Le Lièvre de Patagonie II

Par Hiram33

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Chapitre X

En Patagonie, Claude aperçut un lièvre dans le balayement de ses phares et la Patagonie tout entière lui transperçait soudain le coeur de la certitude de leur commune présence. En 1946, Claude partit en Italie avec Cau et d’autres amis. On leur vola leur argent et ils trouvèrent refuge chez un ami de Toni Gaggio, le mari de la tante de Claude. Ils étaient à Venise et furent recueilli par un fasciste qui avait connu Mussolini. Le fasciste donna à Claude l’équivalent de la somme qu’on leur avait volée. Mais les amis de Claude furent à nouveau volés, seul Claude fut assez vigilant. Ils durent supplier le consul de France à Naples d’organiser leur rapatriement. Al a rentrée, Claude était en Sorbonne et prépara une licence. Il suivit les cours de Bachelard et Canguilhem. Michel Tournier l’entraîna en Allemagne dans la zone d’occupation française. Claude avait une bourse. Il travaillait sur Leibniz. Là, il apprit à monter à cheval sous les ordres d’un ancien instructeur de la wermacht. Il entreprit une jeune femme, secrétaire française des RG qui le poussa car elle ne voulait pas faire l’amour avec un Juif. Le Juif la poussa dehors et le lendemain il reçut la visite menaçante du patron de la secrétaire, commissaire des RG. On lui ordonna de faire attention s’il ne voulait pas être expulsé. Il visita le camp de concentration de Stuttgart-Vaihingen accompagné par Wendi von Neurath, , nièce de Konstantin von Neurath, ministre des Affaires étrangères sous Hitler. Pour expier la faute de son oncle, elle s’était engagée dans une organisation créée à cette fin, l’Aktion Sühnezeichen. Elle était partie en Israël et s’était mise au service des Jifs rescapés. Lanzmann revit Wendi en 1986 après la sortie de Shoah. Elle était l’épouse de l’ambassadeur d’Allemagne aux Etats-Unis. A Tübingen, en Allemagne, Lanzmann postula pour devenir lecteur à l’université libre de Berlin. Il fut accepté. Il fut donc lecteur de philosophie et de littérature. On lui assigna une grande villa cossue à Frohnau. Il y vécut avec un journaliste français Benno Sternberg qui avait connu Trotsky. La Freï universitat était un repaire de nazis. Lanzmann était épié par une Fräulein Doktor Margass, espionne du recteur. Un jour, une délégation d’étudiants et d’étudiantes voulut le voir. Ils le savaient juif. Ils lui demandèrent s’il accepterait de conduire pour eux et avec eux un séminaire sur l’antisémitisme. Il accepta. Il parla des « Réflexions sur la question juive » et de ce qu’il avait vécu. Pour ses déplacements, Lanzmann avait une coccinelle avec un chauffeur arborant sans complexe une moustache hitlérienne. Il rapportait tout ce que Lanzmann faisait pour le gouvernement militaire français et pour l’administration de l’université. Lanzmann réussit à s’en débarrasser. Un matin, le général Ganeval convoqua Lanzmann et lui reprocha de faire de la politique à cause de son séminaire sur l’antisémitisme. Il lui ordonna d’arrêter mais Lanzmann ne céda pas. On lui fit comprendre qu’il allait perdre son poste alors, la mort dans l’âme, il arrêta le séminaire. L’arrêt du séminaire avait poussé les étudiants à enquêter de leur côté sur l’existence d’une bureaucratie nazie à l’intérieur de l’université. Lanzmann écrivit un article expliquant ce qu’était réellement l’université libre de Berlin. Les Français et les Etats-Uniens refusèrent l’article mais le principal journal de Berlin-Est, le Berliner Zeitung accepta immédiatement. Après cela, Lanzmann resta plusieurs années sur une sorte de liste noire du quai d’Orsay. De retour en France, Lanzmann donna des cours de philo à Suzanne Blum, une avocate célèbre. Elle le recommanda à Lazareff qui l’engagea comme « nègre ». Lanzmann proposa d’écrire un article sur la RDA. Sur place, personne ne l’aida, il dût dormir dans les squares. Il rédigea une dizaine d’articles qu’il proposa à France Soir qui les refusa après beaucoup d’hésitation. Les articles furent jugés trop favorables au bloc de l’Est. Le Monde accepta ses articles sous le titre général « L’Allemagne derrière le rideau de fer ». Sartre avait lu les articles et avait été intéressé. Lanzmann rencontra Sartre qui l’accueillit aux réunions des « Temps modernes ». Claude y rencontra Simone de Beaucoir. Le 1er article de Lanzmann dans Les Temps modernes était intitulé « La presse de la liberté ». C’était une réflexion sur la nature de la presse. Il était signé David Gruber. Claude Lanzmann était « re-writer » à France-Soir et souhaitait le rester. Son 2è article s’appelait « Il fallait que ça saigne », il tépoignait des violences policières dont il avait été victime suite à une manifestation contre la guerre de Corée. En juillet 1952, l’histoire d’amour entre Beauvoir et Lanzmann commença. Après avoir fait l’amour, Beauvoir dit à Claude qu’elle avait eu 5 hommes dans sa vie alors qu’il ne demandait rien. Elle avoua qu’elle n’avait plus de relation amoureuse avec Sartre. Claude comprit qu’il serait le 6è homme.

