L’argent de Liliane

Publié le 27 juin 2010 par Jlhuss

-Liliane Marchais ? -Non, Liliane Bettencourt. Mais aussi l’argent de Christian Blanc, le pognon des Bleus, le blé au noir ; l’oseille des banques, le pèze des planques ; les dessous de table, les bas de laine, les bas de soie ; les comptes en Suisse, les comptes rendus, le compte à rebours. Fricum, frici, fricot : ça se décline aux trois genres, mais ça ne sent pas toujours la rose. « Rosa, rosa, rosam…quand notre fric fait boum…ça s’en va et ça revient, c’est fait de tous petits rien…il est passé par ici, il repassera par là… alouette, gentille alouette, alouette je te plumerai. »
Je fredonnais en vrac ces chansons de circonstance, avec en tête la valse des millions du mois, en poche mes euros pour les courses du jour, au cœur l’envie de revoir au marché mes deux bonnes femmes. Ça n’a pas manqué, je tombe sur elles. Et de quoi croyez-vous qu’elles parlaient ?

- M’ame Daube, qu’est-ce que vous pensez des cigares ?
-Mon pauvre Albert les aimait bien, un petit ninas le soir. L’odeur ne me gêne pas.
-Je parle des gros cigares du sous-ministre : douze mille euros partis en fumée au frais de Marianne !
-Je vous vois venir, m’ame Michu, avec vos sabots d’Arlette. « Travailleurs, travailleuses … »  Ne rêvez pas, ma p’tite, vous n’allumerez pas la révolution avec cette broutille !
-Broutille à quoi s’ajoutent le vol en jet privé de celui-ci, la chambre d’hôtel de celle-là, l’appartement somptuaire de cet autre et cetera, largesses sur nos deniers, m’ame Daube, pendant que j’hésite à faire les soldes avec ma nièce. Ah ! ça ira, ça ira, jusqu’où ? Faut qu’ils rendent gorge avant que ça tousse, qu’ils mettent au pot avant que ça pète… Et ce Woerth qui nous rappelle au devoir de faire ceinture, pendant que sa femme aide Lilianne à placer ses liasses !
-Ça oui, c’est bête, très bête en cours…de négociation face à des syndicats remontés  comme le cours de l’or. Tous les cheminots dans la rue. Ça chauffe. Mamy L’Oréal promet qu’elle va tout rendre.
-Je prends le reste…Dites, m’ame Daube, qu’est-ce que vous feriez, vous, avec cent millions ?
-D’abord je renouvellerais ma batterie de casseroles. Ensuite je subventionnerais  M. de Villepin. Le pauvre ! Songez, m’ame Michu, que pour loger sa petite famille et le QG de son mouvement, il a dû acheter à Paris l’hôtel particulier de Sarah Bernhardt. Et situé où ? Devinez. En face de l’immeuble natal de Sarkozy ! A la vie à la mort, ces deux-là. Ça va saigner.
-Moi, dans le même genre d’idées, avec l’argent de Liliane, je  remplumerais plutôt Ségolène.
-Vous lui trouvez toujours de l’envergure, à cette cigogne ?
-On ne peut pas dire que ça plane pour elle, mais elle craquète encore. J’aime surtout les duels croustillants : Martine et Ségolène se volant dans les plumes, ça vaut bien Dominique et Nicolas s’envoyant des pains.
-Mais la France dans tout ça, m’ame Michu ? Imaginez qu’on perde nos trois  A ! que ça tourne en mauvaise Grèce ! Moi ni une ni deux si ça se gâte, je ramasse l’argent de Liliane, tout en petites coupures dans une malle. Je laisse filer juillet-août, et en septembre, à la rentrée sociale, au premier coup de tabac, au  premier frisson de nuit du 4 août, je file à Cuba avec l’argent de la vieille. Ne riez pas, m’ame Michu. J’ai toujours rêvé de toucher du doigt le communisme.
-Voyons, m’ame Daube, Cuba ! vous ne supportez pas la chaleur…
-La niaiserie encore moins. Et croyez-moi, dans ce domaine ces temps-ci en France, on n’a pas de havanes mais on a des idées.


Arion