Anthologie permanente : Octavio Paz

Par Florence Trocmé

JARDIN  
Nuages à la dérive, continents  
somnambules, pays sans substance 
ni poids, géographies dessinées  
par le soleil, effacées par le vent. 
Quatre murs de terre. Bougainvilliers : 
dans leurs flammes pacifiques mes yeux  
se baignent. Passe l'air entre des murmures  
de feuillages et d'herbes à genoux
L'héliotrope aux pas violets 
croise enveloppé de son parfum. Il y a un prophète : 
le frêne — et un méditant : le pin.  
Le jardin est petit, le ciel immense. 
Verdeur qui survit dans mes débris : 
dans mes yeux tu te vois et touches,  
tu te connais en moi et en moi tu penses,  
en moi tu dures et en moi disparais. 
JARDIN
 
Nubes a la deriva, continentes 
sonámbulos, países sin substancia 
ni peso, geografías dibujadas 
por el sol y borradas por el viento. 
Cuatro muros de adobe. Buganvillas: 
en sus llamas pacíficas mis ojos 
se bañan. Pasa el viento entre alabanzas 
de follajes y yerbas de rodillas. 
El heliotropo con morados pasos 
cruza envuelto en su aroma. Hay un profeta: 
el fresno -y un meditabundo: el pino. 
El jardín es pequeño, el cielo inmenso. 
Verdor sobreviviente en mis escombros: 
en mis ojos te miras y te tocas, 
te conoces en mí y en mí te piensas, 
en mí duras y en mí te
desvaneces

 
Octavio Paz, Première Instance, 1935-1945, traduction de Frédéric Magne, La Délirante 1986, p. 13. 
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