Retraites et affaire Woerth : mais où est passé Sarkozy ?

Publié le 17 juin 2010 par Juan
Eric Woerth a raté son oral des retraites. Ses annonces de mercredi n'ont pas convaincu grand monde, sauf les habituels Sarkolâtres. Et des révélations sur l'affaire Bettencourt l'impliquent directement. Nicolas Sarkozy, lui, a disparu. Il est parti parler Europe, au moment même où «sa» réforme majeure était annoncée. Quand les nouvelles sont mauvaises, le Monarque s'échappe vers un quelconque Baden-Baden de pacotille.
Injustices...
Mercredi soir, on pouvait entendre Nathalie Kosciusko-Morizet, l'aimable secrétaire d'Etat à l'économie numérique (mais à quoi sert-elle ?), répéter que la réforme des retraites proposée permettra d'atteindre l'équilibre des comptes en 2018. C'est tout simplement faux, et nombre de commentateurs se sont efforcés de le rappeler dès le lendemain. Le projet du gouvernement laisse un déficit annuel de 15 milliards d'euros ad vitam eternam. NKM répéta également le fameux «il n'y a pas de magie», la version modernisée du non moins fameux TINA («There Is No Alternative» - Il n'y a pas d'alternative), cher aux libéraux du monde entier. Dès jeudi, un premier sondage tombait. Et 52% des sondés jugeaient la réforme injuste et inefficace. rarement a-t-on vu un sondage négatif sur un sujet aussi complexe arrivé si vite.
L'attitude de Nicolas Sarkozy laisse pantois. Il a lui-même annoncé cette réforme en début d'année comme déterminante pour la seconde partie de son mandat. Il la promettait déjà en juin 2009. Il a lui-même taclé l'héritage de François Mitterrand. Puis, plus rien. Il se cache, se terre, agit en coulisses, évite les prises de positions publiques. Mercredi soir, c'est lui qui «arbitrait» les derniers points de la réforme, nous a-t-on répété au gouvernement pour entretenir un faux suspense. Mercredi matin, tandis qu'Eric Woerth livrait son funeste et maladroit projet à la presse, le Monarque et son conseiller Soubie «décryptaient» la réforme à quelques éditorialistes de la presse trié sur le volet. Un témoin rapporte qu'il jouait avec ses Ray-Ban, gravées à son nom, «à l'intérieur de la branche gauche. » Ce mercredi matin, il a confié ses ambitions et ses regrets. Pauvre Monarque, il doit faire le sale boulot... «A chaque fois, la combinaison âge/date comporte une efficacité financière et une violence sociale spécifique » rapporte Christophe Barbier de l'Express. Sarkozy, mercredi matin, voulait se faire plaindre.
«Ce qui a guidé le chef de l'Etat, c'est la recherche de la combinaison optimale entre un âge de départ en retraite repoussé et une année d'entrée en matière de cette nouvelle règle : à quelle date partira-t-on en retraite à quel âge ? Avec, bien sûr, l'objectif de l'équilibre financier
Ecoutez encore cet explication du mode de prise en compte de la pénibilité: «Aucune étude ne pouvant déterminer la pénibilité d'un métier, il a été choisi de constater, par individu, l'invalidité provoquée par les tâches accomplies.». Aucune étude ? Qu'un ouvrier souffre de 7 ans d'espérance de vie que moins qu'un cadre, une donnée statistique archi-prouvée, ne suffit pas en Sarkofrance. Coincé dans son idéologie rétrograde («on ne va pas recréer des régimes spéciaux» nous expliquait Eric Woerth voici 15 jours), la Sarkozie s'essaye à trouver une autre façon de prendre en compte la spécificité de certains métiers. Et aboutit à l'une des plus ignobles des méthodes : le handicap à 20% avéré et certifié.
D'intervention publique, il ne fut point question. Sur le site Elysee.fr, la réforme du 16 juin n'est même pas mentionnée. Sarkozy se «présidentialise». Il ne va pas s'abaisser à justifier ses mesures. En fait, il a la trouille, les pétoches, la peur au ventre. Son projet même est illustratif. Trop injuste pour laisser indifférent, trop insuffisant pour résoudre les déficits. Sarkozy, jeudi, était aux abonnés absents. Il s'est rapidement échappé pour un Conseil Européen. Il a pu parler de l'Espagne, s'afficher en «sage». Il a laissé Eric Woerth gérer son ultimatum de 48 heures qu'il a donné aux organisations syndicales pour réagir au projet. Les syndicats ont boudé cette concertation express, 48 heures pour décider des 20 prochaines années du régime des retraites....
