Plongée dans "Black Bazar" à la scène

Publié le 19 juillet 2010 par Joss Doszen

Espace Dridjo

Le coït interrompu. Jusqu’à hier je ne comprenais pas l’émoi que pouvait susciter ce principe de précaution, somme toute, pas moins efficace qu’un autre. Je me disais qu’après tout l’homme pouvait, pour quelques secondes, sortir de la chaleur de l’âtre plus tôt que prévu pour le bien des deux protagonistes.
Évidemment, en mâle parfait, je raisonnai égoïstement en me contentant du point de vu de l’homme. Celui pour qui il est facile de brutalement mettre un terme au va-et-vient de l’enjaillement sans tenir compte de la partenaire qui, elle, se trouverait encore sur les pentes ascendantes du plaisir. En pleine ascension quand, enfin, le vertige des hauteurs échauffe le corps et l’âme de la donzelle ; le froid soudain du courant d’air qui prend la place du Robert feignant et pressé. Frustration.

J’ai connu ça hier. Enfin, ne nous égarons pas. Disons que j’ai connu une situation de frustration similaire, à cause, ou grâce (?) à Monsieur Modeste Nzapassara. Là encore, tâchez de ne pas vous égarer et de vous lancer dans des supputations hédonistes de très mauvais goût me concernant. Je ne mange pas de ce pain là moi, monsieur !
J’aurai toute fois aimé que Modeste nous fasse goûter plus longtemps au met fin de son spectacle qu’il a donné hier au théâtre "Le Lavoir Moderne" dans le quartier de la goutte d’or.
Oui messieurs – et dames – mon expérience de la frustration je l’ai vécu lors de la première représentation de l’adaptation théâtral du roman "Black Bazar" de A. Mambanckou. C’est un –presque – crime de lèse Eros qu’une si belle représentation ait une fin. De si larges sourires, des rires si tonitruants, des instants-compassions si profonds… en si peu de temps !
Bref, je viens de vous dire les côtés négatifs de la pièce de Modeste ; trop court. Court mais tellement bon. Mais court quand même !

Pour le reste, je me retiens de m’épancher trop longuement sur les qualités de ce spectacle. Je serai trop tenté d’user de superlatifs genre ; "stratosphériques", "galactiques", etc. et je risquerai de perdre en crédibilité. Alors je préfère que vous alliez voir par vous-même. Faites un tour un mardi ou mercredi du mois de juillet au "Lavoir moderne" pour vivre l’art de la comédie à visage humain. Allez voir Modeste se dandiner, contrefaire sa voix, s’amuser de ses propres mimiques et faire défiler devant vous un panel de personnages que ne renierait aucun visiteur assidu des Ngandas ou autre Maquis d’Europe.
Pour ceux qui auront eu la belle idée de lire le roman "Black bazar" avant d’aller voir sa reprise théâtral, il y aura le plaisir, la surprise de voir personnifié les personnages du roman, et l’histoire qui prend une dimension autre quand elle est contée par la voix de stentor de Modeste.
Les retardataires qui ne connaitraient pas l’histoire du Fessologue de Mambanckou auront l’occasion de découvrir cet ethnologue de la fesse féminine, ce puriste de la S.A.P.E. façon grand couturier. "On ne rigole pas avec le style" serait le slogan que je lui attribuerai. Et en fait, je crois même que les non-lecteurs seront les plus heureux. Ils entreront avec surprise dans l’histoire et n’auront pas les micros frustrations – inévitables – dû aux nécessaires coupes dans le texte. Et à la fin du spectacle ils n’auront qu’une hâte, celle de se plonger sans délai dans ce "roman d’une vie de dandy fauchée".

Ne vous méprenez pas sur la première phrase de mon billet. Dans le terme "coït interrompu", moi j’ai retenu avant tout le mot "coït" tellement j’ai passé une bonne soirée – en charmante compagnie qui plus est, mais ceci est une autre histoire qui nécessiterai un carré pourpre – et une fois encore je n’ai pas été déçu en allant me frotter au "petit peuple du théâtre". Ceux des petites salles, ceux des sans moyens, ceux des non médiatiques, et aussi ceux qui nous permettent de découvrir des perles.
Les esprits chagrins s’accrocheront au mot "interrompu", moi je leur répondrais "vaut-il mieux se taper un bidon de Kwashorkorien nourri au kilo des rations militaires, ou vivre avec le sentiment de reviens-y d’un après-diner gastronomique aux portions (de) modeste ?". Moi j’ai choisi mon camp, la sveltesse 0% taille fine du plaisir d’un spectacle de qualité.


Black Bazar (Modeste Nzapassara)
Du 6 au 28 juillet 2010 les mardis et mercredis à 21 heures

Le Lavoir Moderne
Théâtre
35, Rue Léon, 75018 Paris
Réservations 01 42 52 09 14
www.rueleon.net
M° Marcadet-Poissonniers ou Château-Rouge