Les garçons sauvages

Publié le 24 juin 2010 par Ruminances

Posté par laetSgo le 24 juin 2010

L’autre jour, j’écoutais sur Inter une émission sur Burroughs (William de son prénom). Ça m’a ramené des siècles en arrière. En effet, ce monsieur déjanté était, avec les sieurs Kerouac et Ginsberg, l’incarnation de la beat génération, même si pour ma part, je l’ai toujours considéré un peu à part, différent des deux autres tant dans sa prose – si on peut appeler ça comme ça – que dans son attitude. En tout cas, ces trois-là étaient amis. J’avais 20 ans et j’étais étudiante à Paris. Je suis tombée par hasard sur Les Garçons Sauvages, un bouquin qui m’a vraiment interpelé tant il était politiquement, littérairement, spirituellement, intellectuellement incorrect … un de ces bouquins qui vous retourne les tripes et met vos pensées sens dessus-dessous, d’où vous émergez titubant, avec l’impression que le monde ne sera plus jamais le même.

Du coup, je me suis passionnée pour cet auteur et ai lu tous les romans qu’il avait publiés, faisant ainsi la connaissance de Ginsberg et Kerouac. Si les élucubrations de Burroughs n’étaient pas des plus accessibles, ses livres n’en étaient que plus intéressants : il fallait décrypter, se tordre les neurones, oublier et recommencer, lire une autre œuvre pour comprendre, en y revenant, ce que tel paragraphe signifiait ou pouvait signifier dans cet autre livre…un vrai jeu de piste pour malades mentaux (quand je dis malade mental, c’est dans le sens Dickien d’extra-ordinaire, une pensée « a »normale) ! A cette époque sortait d’ailleurs au ciné une adaptation du Festin Nu, si je ne me trompe, de Cronenberg qui n’avait pas grand-chose à voir avec le texte, mais parvenait cependant à traduire l’ambiance du bouquin. Si vous avez eu l’occasion de le voir, vous comprendrez ce que je veux dire.

Toujours est-il que j’ai l’impression étrange depuis quelques temps d’avoir glissé sans m’en rendre compte dans l’univers onirique bizarre et hallucinant de Burroughs. Un peu comme une Alice au pays des Merveilles, à la poursuite non pas d’un lapin blanc, mais de sanité, tout simplement.

J’ai basculé dans un monde où des milliardaires, gamins montés en graine, mal élevés et sans le début du commencement de l’once d’une réflexion crachent sur leur pays, sur leurs supporters et ridiculisent la France devant les nations, ébahies par cette tragi-comédie.

Un monde où un sinistre personnage, tellement éloigné de la raison commune que c’en serait hilarant si ce n’était aussi grave, un ministre donc, ne comprend pas qu’on le soupçonne de conflits d’intérêts, ce sinistre étant non seulement à la tête du Budget de la France, donc grand pourfendeur des fraudeurs du fisc mais également trésorier de l’UMP et dont la femme a pour métier d’aider les grandes fortunes à échapper tant que faire se peut à l’impôt. La schizophrénie n’est pas où on l’attend, et ce triste sire annonce lui-même la démission de sa dame – après avoir clamé devant les grands dieux son innocence et celle de Madame. On croit tomber des nues. Mais ce n’est pas tout.

Ce ministre a reçu mandat d’un chef de l’Etat de pacotille, dont l’équipe gouvernementale n’a rien à envier à celle qui représente notre pays dans les joutes footballistiques, pour détruire une bonne fois pour toutes nos insupportables avantages sociaux, à commencer par le plus emblématique d’entre eux, le droit à vivre une vieillesse dans la décence, qui soit plus que quelques mois en sursis dans un mouroir après une vie de labeur.

Le chef de l’Etat, quant à lui, continue à favoriser ses coquins, en leur offrant qui la présidence de Radio France, qui un boulevard pour capter l’argent de français trop crédules, qui une tribune dans un quotidien vespéral dont l’indépendance ne tient plus qu’à un fil

Les rares voix dissonantes qui s’élevaient au beau milieu de l’incantation matinale sont bannies.

Je me pince. Vais-je reprendre mes esprits, me sortir de cette hallucination ? Non, on dirait bien que tout cela est réel…

Et je me rends compte avec effroi que ce n’est pas dans l’univers onirique de Burroughs que je suis tombée, mais dans celui, bien réel, d’Orwell !!!

La seule chance qui me reste, c’est que le bruit, dans la rue, aujourd'hui, me réveillera de ce cauchemar et que ces perspectives de Moebius retourneront au néant d’où elles n’auraient jamais dû sortir…wait and see !