Chapitre XI

Lanzmann partit pour Israël par Marseille. Il vécut l’embarquement des Juifs sur le SS Kedmah comme le départ d’une déportation. Il voyagea en 1è classe avec un rabbin. C’était le 1er qu’il rencontrait. Il imaginait Israël comme un désert, une terre vierge à conquérir. Il ne pouvait envisager Israël comme une société constituée, avec des classes, des dominants et des dominés. Sur le bateau, il rencontra Dahlia une juive allemande qui avait fait partie de ce célèbre groupe d’enfants de l’Aliyat Hanoar, que l’Agence juive avait réussi à faire sortir d’Allemagne en 1938. Ils avaient fondé le kibboutz Beit Ha’Arava au bord de la mer Morte. Lanzmann rencontra aussi Julius Ebenstein qui avait deux enfants à Tel Aviv. Il invita Lanzmann à Tel Aviv. Dahlia voulait le guider à Haïfa. Lanzmann prit un taxi qui roula 350 mètres jusqu’au café Eden où Claude voulait se rendre. Le chauffeur lui demanda une grosse somme. Il raconta sa mésaventure à des Israéliens qui rirent et se moquèrent de lui. Dans le café un homme cria « Mort au Juifs » et pourtant il était Juif lui-même, Lanzmann était stupéfait. L’homme préférait être traité de « sale juif » à Casablanca que de « sale schwarze » en Israël. Les Schwarze étaient les « Noirs », Juifs sépharades. Du Nord au Sud et de l’Est à l’Ouest, le pays était constellé de Maa Baroth, immenses camps de tentes, dans lesquels les immigrants pauvres attendaient ce qu’on appelait leur « intégration ». Lanzmann en visita plusieurs avec un bureaucrate, futur ambassadeur d’Israël à l’ONU. Pour le bureaucrate, les Juifs marocains étaient la lie du peuple élu. Lanzmann retrouva Dahlia dans son kibboutz de la frontière libanaise. Le pays traversait une période terrible, l’austérité. Il n’y avait pratiquement rien à manger en Israël. Lanzmann y a plus souffert des maux de l’inanition que sou sl’Occupation allemande en France. Il fit l’amour avec Dahlia et ils se baignèrent à l’aube.

