des document imprimés qui vont de 0,3 millimètres à 5,4 mètres de largeur, d’une à 10.000 pages, du noir et blanc à la couleur. Ces trois contraintes sont les seuls choix à effectuer en amont du projet de publication imprimé.
Ce n’est plus le cas avec la publication numérique. Là où les seules contraintes étaient le papier et l’encre pour un document imprimé, les appareils mobiles en ont beaucoup plus. Nature et dimension de l’écran (eink, LCD, mixte ou autre), puissance de la machine (processeur, RAM, etc.), système d’exploitation (donc compatibilité ou non du format du document), présence d’une connexion Internet, et donc, nature du contenu numérique : un document consultable via un logiciel ou une application à part entière ?
Dit autrement, un éditeur sera obligé de faire un très grand nombre de choix techniques en amont : est-ce que je veux publier mon document sur une tablette interactive, sur un livre à encre électronique, sur un smartphone ou sur les trois ? Comment faire pour que le contenu soit lisible sur des écrans de 3,5″ (smartphone) aussi bien que sur des 10″ (tablette, livre électronique “grand format”) ? Un seul document dont le contenu se reformate (l’ePub), plusieurs documents à différents formats (PDF) ? Est-ce que le format de mon document est reconnu par le système d’exploitation de l’appareil ? Etc. Les contraintes étant liées entre elles, le nombre de possibilité est exponentiel…

Cette complexification pourrait avoir une conséquence non négligeable pour les créateurs (éditeurs, groupe de presse, etc.) de ses informations : le coût de réalisation, s’ils décident de développer un contenu adapté à chaque support. Prenons l’exemple d’un guide de voyage : le guide vert de Michelin ou un guide Gallimard. Ce domaine a un fort potentiel multimédia : texte, image fixe et animée, voir même interaction avec le lieu visité si l’appareil est équipé d’un GPS. Si Michelin ou Gallimard décide d’adapter leurs guides papier pour les trois catégories d’appareil électronique, ils seront obligés de faire des choix techniques conséquents.
Les trois supports permettent la lecture du texte, mais elle est peut confortable sur smartphone et fatiguante (si en grande quantité) sur smartphone et tablette. Les trois supports peuvent afficher des images, mais en noir et blanc sur les livres électroniques et de petites tailles sur les smartphones. Les trois supports peuvent diffuser des fichiers audios, mais différement : dans l’application pour les tablettes et les smartphones, à l’extérieur du livre numérique sur les livres électroniques. Les tablettes et les smartphones peuvent lire des vidéos mais pas le livre électronique (petit aparté à propos de la vidéo, le métier de photographe, qui connaît lui aussi de profondes évolutions depuis l’arrivée du numérique dans la chaîne graphique, pourrait s’orienter de plus en plus vers la vidéo, d’autant que de nombreux reflex le permettent maintenant). Enfin la plupart des smartphones ont une fonction GPS, ce qui n’est pas le cas de la principale tablette du marché (l’iPad) et des livres électroniques.

L’éditeur va donc être confronté à un problème qu’il ne connaissait pas avec le papier : choisir sur quel support électronique il va diffuser son guide (les trois ? deux ? un seul ?), puis, en fonction de ce premier choix, faire des choix techniques (application ou document, format, contenu, etc.) et enfin des choix de distribution : une application pour un smartphone ne se distribue pas comme un document PDF ou ePub. Un frein supplémentaire, sans doute momentanée, mais bien compréhensible pour ralentir le passage au numérique…

Un article à lire (d’Electron Libre) en complément sur le sujet avec quelques indications de coûts de développement.

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