Salle 5 - vitrine 2 : les objets de toilette - 3. d'autres boîtes à onguents

Publié le 06 juillet 2010 par Rl1948

   Après vous avoir invités à découvrir, il y a quinze jours, un délicat étui à kohol en os puis, la semaine dernière, une superbe boîte à onguents en bois de caroubier, j'aimerais aujourd'hui, amis lecteurs, poursuivre l'évocation de ces petits monuments qui n'ont pas toujours l'heur d'attirer les regards de touristes manifestement pressés.

     Le point commun entre tous les objets de toilette exposés dans cette vitrine 2 de la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre réside, vous vous en souvenez, dans le détail de leur décoration : ils sont en effet gravés ou incisés de représentations d'animaux qui, souvent, en pourchassent d'autres.

     La seconde boîte à onguents (N 1 741) que nous avons ici devant nous provient elle aussi de la collection Drovetti.

     Même partiellement abîmé,  - il semblerait que le bois du couvercle et de l'arrière-train de l'animal ait été rongé, voire calciné -, ce spécimen de 13, 5 cm de long et de 4, 5 de large reste magnifique : datant du Nouvel Empire, il représente une élégante gazelle que l'on a vraisemblablement capturée ; ses pattes, repliées sous le ventre, sont en effet ligotées.

     C'est le corps même de la bête que l'artiste a évidé pour constituer le récipient peut-être destiné à contenir les produits cosmétiques d'une belle Egyptienne, alors que le couvercle, se mouvant grâce à un pivot, figure le flanc droit de la fine gazelle.

     Détail d'importance : l'oeil, en fait les deux yeux, et les cornes ont conservé la peinture noire d'origine. 

     Dans la même catégorie d'objets, trois couvercles attireront à présent plus particulièrement nos regards. Et en premier lieu, celui en bois de caroubier toujours, référencé N 1711 A

     Mesurant 12, 5 cm de longueur et 4, 4 de large, datant de la XVIIIème dynastie, cette pièce rectangulaire propose, gravés en creux, deux animaux gambadant allégrement dans un environnement herbeux : tous les deux regardent vers la gauche, normalement pour celui du dessous, mais au prix d'un effort sur lui-même pour celui de la partie supérieure puisqu'en réalité, il sautille, lui, vers la droite.

     Dans l'un, il me semble reconnaître un petit veau, mais n'en suis pas vraiment persuadé pour le second, même si le cartel indique le substantif au pluriel.

     Vous aurez d'évidence noté, amis lecteurs, si vous avez été soucieux de l'élément décoratif qui encadrait les scènes gravées sur le coffret que nous avons détaillé la semaine dernière, qu'ici aussi nous avons des bandes composées de végétaux, pétales ou feuilles lancéolées, sur deux niveaux superposés, gravées aux extrémités du couvercle. Entre eux, une ligne ondulée qu'enserrent deux horizontales représente vraisemblablement le Nil.

     Si subsiste cette fois, à la partie supérieure, le bouton rond qui, à l'origine, permettait d'ouvrir la boîte, à l'inverse, ont complètement disparu les incrustations de pâte minérale rouge et verte, ainsi que d'os, qui servaient initialement à rehausser quelques détails.   

     Remarquez le travail légèrement différent qu'a réalisé un artiste également du Nouvel Empire sur le couvercle  N 1 711 B, un peu plus petit puisqu'il mesure 11 cm de long et 3, 5 de large, tant au niveau du type de gravure qu'à celui du choix des motifs encadrant les frises autour des deux scènes animalières, ou celui qui, au centre de la composition, les sépare. 

     Au registre supérieur, il a esquissé deux bouquetins s'agrippant à (ou voulant grimper sur) une plante pour le moins particulière. En dessous, nous retrouvons des veaux gambadant cette fois tous deux dans la même direction : peut-être fuient-ils l'animal représenté entre eux, ou tout autre danger ?