En 1977, Lanzmann travaillait depuis 4 ans sur Shoah. c’était une période sombre de son existence. Il n’avait plus d’argent. Les Israéliens qui lui avaient proposé de réaliser un film sur la Shoah et avaient financé les premières recherches venaient de lui annoncer qu’ils ne soutiendraient pas plus avant un travail dont ils ne voyaient pas la fin. Il vivait avec sa deuxième femme Angelika. Il tomba dans l’escalier et se fractura le pied. Il dut attendre sa guérison pendant douze semaines. C’étaient les travaillistes qui avaient renoncé à soutenir son film alors il écrivit à Begin qui venait de gagner les élections. Begin accepta de l’aider à condition que le film soit terminé dans les 18 mois et que sa durée n’excède pas deux heures. Lanzmann promit. La somme qu’il reçut lui permit de poursuivre les recherches mais pas d’entreprendre le tournage. Il était au plus mal. Avec Angelika, il alla à la plage et se baigna et s’éloigna dangereusement de la plage. Il allait se noyer. Un homme alerté par Angelika essaya de le sauver mais se fatigua pour rien. Lanzmann fit la planche en attendant la mort. C’est un étudiant en droit à Tel-Aviv qui le sauva, Yossi Ben Shettrit. Il était sauveteur professionnel diplômé et Angelika l’avait rencontré par miracle sur la plage. Lanzmann invita ses deux sauveurs à dîner le lendemain et leur manifesta une gratitude qu’il n’éprouvait pas vraiment car vivre ne le faisait pas bondir de joie. Il pensait avoir flirté avec la mort tant les engagements pris envers Israël lui semblaient impossibles à tenir. Malgré tout Lanzmann fut maître du temps et cela le rendit fier. Il ne trahit personne, Shoah existe comme il le devait. Lanzmann se rendit pour une nuit chez Julius Ebenstein à Tel Aviv et y resta trois mois. Julius et sa femme avaient fuit le nazisme et avaient d’abord travaillé au kibboutz. Ils regrettaient Vienne d’où ils venaient. Julius était compositeur. Il voulait créer un Mozarteum et espérait que Lanzmann l’aiderait puisqu’il connaissait Sartre. C’est chez Julius que Claude reçut les premières lettres de Beauvoir. La nostalgie fut la plus forte et Julius repartit en Autriche. Lanzmann rencontra Ben Gourion qui voulut que Lanzmann s’installe en Israël. Mais Lanzmann se sentait à la fois dehors et dedans en Israël et redoutait le retour du shabbat quand tout s’arrête et tout est fermé. Il évoque les fêtes religieuses et le judaïsme extrême. Il y a dans « Pourquoi Israël  ? » deux leitmotiv métaphysiques qui criculent tout au long du film, celui de la normalité et de l’anormalité, et l’autre, qui tourne, sans fin ni réponse peut-être, autour de la question : qui est Juif ? Les Hassidim se demandent à quoi bon un Etat juif, si ceux qui le peuplent sont des ignorants, des mécréants. Lanzmann n’aurait jamais réalisé « Pourquoi Israël ? » ou « Tsahal » s’il avait choisi de vivre en Israêl, s’il avait appris l’hébreu, si l’intégration avait été son but. De même, il n’aurait jamais pu consacrer douze années de sa vie à accomplir une oeuvre comme Shoah s’il avait été lui-même déporté.

