Eyes of what ?

Par Borokoff

A propos de Eyes of war de Danis Tanovic 2 out of 5 stars

En 1988, au Kurdistan, Mark et David, deux photographes de guerre, se disputent sur les limites des risques à prendre pour suivre des combattants kurdes en lutte contre le régime de Hussein. Mark (Colin Farrell) décide de couvrir tous les combats et de les suivre coûte que coûte tandis que David, dont la femme doit bientôt accoucher, préfère rentrer « sagement » en Angleterre. Un jour, Mark tombe dans une embuscade et est gravement blessé. Miraculé, il parvient à rentrer chez lui mais constate que David n’est toujours pas là… Quelque chose a changé en David. Il n’est plus le même et semble préoccupé. Que s’est-il passé au Kurdistan ? Et pourquoi Mark semble-t-il si marqué et retourné ?…

C’est un drôle de film que ce Eyes of war. Il faut du temps avant de comprendre de quoi il parle réellement. Quels sont ces enjeux ? Le premier aspect déroutant du film tient dans la présence de Colin Farrell au générique. A vrai dire, l’acteur irlandais a tellement alterné le bon et le mauvais dans ses rôles que l’on ne savait pas cette fois sur quel pied danser. Cabotin quand il n’en a pas trop fait (Miami vice, Le nouveau monde), Colin Farrell a ce double visage de l’acteur qui peut autant surjouer qu’à l’inverse surprendre dans le choix exigent de ses rôles et jouer beaucoup plus subtilement et en retenue (Bons baisers de Bruges, Crazy heart).

Qu’en est-il cette fois ? Colin Farrell est entre deux eaux et plutôt bon cette fois. Le problème vient plutôt du sujet du film qui échappe longtemps au spectateur. Car si Eyes of war n’est pas une fiction documentaire sur les atrocités de la guerre, ce n’est pas non plus (comme on le croit pendant une heure) la psychanalyse d’un photographe de guerre traumatisé où incapable de vivre avec ce sentiment de culpabilité qui l’accompagne depuis son premier reportage de guerre et qui n’a fait que s’accroître.

Mais alors, de quoi parle Eyes of war ? Et pourquoi cette digression soudaine avec l’apparition du père de la petite amie de Mark (Christopher Lee), grand psychanalyste controversé pour avoir soigné et « purifié » des criminels de guerre du temps de Franco ?

Eyes of war donne longtemps le sentiment de naviguer à vue et de ne pas savoir où il veut en venir. Surtout, il se complique inutilement la tâche avec un tas d’histoires périphériques qui l’éloignent de son sujet principal : l’amitié fraternelle entre deux photographes de guerre. Voilà de quoi parle Eyes of war. Mais pourquoi autant de lieux communs sur l’abomination de la guerre ? N’était-ce pas plus simple d’aller au fait directement et de dire que Eyes of war n’est pas autre chose que l’histoire de deux hommes unis jusqu’à la mort dans leur amitié ?

Fallait-il attendre une heure pour que le film, par un habile flash back en forme de coup de théâtre, devienne soudain aussi captivant et tendu ? Le reste des discussions entre les protagonistes (long discours du psychanalyste à sa fille sur la grande force des dictateurs) passe pour un bavardage redondant et éculé sur la boucherie de la guerre. Dommage que le film se soit autant éparpillé dans tous les sens, cherchant ce qu’il pourrait bien dire de nouveau sur le sujet. Car au final, il ne parle pas de  guerre mais d’amitié et d’un sentiment de culpabilité voire de trahison. Et c’est bien là tout son problème…

www.youtube.com/watch?v=g-4S891nDcw