On attendait davantage de courage de la part d'un Monarque si bravache, qu'il assume sa réforme, la défende.
... et combines
Un secrétaire d'Etat (par ailleurs invisible) se fait payer 12 000 euros de cigares. Un autre gouvernant se ménage un permis de construire en béton à Saint Tropez. L'une de ses collègues loge dans une chambre plus chère que celle de l'Equipe de France de Football qu'elle dénonçait voici 15 jours. Décidemment, la Sarkofrance a du mal avec l'exigence éthique. Sarkozy, là aussi, se cache. De République irréprochable, il n'en est plus question. Les «sans-gênes» sont au pouvoir.
Les affaires de Sarkofrance n'ont plus de mal à percer l'actualité. L'édredon sarkozyen fonctionne cependant à merveille. Ainsi le Karachigate ne parvient-il à s'imposer que péniblement, quelques heures, parfois deux jours. La presse est-elle usée, ou menacée ? Il faut insister, relancer sans cesse.
Mediapart a sorti un nouveau scoop. Une espèce de Woerthgate, qui implique le ministre du travail et son épouse, et ... l'Elysée dans une affaire de fraude fiscale autour de l'héritage de Liliane Bettencourt, milliardaire et actionnaire principale de L'Oréal. La fille de cette dernière avait transmis des enregistrements pirates de conversations téléphoniques entre sa mère et des conseillers à la brigade financière. Médiapart en a écouté certains. Qu'apprend-on ? Patrick Ouart, l'ancien conseiller sur la justice de Nicolas Sarkozy, est intervenu dans l'affaire. Il livre ainsi des informations clés sur le traitement judiciaire de l'affaire. «Il m'a dit que le procureur Courroye allait annoncer le 3 septembre, normalement, que la demande de votre fille était irrecevable. Donc classer l'affaire. Mais il ne faut le dire à personne, cette fois-ci.»  explique ainsi le gestionnaire de la fortune de Mme Bettencourt à sa cliente le 21 juillet 2009. Et effectivement, quelques semaines plus tard, le 3 septembre, le juge prononce l'irrecevabilité de la plainte. Plus tard, alors qu'il a quitté l'Elysée, Ouart assure au gestionnaire que « le président continue de suivre ça de très près...»
Un autre jour, le même gestionnaire explique à sa cliente qu'il regrette d'avoir embaucher Florence Woerth, sur insistance de son mari, Eric Woerth, alors ministre des Finances et trésorier de l'UMP; «Et donc si vous voulez, aujourd'hui, sans faire de bruit, je pense qu'il faut que j'aille voir son mari et que je lui dise que avec le procès et avec Nestlé, il faut qu'on soit trop manœuvrants et on peut plus avoir sa femme. Et puis on lui, on lui, on lui donnera de l'argent et puis voilà. Parce que c'est trop dangereux.»  Il est surprenant d'apprendre ainsi qu'Eric Woerth, ministre des finances qui a mis en oeuvre l'abaissement du bouclier fiscal sous Sarkozy, aurait fait embaucher sa femme auprès la première fortune de France.
Mediapart rapporte aussi un autre enregistrement, où l'on apprend que Liliane Bettencourt aurait fait une donation pour la campagne de Valérie Pécresse aux élections régionales, ainsi qu'à Eric Woerth et ... Nicolas Sarkozy.
Patrice de Maistre : «Valérie Pécresse, c'est la ministre de la recherche. Elle fait la campagne pour être présidente de Paris. Elle va perdre mais il faut que vous la souteniez et c'est des sommes très mineures, des petites sommes. Elle va perdre mais il faut que l'on montre votre soutien. Le deuxième, c'est le ministre du budget. Il faut aussi l'aider. Et le troisième, c'est Nicolas Sarkozy.»
La suite du dialogue est pour le moins savoureuse :
— Liliane Bettencourt : «Bon alors, il faut donner pour Précresse...»
— Patrice de Maistre : «Mais ce n'est pas cher.»
— LB : «C'est elle qui a demandé cette somme là ?»
— PdM : «Non, c'est le maximum légal. C'est 7.500, ce n'est pas très cher. Vous savez, en ce moment, il faut que l'on ait des amis. Ça, c'est Valérie Pécresse. Ça, c'est Eric Woerth, le ministre du budget. Je pense que c'est bien, c'est pas cher et ils apprécient.»
— LB: «Et Nicolas Sarkozy ?»
— PdM: «C'est fait, c'est dedans.»

C'est fait. C'est dedans.
Où est Nicolas Sarkozy ? A Bruxelles. Il s'est même fait sèchement taclé par l'inaudible président de l'Union, Herman Von Rompuy. Ce dernier a refusé son projet de gouvernement économique de la zone euro.
Ami sarkozyste, où es-tu ?

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