Godfather Don : Donnie Brasco

Publié le 16 juin 2010 par Crazyhorus

Dans le milieu du Hip Hop, les années 1990 ont toujours été une référence incontestable, période durant laquelle le rap a pu muter sous sa forme la plus aboutie tout en se livrant corps et âme à la culture de masse pour le meilleur et pour le pire…

Ces années fastes auront donc charrié une quantité hallucinante de groupes et de MCs dont la durée de vie ne dépassera pas pour certains le temps d’un 12’’ quelque flamboyant soit-il. Parmi cette vague de personnages laissés à l’abandon, Godfather Don est ce qu’on peut appeler un illustre oublié. Actif depuis 1991, date de son premier album (Hazardous), ce MC/Beatmaker natif de New York s’est longtemps accoquiné avec les Ultramagnetic MCs mais surtout avec sa tête pensante Keith Murray avec qui il fondera le duo The Cenubites en 1995. Injustement oublié après avoir réalisé son deuxième opus Diabolique (1998), le nom de Godfather Don s’égarera dans les limbes de l’inconscient collectif, ressuscitant à l’occasion sur quelques projets inédits issus de son cru tel que l’excellent The Nineties Sessions paru en 2007. Si l’underground vivait par définition déjà sous terre, ce fin beatmaker semblait être définitivement enterré…

Tel Frankenstein, Godfather Don recouvre aujourd’hui la vie et avec lui sa vibe si épurée qu’il délivrait à la fin des 90’s sur un unreleased comprenant des productions inédites réalisées entre 1999 et 2001. Pur fruit de l’époque du rap mafioso made in NYC, Donnie Brasco affiche bien haut ses références avec ce titre directement inspiré du film de Mike Newell qui mettait en scène deux acteurs de renom, Al Pacino et Johnny Dep évoluant dans le milieu de la pègre.

Comme à l’accoutumée, la musique du Don se fait à la fois grimey et robuste, subtile et puissante comme en témoignent « Why ? » et « Hard Holding My Spot », deux titres consistants calibrés au drum près et qui confèrent au MC toute sa dimension. Volontairement sulfureux et corrosif, Donnie Brasco ne ménage pas les conventions musicales trop sages et préfère se répandre au contraire en vers incisifs à la beauté fauve (« Win »). D’une justesse implacable, Godfather Don est toujours resté égal à lui-même, strictement underground. Un MC de terrain comme ont pu l’être Prodigy, KRS-One ou Nas, un artiste familiarisé au contact du macadam vieillissant du hood. Rarement un rappeur pourra s’enorgueillir autant que le Don du fait d’être resté fidèle à cet adage « le rap vient de la rue et y restera » qui aujourd’hui ressemble plus à une promesse non tenue qu’à un principe immuable. Hardcore jusqu’au bout, Godfather Don rejoint le style dur qui qualifiait ses vieux amis de Screwball dont on retrouve ici l’esprit (celui de Blaq Poet en particulier) sur des morceaux au rythme sec comme « Raw Pt.2 », « Give Me Mine » ou « Major Figures ».

Espérons que cette fois-ci nombreux seront ceux qui ne louperont pas le coche. Se priver des réminiscences 90’s d’une telle qualité serait quelque peu navrant au vu des perles qui figurent ici (« Look Into My Eyes »). A croire que l’underground n’a pas encore tari la source qui coulait à flot à l’époque. Godfather Don aurait mérité plus de considération mais il n’est jamais trop tard.

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