61. Un réveil à Chau Doc

Publié le 06 juillet 2010 par Melaniepiqpiq
Certes, nous avons passé une nuit dans la sympathique ville (et non pas bourgade) de Chau Doc. Mais ce n'est pas du réveil qui a suivi (absolument inintéressant) que je veux faire le récit. Non, je veux vous parler de l'autre réveil, l'instrument de torture, celui qui émet un strident « tidididit, tidididit, tidididit » venant vous tirer de votre si paisible sommeil au moment le plus inopportun, celui qu'on déteste, qu'on maudit, celui sur lequel on tape, celui qu'on envoie balader d'un mouvement rageur de la main à l'autre bout de la chambre, celui qu'on jette contre le mur, ou qu'on ignore, tout simplement, quand on a le sommeil lourd ou des boules Qui c'est.
Depuis le début de notre voyage, nous réduisons aux cas d'extrême nécessité l'usage de ce perturbateur de bio-rythme interne, ayant recours à ses dérangeants services uniquement quand nous sommes dans l'absolue nécessité de nous lever aux aurores pour un avion, un bus, un bateau, ou une séance de plongée. Le pauvre chéri, las de se sentir inutile, il a fini par mettre fin à ses heures... C'est la version officielle. Mais parmi ses copains réveils, on chuchote qu'il a tellement été malmené dans nos bagages qu'il en a rendu l'âme.
Suicide ou meurtre, peu importe, le résultat est le même: il nous fallait trouver un réveil de remplacement.
Nous ne savions pas que ça s'avèrerait être une mission si ardue. A côté, la quête du Graal, c'est du pipi de chat.
A Cairns, nous avons écumé les magasins de souvenirs et les supérettes (seuls commerces disponibles) pendant toute une soirée, ainsi que le night market. Nous avons rencontré des pendules kangourou dorées à foison et des montres panda en pagaille, mais point de réveil-matin. Heureusement que des gentils voisins de chambre ont eu assez confiance pour nous prêter leur téléphone portable, sinon on aurait loupé le départ de notre croisière sur la grande barrière de corail, ce qui eût été sacrément ballot.
Après une période de répit de 4 semaines - le copain d'Anke ayant un téléphone portable qui a fait office de réveil-, nous avons dû repartir à la quête du Réveil Sacré. Quand je pense qu'à Koh Chang j'en avais vu un sur un marché et que je m'étais dit: « il est moche, j'en trouverai un plus beau ailleurs, on a le temps »... Inconsciente... mon perfectionnisme me perdra. Ma vieille mère n'a peut-être pas complètement tort quand elle me dit avec son bon sens campagnard que je finirai « su'l pot »(c'est-à-dire célibataire)comme ma tante.
Je disais donc que les recherches ont continué dès Battambang, où elles ont été tout aussi infructueuses.
Nous avons ensuite fait tous les commerces de Phnom Penh. En vain. Il faut dire que ce n'est pas évident. En Asie, le concept du supermarché n'existe pas. Au mieux, on a le super marché. Qui n'est pas le meilleur endroit pour trouver un réveil. Sinon, on a moult petites épiceries où on trouve de tout et n'importe quoi, des aliments de base au pistolet à eau, en passant par les cosmétiques. Mais pas de réveil.
Nous avons donc dû prier le réceptionniste de l'hôtel de nous réveiller à 6h du matin, ce qu'il n'a évidemment pas fait. Heureusement qu'Anke a eu un pressentiment et s'est réveillée d'elle-même juste à l'heure.
Arrivées à Chau Doc, c'était décidé: nous avions plusieurs heures devant nous et ne pouvions pas rentrer bredouilles cette fois-ci. C'était une question d'honneur... et de nécessité. Nous ne savions pas à quoi nous nous exposions...
Plus on s'enfonçait dans les ruelles, moins les gens parlaient anglais... « alarm clock » ne faisait pas partie de leur vocabulaire de base.
Fatiguées de nous ridiculiser en mimant la personne qui se réveille et de reproduire le « tidididit » x 3 , nous avons eu une idée de génie: Anke a mis en œuvre ses talents artistiques pour dessiner un beau réveil. Bon, ça aurait été plus drôle si c'était moi qui avais gribouillé (« oh, elle est rigolote, ta poule! »), mais là on n'était plus dans l'humour mais dans l'efficacité. Elle a fièrement brandi son dessin sous le nez d'une brave commerçante... qui l'a regardée avec perplexité avant d'aller nous montrer du doigt son horloge. Elle ne parlait pas un traître mot d'anglais. Désemparée devant notre nouvelle séance de mimes, la dame nous a indiqué du doigt un magasin de l'autre côté de la rue. Nous avons cru l'espace d'un instant à un miracle: aurait-elle finalement compris l'objet de notre quête?! Ne nous emballons pas trop vite: elle voulait seulement nous signaler que là-bas, les gens avaient des notions d'anglais. Ce qui nous a beaucoup aidées. Une jeune fille très serviable nous a envoyées, dans un anglais plus qu'hésitant, vers le « bookshop ». Perplexes, nous nous sommes dirigées dans la direction indiquée. Nous n'avions encore jamais vu de librairies qui vendent des réveils, mais qui sait? On est en Asie, c'est pas comme chez nous. Évidemment, nous nous sommes égarées. C'est reparti pour une exposition d'art (dessin d'Anke) doublée d'un numéro de clown (mime et tidididit) qui d'un nous a confirmé notre talent et de deux les dires de la petite Vietnamienne serviable: une fois de plus, on nous a indiqué le « bookshop ». On a fini par le trouver, ce satané English bookshop...
Et là, c'est la déconvenue: des étagères entières de livres (ce qui est assez normal pour une librairie) mais pas l'ombre d'un réveil.
Mais ils se sont tous ligués pour se foutre de notre goule ou quoi? Voilà ce qu'on commençait à se demander lorsque le mari de la libraire a fait son entrée. « Can I help you? » Miracle, une phrase complète dans un anglais compréhensible et grammaticalement correct.
Ce fut l'illumination: loin de vouloir se moquer de nous, ces braves gens voulaient simplement nous diriger vers la seule personne de la ville qui maîtrisait vraiment l'anglais (tout étant relatif. Indice pour mes collègues: un petit niveau A2). L'adorable anglophone nous a fait signe de le suivre (« very difficult to find yourself ») et nous a emmenées dans le magasin d'un de ses potes qui tenait l'équivalent du Darty local (rayon petit électroménager seulement). Nous y avons trouvé notre bonheur (chacune le sien, tant qu'à faire) pour quelques dizaines de milliers de dongs, ce qui peut paraître exorbitant à un Européen non averti, mais ne représente en réalité que quelques euros.
J'aurais préféré un rouge un peu moins criard, mais je me tais. Je vais me faire taper.

L'est-y pas laid le vilain?! Vous n'êtes pas sans ignorer que sous ces latitudes, il ne faut surtout pas louer la beauté d'un bébé, car ça risquerait d'attirer la jalousie des mauvais esprits qui pourraient alors le kidnapper... (en gros si ton gosse te soûle, tu n'as qu'à crier sur la place publique « qu'il est beau mon bébé! »pour t'en débarrasser) (moi et l'instinct maternel ça fait 2, sauf avec les bébés singes). Avec le mal qu'on a eu à le trouver notre Réveillou tout moche, je ne veux pas tenter le diable...