Chapitre XII

Lanzmann quitta Israël sans avoir écrit d’article car il aurait trouvé obscène d’exposer les questions qu’il s’était posé. Il retrouva Beauvoir. Leur entente fut immédiatement intellectuelle autant que charnelle. Simone écrivait « Les Mandarins ». Une soirée sur deux était pour Sartre et l’autre pour Lanzmann. Ils avaient toutes les nuits. Sartre savait de Lanzmann tout ce que Beauvoir savait elle-même. Elle lui avait lu toutes les lettres de Claude. Sartre rayonnait du bonheur du Castor. Lanzmann leur parla d’Israël. Il dit à Sartre que « Réflexions sur la question juive » était à reprendre, que les Juifs n’avaient pas attendu les antisémites pour exister. Sartre lui conseilla de faire un livre. Lanzmann écrivit une centaine de pages, hélas perdues. Il arrêta pour remettre à plus tard. Le livre est devenu le film « Pourquoi Israël ? ». Il retourna à Israël et rencontra sa deuxième femme Angelika Schrobsdorff. C’était 17 ans après sa vie commune avec Beauvoir. Lanzmann vécut sept ans avec Beauvoir de 1952 à 1959. Il fut le seul homme avec qui Beauvoir mena une existence quasi maritale. Au printemps 1953, Lanzmann, Beauvoir et Sartre partirent pour Saint Tropez. C’était pour Claude un apprentissage du regard et du monde. Il apprenait à voir par leurs yeux et ils le formèrent. Ils l’aidèrent à penser. Lanzmann raconte que si Lazareff et ses collaborateurs étaient juifs, la rédaction en chef de France Dimanche était antisémite. Elle engageait au journal d’anciens miliciens. La France était encore infectée jusqu’à la moelle. Sartre et le Castor prenaient les vacances scolaires comme les professeurs qu’ils avaient été. Lanzmann fit du ski avec Beauvoir. Ils voyagèrent beaucoup en Croatie, en Italie, en Slovénie, en Suisse. Ils effectuèrent de longues marches. Lanzmann conduisait une Simca Aronde et il lui arriva d’écraser des lièvres. Pourtant il es aimait au point de vouloir se réincarner en lièvre s’il y avait une vérité dans la métempsychose. Dans Shoah, un lièvre au pelage couleur de terre est arrêté par un rang de barbelés du camp d’extermination de Birkenau; une voix off parle sur cette première image, celle de Rudolf Vrba, héros qui réussit à s’évader de ce lieu maudit. Mais le lièvre est intelligent et, tandis que Vrba parle, on le voit affaisser son échine, ployer ses hautes pattes et se glisser sous les barbelés. Lui aussi s’évade. A Auschwitz, on ne tue plus, même les animaux, toute chasse est interdite. Lanzmann avoue sa passion pour l’alpinisme. Il a interrogé Heinrich Harrer, l’éducateur du dalaï-lama et l’auteur de « 7 ans au Tibet ». Lanzmann publia un article sur le dalaï-lama dans « Elle » en 1959. Lui et le Castor visitèrent également l’Espagne sous le franquisme. Beauvoir nourrissait une passion pour la tauromachie et les corridas. Lanzmann accompagna donc le Castor dans ce specatcle controversé.

Pendant les douze années très difficiles qu’a duré la réalisation de Shoah, Lanzmann venait vers Beauvoir pour lui parler de ses doutes et de ses certitudes et il en sortait fortifié. Elle vint à l’Elysée en 1982 quand Mitterrand voulut voir les trois premières heures du film. A la sortie de Shoah, Beauvoir écrivit en première page du journal Le Monde, un article décisif pour la carrière de cette oeuvre, texte qui sert de préface au livre Shoah.

Le Castor assista à la première de Shoah au théâtre de l’Empire au côté de Mitterrand. Lanzmann écrivait des reportages dans France Dimanche dans les années 50. Au cours de l’un d’eux, il eut un accident de voiture à cause de la bêtise d’un photographe qui l’accompagnait mais il s’en sortit. Sartre et Beauvoir restèrent à son chevet à l’hôpital où on le soignait de ses contusions.

