Le syndrome André Rieux

Par Dablemont

Nous le connaissons tous le violoniste en goguettes accompagné de son orchestre habillé à la mode XVIIIème, mais son nom serait-il associé à une pathologie psychiatrique? Pas encore officiellement mais ça ne saurait tarder. J’ai remarqué que beaucoup de musiciens et de directions artistiques étaient frappés de symptômes identiques que je me suis permis de regrouper sous l’appellation “syndrome André Rieux”.

Mais de quoi s’agit-il? Pour comprendre, il faut d’abord revenir sur la recette Rieux et la présenter:

Prenez quelques airs classiques plutôt légers qu’on retient facilement, quelques chansons pop connues. Réarrangez les pauvres classiques pour obtenir une orchestration proche du musette et mixez le tout. Enrobez dans un pâte à base de marketing bien gras, assaisonnez avec une pincée de nombrilisme et de mégalomanie. Enfin, présentez le tout en faisant croire que vous avez de bonnes intentions.

C’est ça la recette du milliardaire. Pas de jalousie, mais une grande admiration de ma part : l’appât du gain et de la notoriété importe plus que sa conscience professionnelle, ce qui est tout simplement impossible pour moi. Je n’en dormirai plus.

Vous avez certainement pu l’observer, le syndrome André Rieux s’est largement propagé ces dernières années. Crossovers en tous genres, programmations étranges mêlant musiques de films et symphonies classiques, le tout dans le but louable de d’attirer un nouveau public et de démocratiser la musique classique. Foutaises, il s’agit simplement du syndrome André Rieux.

Premiers symptômes: Croire que la musique classique doit être démocratisée en la rendant plus “accessible”. Réduire une symphonie de quarante minutes à quelques thèmes mal orchestrés est une ignominie. Un compositeur échafaude une structure, des progressions et extraire deux ou trois thèmes de l’œuvre n’a aucun sens et équivaut à citer deux phrases des Illusions Perdues de Balzac et faire croire qu’on a lu le bouquin : il ne s’agit pas de démocratisation mais bien d’un mensonge.

Démocratiser? Il n’en est point besoin, en tous cas pas sous cette forme. Expliquer et faire aimer, je suis d’accord, mais ça demande plus d’effort de chaque partie. Le patient atteint du syndrome André Rieux vous fait croire qu’il vous aide à comprendre et aimer alors qu’il ne fait que simplifier la donne au maximum. Il vous prend donc pour un idiot congénital incapable de se hisser à son “niveau”.

Logique, me direz-vous, puisque son ego est sur-développé. Il serait prêt à tout pour obtenir reconnaissance, gloire et argent (une forme de gloire sociale pour certains). Même à sacrifier sur l’autel du capitalisme les plus belles pages des plus grands compositeurs. Même à faire jouer Michael Jackson par un orchestre symphonique. Le pauvre Michael serait devenu fou s’il avait entendu.

Et cela va-t-il attirer un nouveau public au concert? Non, mais cela va devenir vraiment plus rentable pour le producteur. L’intérêt n’est pas de partager un vrai moment musical avec le public, l’intérêt est de générer un maximum de revenus. Non content de vous prendre pour un imbécile, le patient atteint de ce syndrome vous vole: un vrai concert classique coûte bien moins cher qu’une place d’un show à la Rieux.

Quand vous reconnaîtrez un syndrome André Rieux, pensez à moi et achetez une place de concert pour une programmation classique: je suis sûr que ça vous plaira, que vous ne serez pas pris pour un imbécile et que ça vous coûtera moins cher outre le fait que les interprétations seront certainement d’une bien meilleure qualité.