Tea-bag

Par Lorraine De Chezlo
d'Henning Mankell
Roman - 330 pagesEditions du Seuil - mars 2007
Le célèbre poète Jesper Humlin, suédois, tente d'échapper à la tyrannie de sa mère et de sa petite amie, et surveille son bronzage artificiel de très près. Quand son éditeur se met à le harceler en l'obligeant à renouveler son style et à écrire un polar quasiment préconçu, il n'a qu'une envie : fuir son quotidien. Son chemin va croiser celui de Tea-Bag, une immigrée clandestine nigériane qui assiste à une de ses conférences. Cette rencontre le mènera à connaître Tania, qui traversa la Baltique à la rame, puis Leïla, iranienne. Chacune est venue en Suède lourde de sa propre histoire dramatique. L'idée commence à germer chez Jesper Humlin d'organiser un atelier littéraire afin qu'elles racontent leurs expériences pour qu'il puisse s'en inspirer...
C'est le premier roman d'Henning Mankell que je lis, cet auteur qui a pour habitude de dire qu'il a un pied dans la neige et un autre dans le sable parce qu'il vit sept mois par an en Afrique, au Mozambique, loin des glaces scandinaves. Il a d'abord fallu lutter contre l'ennui, les cent premières pages me semblant longuissimes et peu passionnantes. Puis, le roman prend forme et les bribes des récits des jeunes femmes viennent s'immiscer dans l'histoire. A ce moment-là, l'émotion s'installe et la progression devient captivante.
" "Je ne sais pas pourquoi j'ai survécu, moi précisément, quand le bateau a coulé et que les gens enfermés dans le noir essayaient de sortir de la cale avec leurs ongles. Mais je sais que le pont que nous avons tous cru voir, sur cette plage tout au nord de l'Afrique, ce continent que nous fuyions et que nous regrettions déjà - ce pont sera construit un jour. Un jour, la montagne des corps entassés au fond de la mer s'élèvera si haut que le sommet émergera hors des vagues comme une nouvelle terre, et ce pont de crânes et de tibias fera le lien entre les continents, un lien qu'aucun garde-côte, aucun chien, aucun marin ivre mort, aucun passeur ne pourra détruire. Alors seulement cette folie cruelle cessera, cette folie où des gens innombrables qui fuient pour leur vie sont contraints de s'enterrer dans des sous-sols et d'être les hommes des cavernes de l'ère nouvelle." "
Alors oui, je me suis dit que cette inégalité dans le roman pouvait être voulue, pour mieux nous faire ressentir le vide de l'existence sans problème de ce snob Jesper, et de nous frapper d'autant plus par l'immersion au sein d'un univers méconnu de personnes en marge d'une société. Ces femmes sont des figures de liberté et de lutte, elles ont survécu aux pires horreurs, volent, squattent, sont méfiantes. L'auteur a dépeint à travers elles le visage de l'invisible des rues de Göteborg, comme une invitation.Tea-Bag a conquis Allie, BMR&MAM ainsi que Sole. Un roman étonnant sur l'immigration clandestine - AlternativesExtrait du roman - Lire.fr