Chapitre XIII

1958. Lanzmann voyagea en Corée du Nord et en Chine. Il couvrit également le procès du curé d’Uruffe qui tua une jeune fille grosse de lui et l’enfant qu’elle portait. Le curé échappa à la peine de mort. Son article parut dans Les Temps modernes sous le titre « Le curé d’Uruffe et la raison d’Eglise ». Françoise Giroud et Jean-Jacques Servan-Schreiber le lurent et voulurent embaucher Lanzmann à l’Express. Mais il refusa car il ne voulait pas devenir journaliste professionnel. Lanzmann a travaillé à ses articles ou à ses films de la même façon : enquêter à fond, se mettre entre parenthèses, s’oublier entièrement, entrer dans les raisons et déraisons, dans les mensonges et les silences de ceux qu’il veut peindre ou qu’il interroge, jusqu’à atteindre un état d’hypervigilance hallucinée et précise. Lanzmann partit pour la Corée du Nord avec Chris Marker et des journalistes de droite et de gauche. Leur venue était un événement voulu et regardé comme tel. Entre Lanzmann et Marker c’était la haine cordiale. Ils n’échangeaient pas un mot. Ils visitèrent des usines, entendirent des exposés et des discours d’accueil, échangèrent des cadeaux. La Corée du Nord prétendait à l’autarcie complète. Lanzmann parla de dissidents escamotés et Kim Il Sung et ses ministres se fermèrent. Lanzmann et les journalistes allèrent au théâtre national, à l’opéra avec les artistes d’Etat et les athlètes acrobates. Ils parlèrent de la guerre de Corée avec des soldats. Lanzmann se fit injecter dans les fesses de la vitamine B12. Les officiels (du KGB coréen) étaient dans la chambre de Lanzmann, ils étaient six et malgré les plaintes de Claude ils reculèrent à peine quand il baissa son pantalon devant l’infirmière pour la piqure mais de jour en jour le nombre d’officiels déclina et le dernier jour l’infirmière se présenta seule à Claude. Il remit de l’argent à l’infirmière mais offusquée elle refusa. Il lui proposa alors des chemises, elle refusa encore. D’un seul coup ils s’embrassèrent. Il lui donna rendez-vous sur un pont dans l’espoir de lui faire l’amour. Elle s’y rendit, ils prirent une embarcation et essayèrent de communiquer. Elle avait été victime du napalm pendant la guerre. Lanzmann essaya d’échapper aux Coréens qui étaient partout pour conquérir la belle mais après l’avoir reconduite dans son hôtel les officiels étaient revenus et commencèrent à instruire un procès à l’infirmière. Lanzmann s’offusqua, prétendit qu’ils n’avaient fait qu’une balade en barque et menaça de critiquer la politique du pays. Mais ils ne la laissèrent pas tranquille. Le lendemain, il la retrouva à l’hôpital où elle travaillait. Ils s’embrassèrent. L’aventure s’arrêta là. Kim, c’était son nom, lui envoya une carte postale qu’il reçut à Paris.

Chapitre XIV

Après la Corée du Nord, la première ville chinoise visitée par Lanzmann lui apparut comme le paradigme de la liberté et de la gaieté. Il avait lu beaucoup de livres sur la Chine avant de s’y rendre. Chris Marker avait emporté un de ses films « Dimanche à Pékin » pour le montrer aux officiels chinois. Il voulait faire un long métrage à partir de la très populaire légende du Roi des Singes. Il n’y réussit pas. En visitant Pékin, Marker et Lanzmann découvrirent un camp de rééducation de prostituées.. Lanzmann les trouvait belles malgré ces impossibles circonstances. Le Castor comme Sartre s’étaient enchantés de la souplesse intellectuelle des communistes chinois qui n’avaient pas interdit la prostitution. Les prostituées étaient si nombreuses que leur mise au chômage aurait posé un problème social bien pire que celui, moral, de l’acceptation du commerce des corps. Mais les temps avaient changé et la « rectification » dans ce domaine était impitoyable. Lanzmann espérait rencontrer Mao mais ce fut Chenyi, ministre des affaires étrangères qu’il interviewa. L’entretien dura cinq heures. Lanzmann envoya un article au Monde qui le refusa alors il l’envoya à l’Express qui le publia. De retour en France, il écrivit plusieurs articles théoriques sur la chine qui lui valurent des appels de toute l’Europe. Il n’écrivit rien sur la Corée du Nord car il avait peur pour la belle Kim qu’il n’oublia jamais. Lanzmann retourna en Chine en 2004 pour présenter Shoah à Pékin, Nankin et Shanghaï. Lanzmann pensait à Kim mais ne voulait pas la voir vieille. Il pense faire un film de fiction sur elle. Il retourna à Pyongyang. Il assista à un spectacle, mangea mal, et fut tout le temps entouré d’officiels qui ne le laissaient pas libres. Il retourna sur le pont où il avait donné rendez-vous à Kim mais tout avait changé. L’hôtel où il avait logé à l’époque avait brûlé. Il n’y a pas de moyens de transport en Corée du Nord, les trains, comme les bus, sont rares et lents, les voitures, les motos, les vélos sont inexistants. Lanzmann retrouva l’hôpital où travaillait Kim. Il dit à son interprète qu’il voulait faire un film sur la Corée et qu’il avait connu Kim Ill Sung ce qui le sacralisa aux yeux de l’interprète. Le soir Lanzmann rencontra un vice-ministre du tourisme à qui il confia son projet de film. Mais il y avait chez Lanzmann une répugnance à passer à la fiction.

