De la détresse encore.

Publié le 14 juin 2010 par Francisbf

J'ai un instant pensé faire un article insistant une fois encore sur la douleur et les sacrifices qu'entraîne la carrière imposée (parce que non, patron, on peut pas dire que j'ai vraiment eu le choix) de Disciple. Disciple, vous savez bien, celui de Léonard, celui qui « Sert la Science et c'est sa joie ». Celui qui en prend tout le temps plein la gueule.

J'ai pensé vous dire le déchirement de devoir quitter son disque dur et ses séries pour partir en réunion de trois jours, sous un soleil de plomb, en attendant des pluies tout aussi lourdes. Le stress provoqué par l'ordre de présenter un power point fait par un stagiaire, pour exposer son travail, quand on comprend à peine de quoi il s'agit, devant un parterre d'éminents et entes scientifiques quand on est soit même qu'un tâcheron bon à faire des pages web avec une légende qui bouge pas en bas à gauche de l'écran. L'angoisse de devoir revoir des anciens maîtres de stage qui vous en veulent encore d'avoir dû, par votre faute, écumer Google Scholar et les divers sites scientifiques, sans compter déranger une bibliothécaire acariâtre (elles le sont toutes), avant de découvrir qu'une des références de votre rapport de fin d'études était une BD (dont vous n'avez aucun souvenir). La réalisation que vous êtes un sacré barbeur à parler de séries télé à un malheureux économiste breton pendant tout un repas.

J'ai pensé vous narrer les pénibilités de la route, le harcèlement constant des vendeurs de machins auxquels vous vous sentez obligé d'acheter une bricole pour trois ronds, alors que vous vous enorgueillissiez de votre résistance à la pression des baratineurs, les aisselles moites, le port obligatoire de la honteuse casquette Heineken (1) (parce qu'il fait trop chaud et que vous n'avez que ça pour éviter l'insolation), la recherche infructueuse de distributeurs de billets qui en aient encore, sur douze banques et trois ville, l'obligation de retenir ses pets dans un minibus bondé des éminences précitées.

J'ai pensé vous dire tout ça, puis je me suis dit : « Pfff, mais je me fous de la gueule de qui, là ? (2). » Parce que la vérité, c'est ça : je suis parti pour trois jours dans un hôtel où j'ai ma case climatisée perso, avec douche et chiottes, plus grande que ma piaule d'étudiant, je suis cerné par ce que mon sexisme me force à décrire comme une tripotée de belles gonzesses, même si je peux tenter de faire croire que ce ne sont que d'éminentes scientifiques, j'ai trouvé quelqu'un à qui tenir la jambe sur des séries télé pendant le repas, qui est trop poli pour me faire remarquer que je suis un sacré barbeur, il y a des singes et des piafs et des crabes violonistes tout autour de l'hôtel, sans compter les chauves-souris grosses comme ça qui se suspendent aux poutres de la salle à manger, je peux me moquer de mon ancien maître de stage qui paye son taxi vachement trop cher, je peux me faire mousser en racontant aux néo-dépucelés de l'Afrique Noire que mais nan, j'ai trop pas peur du palu, que la malarone c'est bon pour les touristes qui passent que trois jours ici en sous-entendant que je suis trop un aventurier ouf dans sa tête par rapport à eux, je peux plonger dans une piscine trop chaude, j'ai des balades en pirogue qui m'attendent, y'a pas de moustique dans ma case, dire du mal de certains de mes anciens profs (mais pas d'autres) avec des gens sympas (« Lui, il brasse de l'air ? Ha oui, en effet, c'est le moins qu'on puisse dire »), écouter des économistes accoudés au bar dire des présentations pleines de statistiques des halieutes « t'as compris quelque chose, toi ? Ptain j'ai rien suivi », puis passer à un groupe d'halieutes en train de pester « raah, les présentations de ce matin des économistes, j'ai compris deux mots : « Etat » et « géographie », retrouver des gens sympas de votre ancienne école...

Tout ça en échange de quoi ?

Ben, à part la présentation du travail de quelqu'un d'autre, pas grand-chose. Assister à des présentations d'autres personnes. Bon, ça peut toujours être intéressant, au moins, j'en sortirai pas plus con.

Ouais, en fait, c'est plutôt pas trop dur.

(1) Offerte par mon patron, qui l'a gagnée à une soirée sponsorisée par Heineken. Un lot en fonction du nombre de bières achetées. Il a eu deux casquettes, un bob, trois t-shirts, une housse de couette, un assortiment de linge de maison, une tireuse de bar et un dirigeable.

(2) Oui, lecteur, c'est bien de toi qu'il s'agit. Pardon.

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