Le Caravage en clair obscur (2)

Publié le 23 juin 2010 par Myriam

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Progressivement, les figures seules qui marquent les débuts du Caravage vont être remplacées par des compositions plus élaborées, avec des scènes de genre, puis de plus en plus, des sujets religieux (inspirés de l'ancien ou du nouveau testament) qu'il va traiter avec un réalisme étonnant.

Bien loin de la grâce juvénile de ces premiers tableaux, le tableau "Judith décapitant d'Holopherne" peint en 1599 marque une tension dramatique particulièrement saisissante. Une scène horrible se joue sous nos yeux : sous les tonalités intenses d'un rideau rouge, rouge sang, Judith, à bonne distance d'Holopherne, semble se convaincre à terminer son exécution, tandis que ce dernier connait les derniers soubresauts avant l'instant final, sous les yeux d'une servante impavide. Extrême tension des corps, présence de la lame tranchante, filets de sang obliques, densité des portraits avec la tête expressive d'Holopherne et la beauté de Judith contrastant avec le visage de la vieille femme (qui fait penser à certains visages de Mantegna), tout concourt au réalisme et à la théâtralisation de cette scène qui va jusqu'à être résumée dans ce linge tendu - c'est fini - tenu par la servante.

Même théâtralité avec "L'arrestation du Christ", tableau que Le Caravage peint en 1602. Pris dans une bousculade, le Christ accepte sa destinée d'un geste poignant : doigts croisés, paume vers le sol, il se laisse embrasser sans grande conviction, c'est Judas qui donne son baiser. Et de nouveau, cette scène centrale est entourée par les étoffes rouges, tandis que la lumière qui se reflète sur les armures des soldats romains ne provient pas de ce lampion qu'un homme lève à droite, mais vient de l'extérieur gauche apportant comme un coup de projecteur sur cette scène ce qui pourrait faire presque croire à une illusion une fois la lumière coupée. A noter ici le cadrage resserré sur les protagonistes et la ligne oblique qui scinde le tableau en deux, avec d'un côté la lumière, et de l'autre l'ombre.

Composition horizontale, composition verticale, tout semble simple pour Le Caravage ! Et parmi les grandes compositions, "La mise au tombeau" datant de 1602-1603 est sans doute parmi les plus réussies et équilibrées. Sur un fond uniformément noir, le corps du Christ est accompagné dans cette mise au sépulcre, depuis les bras levés de Marie-Madeleine, en passant par l'attitude recueillie de la Vierge Marie, habillée en nonne, ainsi que celle de la femme à ses côtés, puis celle des deux hommes, Joseph d'Arimathie à droite et Nicomède à gauche, qui le portent délicatement, jusqu'au bras arrondi inerte du Christ qui touche la dalle de pierre qui ouvre sur le caveau. Ce mouvement en arc de cercle est remarquablement mis en valeur par le jeux des mains, mains implorantes de Marie-Madeleine, main affligée de la femme, main protectrice de Marie au dessus de la tête de son fils, main de Nicomède près d'une plaie du Christ, main tombante du Christ. A remarquer là encore, ce drapé rouge vertical entre la Vierge Marie et le Christ, et le linceul blanc qui éclaire le bas du tableau.

Une fois de plus on ne peut être que frappé par la maîtrise de la composition, l'expressivité des visages et des attitudes, l'intelligence avec laquelle la lumière et l'ombre sont traitées.

(1) Interview du Commissaire de l'exposition, Claudio Strinati

(2) Un article intéressant sur la lumière chez Le Caravage