Chapitre XV

Lanzmann reprend son récit après son retour du premier voyage en Corée du Nord. Il passa des vacances avec le Castor à Capri puis ce fut la rupture. Il leur fallut près d’un an pour se séparer tant la volonté de Simone était bonne. Lanzmann avait une autre liaison avec une aristocrate mais le Castor voulait « partager » Claude avec sa rivale. Après la rupture d’avec le Castor, Lanzmann dut construire l’amitié avec elle. Il n’y eut jamais l’ombre d’un ressentiment entre eux. En 1954, Lanzmann et le Castor voyagèrent en Algérie. C’est là qu’ils apprirent que la bataille de Diên Biên Phu avait commencé. Ils sablèrent le champagne quand tout fut fini. Après le manifeste des 121, Lanzmann fut inculpé et jugé. Il rencontra Frantz Fanon. Après avoir lu « Réflexions sur la question juive », Fanon prit conscience de sa condition de Noir. Son premier livre « Peau noire, masques blancs » peut être regardé comme ses propres « Réflexions sur la question noire ». En 1953, Fanon fut nommé médecin chef d’un service de l’hôpital psychiatrique de Blida, en Algérie. Il s’engagea aux côtés du FLN dès le début de l’insurrection. Il fut expulsé d’Algérie en janvier 1957 et rejoignit le FLN à Tunis où il collabora à El Moudjahid. Lanzmann le rencontra à Tunis alors que Fanon souffrait de leucémie. Fanon venait d’écrire « Les damnés de la terre » et voulait que Sartre le préface. Fanon envoya Lanzmann voir des gens du FLN. Lanzmann voulait voir Boumedienne. Il rencontra Bouteflika alors jeune capitaine. Il vit Boumedienne sans savoir que c’était lui car il ne s’était pas présenté. Lanzmann évoque la barbarie des CRS qui, en octobre 1961, jetèrent des Algériens dans la Seine. Il a vécu cela. Mais il a aussi vu les dissensions entre les Algériens et c’est pourquoi il n’a rien voulu écrire sur la guerre d’Algérie à son retour en France. Sartre et Fanon se sont rencontrés en 1961. Sartre était tellement impressionné qu’il n’écrivit rien pendant cinq jours alors qu’il ne transigeait jamais sur son temps de travail. Sartre écrivit la préface des « Damnés de la terre ». Lors de l’indépendance de l’Algérie, Lanzmann réalisa qu’on ne pouvait vouloir en même temps l’indépendance de l’Algérie et l’existence de l’Etat d’Israël. Ben Bella avait annoncé que l’Algérie allait envoyer 100 000 hommes pour libérer la Palestine ! La veuve de Fanon fit supprimer la préface de Sartre lors de la réédition chez Maspero des « Damnés de la terre » car Sartre avait soutenu Israël avant la guerre des Six jours. Mais Maspero ne céda pas et le livre de Fanon ne fut pas réédité.