     Il m'apparaît évident que les boîtes que ces couvercles durent un jour fermer furent de semblable excellente facture. Et comparativement à celle de mardi dernier, placée juste à côté dans la vitrine, il est indéniable, alors qu'ils ne font aucunement partie de la collection qu'avait rassemblée, puis vendue au Louvre, Bernardino Drovetti, en 1827, qu'ils proviennent sinon du même artiste, à tout le moins d'un même atelier, d'une même école artistique.

     Tout différemment se présente le dernier objet que nous envisagerons ce matin : E 17 367.

     En effet, plutôt que de bois,  il s'agit de faïence siliceuse, originairement verte, mais s'étant avec les siècles fortement décolorée : de forme semi-circulaire, il obtura très vraisemblablement un écrin réalisé, dans le même matériau, de 11 cm de long et de 7, 1 de large.

     Deux trous ont été percés, l'un au milieu de l'arrondi extérieur, l'autre, à l'aplomb, dans la partie rectiligne du dessous : probablement marquent-ils l'emplacement de la pièce qui devait permettre d'ouvrir le petit récipient.

     Datant de la XXVIème dynastie, à la Basse Epoque donc, il a été travaillé en relief pour figurer un carnassier à la gueule à nouveau vue de face, s'apprêtant à dévorer un oryx qu'il immobilise de ses pattes antérieures : la droite posant sur le flanc du gracile animal, la gauche lui maintenant les membres au sol.

     Nonobstant que, comme tout un chacun, j'admire l'énormité du travail des sculpteurs égyptiens de l'Antiquité, que ce soit au niveau des reliefs d'un monument funéraire, ou de celui des hiéroglyphes harmonieusement gravés sur les parois d'un temple - rappelez-vous, à Karnak, ceux des "Annales "de Thoutmosis III -, ou devant l'immensité parfois atteinte dans leur statuaire : je pense notamment aux colosses de Ramsès II à Abou Simbel, il m'apparaît au fil du temps que je suis de plus en plus réceptif quand l'extrême talent de ces hommes se met au service et s'accorde avec la petitesse de certaines pièces destinées à un mobilier funéraire. Celles auxquelles j'ai consacré mon intervention d'aujourd'hui, par exemple.

     Ne sont-elles pas superbes toutes ces boîtes à fards ? Ne requièrent-elles pas une attention soutenue ? Chaque détail de leur décoration ne mérite-t-il pas notre admiration  ?

     Certes, existera toujours l'un quelconque esprit chagrin qui m'objectera que le lion que les égyptologues veulent voir sur le couvercle ci-dessus n'est pas véritablement représentatif de la réalité. Il n'empêche qu'à mes yeux, à tout le moins, l'aspect éminemment carnassier de la bête a été admirablement rendu par la gueule ouverte que l'artiste a réalisée à l'époque ; et que sa puissance sur le frêle oryx qu'il plaque au sol est indiscutable. Et peu me chaut si d'autres détails de son corps ont été volontairement ou non laissés de côté par le sculpteur ... Là n'était pas l'essentiel : la gueule et les pattes sont, me semble-t-il, suffisamment éloquentes : on a tous compris que nous n'assistions pas ici à une idylle naissante !

     Avec ces quelques gracieux objets de toilette - et je ne considère pas avoir épuisé le sujet -, je n'avais d'autre but, amis lecteurs, que celui de vous faire admirer un travail de précision, de  vision animalière que l'on n'approche pas toujours avec nos yeux de visiteurs pressés.

     Je ne sais si j'y suis parvenu, mais au moins aurais-je essayé de vous inviter à  porter un autre regard sur ces petits "trésors" quand, d'aventure, vous reviendrez sans moi visiter le Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.

     Toutefois, si vous estimez que mon modeste objectif fut aujourd'hui atteint, je vous propose un pénultième rendez-vous, mardi prochain, même salle, même heure pour, avec deux autres petites merveilles, à savoir : des cuillers à fard, irrémédiablement nous diriger vers le point final de notre inventaire de la vitrine 2 que nous apposerons le 20 juillet suivant ...

  (Vandier d'Abbadie : 1972, 45 ; Id. 52)