Max | Pour toi Joan

Publié le 11 juillet 2010 par Aragon

My dear Joan,

Nous sommes rencontrés la semaine dernière chez des amis communs qui ont la télévision, quelle émission ! Nous nous sommes vus également à Nice il y a deux ans et je voulais te dire à quel point je t'aime depuis quarante-sept ans, ça fait un sacré bail ! Mais tu ne le sais pas et c'est normal, quoique tu doives bien le pressentir, t'en douter.

Ce poids d'amour, toute cette énorme masse d'amour, tout ce poids colossal, le mien, dilué dans celui de tous les autres, de nous tous qui t'aimons, il est bien évident que tu le sentes à tes côtés, en toi. Bien entendu !

Il t'habite, il te forme, il te constitue, il t'entoure, il te tient.  Pour une fois un poids ne pèse pas mais représente. Il représente des êtres humains, des coeurs et des pays, des convictions justes. Un poids d'amour multiplié par lui-même et  par millions et tout cela on te l'a offert depuis si longtemps de la même manière que tu t'es donnée entièrement à nous, formes humaines en devenir, coeurs et âmes pures, femmes et hommes "justes" , habitant toutes les contrées, tous les pays de la planète.

Je me souviens comme si c'était hier et pourtant c'était précisément en 1963, de l'apparition bouleversante de ta frêle silhouette embrunie, à l'intérieur de laquelle il y  avait ton âme et ta voix, une voix - le véritable chant du monde - je me souviens de plusieurs autres voix, celle de Zim,  avant lui, celle de Woody Guthrie, de Pete Seeger... Idem,  je me souviens de celle du pasteur MLK , de son discours à Washington... Autant de voix justes.

Je me souviens à l'autre bout, car il y a hélas obligatoirement un autre bout : glacial , impitoyable et froid, porteur de voix fausses. Je me souviens de celles venues des portes de l'enfer, voulant crucifier la tienne,  voulant tuer le monde, celle du cardinal Francis Spellman, archevêque de New York , qui bénissait les avions et les bombes, qui préconisa le bombardement atomique de Hanoï, celle des généraux du Chili et  d'Argentine, celle des assoiffés de sang de Bosnie, de Srebrenica, Tchétchénie, tant d'autres hélas !

Mais tu as toujours été là, toujours : debout, fière et droite pour répondre par ton chant sublime à l'injure, à l'offense faite au monde, à l'offense faite à l'espèce humaine, au crime, à l'injustice raciale, aux déclenchements délibérés de conflits, ces guerres monstrueuses  toujours commises et générées par des politiques, des financiers, des marchands d'armes, des dictateurs, tous, irresponsables et fous.

Tu as toujours été là, superbe, puissante, non-violente, essentielle. Je me souviens des crachats et des fleurs que tu as reçus, je les ai reçus aussi tu sais,  des millions de femmes et d'hommes libres les ont reçus avec toi, on a tout partagé pendant quarante-sept ans Joan.

Je vais arrêter là, je voulais simplement te dire ce matin que je t'aimais, que nous sommes si nombreux à t'aimer, je voulais te dire enfin que notre Terre entière est heureuse, tellement heureuse et fière de t'avoir comme passagère et nous, nous sommes fiers de te connaître et de continuer le chemin juste avec toi.

Your sincerely,