Boucans, d'Henri Droguet, le dernier Wigwam (par Roger Lahu

Par Florence Trocmé

Le dernier signal de fumée 
pour saluer Jacques Josse « à chaud » après la lecture du « dernier » Wigwam 

 Wigwam c’est une « maison » d’édition(notons que l’étymologie du mot c’est « justement » l'algonquin wikiwam « leur maison ») de poésie. Une « petite » maison d’édition de poésie qui existe depuis 19 ans exactement. Le Grand Sachem Jacques Josse a petit à petit attiré auprès de lui 81 « indiens » et « squaws », une tribu s’était ainsi peu à peu constituée depuis le premier livret paru,Soliflore désordonné de Matthieu Messager jusqu’au dernierqui vient juste de paraître, Boucans de Henri Droguet,« achevé d’imprimer le 10 juin 2010 ».  
Même format inchangé depuis le début, même pagination restreinte (12 à 20 pages), même couverture d’une grande sobriété (seule la couleur a changé au fil des ans pour finir parune magnifique « peau » rouge), même tirage « limité » (200 exemplaires et Jacques ne « retirait » pas un ouvrage épuisé : geste très zen, la flèche avait été tirée nul ne pouvait la retenir), même obligation de découper soigneusement les pages non massicotées (je choisissais toujours pour ce faireun vieux gros couteau de cuisine au manche patiné, faute d’avoir un bowie-knife !). Même extrait manuscrit en 4eme de couv’. Bref, un certain entêtement, une constance, une obstination, une persévérance (j’étale mon vocabulaire), une opiniâtreté (je l’avais sur le bout de la langue celui-là mais il ne venait pas). Envie de dresser le portrait de J. Josse en indien (il en a la longue chevelure raide façon Cochise) en haut d’une montagne auprès d’un grand feu et faisant des signaux de fumée, par tous les temps, imperturbablement, qu’il pleuve vente ou sous le cagnard .  
Pourquoi vient-il de décider de s’arrêter ? Peut être pour ne pas avoir 20 ans … d’édition ? pour en rester à un nombre en –teen, nineteen ! Après 20 ans on a du mal à faire semblant de croire à la victoire possible des indiens contre les tuniques bleues, on sait que ça se termine toujours en «wounded knee » ou en « piste des larmes ».  
Et puis les temps sont lourds, les cieux assez plombés : les subtils signauxde fumée ont grand peine à être aperçus. Sans compter qu’aujourd’hui plus grand personne n’a le nez en l’air pour déchiffrer les messages dans le ciel : les yeux sont fixés sur les écrans et leur pouvoir hypnotique. 
 
D’autres présenteront mieux que moi le « dernier » Wigwam, le magnifique Boucans d’Henri Droguet, je noterai juste que tout à fait involontairement il met un « point final » étonnant à l’aventure éditoriale de Jacques Josse. Les derniers vers du livre et donc les derniers que Jacques aura édités sont ceux-ci, splendidement bluesy et très « indien » : 
 
"toutes les giboulées sont chues
désormais le soir rondement
la lune monte au dessus du laurier
on entend le vent vaguement
dans l'arbre bruissant
comme lui sans mémoire

 
par Roger Lahu  
 
 
note 1 
Geronimo a écrit ces lignes : « Quand j’étais enfant, ma mère m’a enseigné les légendes de notre peuple, elle m’a appris le soleil et le ciel, la lune et les étoiles, les nuages et les orages… » . ) 
 
note 2 :  
Dans le Grand Robert il y a trois citations à l’article « Wigwam »  
Dont celle-ci : 
…« nous nous rompions la poitrine à pousser les hurlements les plus aigus et les plus sauvages pour leur indiquer la direction de notre wigwam, au cas qu'ils n'en pussent apercevoir la flamme.  
Th. Gautier, Voyage en Espagne 
 
note 3 : 
Si la publication des Wigwam se termine, il n’en va pas de même pour la diffusion qui, elle, bien sûr, continue
 
  
Sur Boucans, lire aussi la note de Bruno Fern et découvrir un des textes dans l’anthologie permanente de Poezibao