Des villes imaginaires

Publié le 15 juillet 2010 par Gregory71

Je suis au-dessus de Montréal. Il y a quelques nuages. J’aperçois a travers les maisons alignées. Elles sont identiques par quartiers entiers. Il y a le bleu des piscines. Les piscines sont dans chaque jardin. Elles sont rondes. Toutes. La distance entre les maisons est identique. Ce sont des grappes alignées aux rues. J’imagine que ces rues permettent de visualiser le réseau des fils énergétiques, téléphoniques, communicationnels. Les constructeurs ont agglomérés les maisons entre elles pour rationnaliser l’espace de distribution et de circulation. Ils ont industrialisés la répartition des humains dans l’espace (l’industrie comme production de la répétition) pour économiser la distance du réseau, les fils, câbles, le goudron, tout ce qu’il fallait partager. Pour accentuer le flux, ils en ont changés le devenir. Ils l’ont fixés. Auparavant, les maisons étaient singulières, a distance variable, tout dépendant du terrain acquis. Les maisons étaient le fruit d’un artisanat.

J’imagine: je descends au niveau du sol. Je vois les jardins juste derrière les palissades (prologue de Blue Velvet). Les gens dans les jardins. Eux aussi se voient les uns les autres. Ils peuvent comparer leurs espaces, leurs barbecues, leurs voitures. Ils peuvent comparer tous leurs objets parce qu’il y a un horizon commun, une ligne de partage, une échelle de mesure qui est la répétition de l’espace construit. On ne doit pas en tirer une intentionnalité de comparaison, comme si les constructeurs avaient aménagés l’espace en vue de provoquer une telle comparaison. On peut, on doit seulement en retirer l’effet: les habitants d’un tel espace se comparent les uns les autres a partir d’un espace homogène et répétitif. De sorte que la construction de l’espace configure certains affects. Ceux-ci deviennent coalescents avec la répartition dans l’espace. L’aménagement des territoires est aussi, dans ses effets, celui des esprits en tant qu’individuation. Il ne construit pas les individus séparés mais leurs relations, relations qui produisent les individuations.

Nul besoin d’une autorité incarnée qui impose aux individus de s’ordonner. Il suffit de créer une répartition de points dans l’espace, nommons cela habitation, pour que cette cartographie se reporte tel un calque sur la configuration psychique de chacun. La configuration de l’espace est une donation a ceux qui habitent. Elle les précède. Les habitants appartiennent a l’espace et le libéralisme industriel a su, au travers des banlieues, des centres commerciaux et des parkings, organiser le somatique et le psychique afin de fluidifier (planifier) les affects.

Cette organisation est paradoxale par rapport aux flux. Rendre fluide les flux ne consiste pas a les libérer, mais bien au contraire a les maitriser. Ce qu’on veut éviter ce sont les turbulences du flux, c’est-a-dire le passage abrupt et imprévisible d’une singularité locale (ce tourbillon) a une perturbation qui se répand par transduction et qui pourrait nous submerger.

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