"Sandra" ("Vaghe stelle dell'orsa") : avant les damnés...

Par Vierasouto


17 - 12
2007
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  Ce n’est pas le film le plus connu de Visconti et c’est dommage, d’ailleurs, il n’a jamais existé ni en vidéo ni en dvd. Le titre italien est tiré d’une nouvelle de Giacomo Leopardi "Vaghe stelle dell’orsa"  traduit en France par "Sandra"... Pourtant, ce précurseur du flamboyant  "Les Damnés" (1969) avec une nette parenté entre les deux films (c’est le cas de la dire, s’agissant du portrait de famille) est une pure merveille tremblée d’émotion malgré la noirceur du sujet.
Après une soirée à Genève où ils habitent, les époux Dawson se rendent à Volterra, la ville natale de Sandra, à l’occasion de l’inauguration d’un monument municipal à la mémoire de son père qui mourut en déportation à Auchwitz.
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Habillée de noir, la tête drapée dans un foulard noir de veuve, Sandra (Claudia Cardinale) pousse la porte du Palazzo, immense maison familiale qu’elle a habité enfant. L’arrivée dans cette sorte de palais majestueux et désert, mais meublé et entretenu comme si ses anciens occupants et les morts allaient revenir y habiter, est terrible. Plus loin, une scène somptueuse va étreindre le spectateur plus sûrement qu’aucune démonstration : Sandra, restée seule dans la maison, pénètre dans les appartements fermés à clés de sa mère, petite tâche noire à l’orée d’une pièce géante plongée dans le noir, Sandra avance, la caméra s’éloigne toujours dans la pénombre, et, soudain, on éclaire la pièce a giorno comme on lui redonnerait la vie, on peut mesurer alors la taille démesurée de l’entrée de ces appartements condamnés que Sandra traverse, petit personnage mince en noir et blanc, pour se diriger vers la chambre de sa mère, restée en l’état, avec ses penderies et ses tiroirs pleins, comme si celle qui l’habitait allait revenir dans l’heure. C’est à pleurer de beauté et de désespoir.

Claudia Cardinale et Jean Sorel

Dans cette maison vide, il ne reste qu’une vieille domestique toute maigre, témoin silencieux et complice de tout. La mère de Sandra est enfermée dans une institution psychiatrique, le père est mort pendant la guerre en déportation, le frère Gianni (Jean Sorel) habite à Londres. Dès son arrivée, Sandra bascule, manquant de défaillir en respirant des fleurs, ou en entendant jouer du piano, le jeu et l’habillement de Claudia Cardinale sont habiles, son regard noir fixe, exagérément maquillé de noir, sa peau couleur café, ses vêtements noirs, tout montre bien qu’elle baigne dans un état mixte cauchemardeux entre présent et passé, happée par des fantômes, redevenue elle-même un fantôme. Bien que Visconti exploite aussi pendant les scènes de nuit la sensualité de Claudia Cardinale, bombe latine de l’époque, en déshabillé de dentelle claire et mousseline transparente, rodant dans la maison ou s’enfermant à clé dans sa chambre, incapable de trouver le sommeil. Mais il enveloppe cette douceur des lingeries pastel de lumière noire qui masque une partie du corps et du visage de Sandra. Comme le faisait remarquer JJ Bernard en présentant le film (sur CinéClassic), ici, au delà de la mode des années 60, Visconti utilise souvent le zoom pour approcher au plus près du visage de Sandra, comme pour sonder ses pensées, ses secrets, derrière le désespoir noir, sur un plan le regard de CC occupe tout l’écran, le barre en diagonale…
De ce passé nécrosant, de ce passif secret, le spectateur est informé rapidement, apparaissant derrière une fenêtre à barreaux, le frère Gianni, arrivant à l’improviste, ne se donne pas la peine de donner le change sur la nature de leurs relations passées, il étreint sa sœur plus amoureusement que son mari, et, sur l’instant, elle ne le repousse pas, l’évidence est posée par un Visconti forçant à ne pas juger. Cependant, une scène morcelée revient en boucle, des fragments de la visite de Sandra à sa mère le matin de son arrivée, ancienne beauté brisée devenue à moitié folle, la mère cesse de jouer du piano et casse tout en traitant ses enfants de monstre. Après la mort de leur père, la mère de Sandra et Gianni, célèbre concertiste accumulant les amants et les fêtes, s’était remariée avec un avocat que les enfants détestaient. A-t-elle ensuite perdu la raison pour nier ce qu’elle avait découvert en rentrant de voyage comme l’insinue l’avocat ? Dans ses propos semi-cohérents, la mère semble aujourd’hui assimiler Sandra à son mari défunt qu’elle déteste et rejette en bloc. En retour, Sandra la soupçonne, elle et son beau-père, d’avoir dénoncé leur père…
Dans cette ambiance de mort et de rancune, d’impardonnable et d’inconsolable, Andrew (Michael Craig), l’étranger à la communauté, le mari américain dont personne ne s’occupe, va tenter un dîner de conciliation qui va paradoxalement le faire entrer dans la partie. Etrangement, le film se termine sur une note positive qui passe par la liquidation du frère demeuré cloué dans un autrefois qu’il ne songe qu’à reproduire. Il y aurait donc pour Sandra seule une chance de tuer le passé et de renaître, de naître une seconde fois à Genève où elle a rencontré son mari Andrew. Comme elle aurait pu accepter d’aimer le fils du fermier devenu médecin qui s’occupe aujourd’hui médicalement de sa mère. Visconti offre au personnage de Sandra, la courageuse, celle qui est allée à Auchwitz retrouver les traces de son père, une autre chance, contrairement à Gianni, condamné par sa veulerie et son obsession pour sa sœur dont seul la mort le délivrera. Tandis que Gianni rampe mourant sur le sol de sa chambre tout en regrettant son suicide, Sandra, dans la sienne, sourde aux appels au secours de son frère, se passe une serviette en éponge blanche sur le visage. Et c’est tout habillée de blanc, pour la première fois dans le film, qu’elle se rendra à l’inauguration du monument à la mémoire de son père.
Si les amateurs de la Cardinale seront comblés, les fans de Jean Sorel (le mari de Séverine/Deneuve dans "Belle de jour"), encore plus beau que Delon à l’époque… seront ravis, dans le rôle de Gianni, il est sublime… Fabio Testi dans "Le Jardin des Finzi Contini" (1971), Jean Sorel dans "Sandra" (1965), pour les séducteurs ultra, on est gâtés ces temps-ci, encore ! ! !
Casting.
Claudia Cardinale (Sandra Dawson), Jean Sorel (Gianni), Michael Craig (Andrew Dawson
   
  Ce film sera rediffusé sur CinéCinéma Classic le 20 décembre à 19h dans le cadre d'une rétrospective Visconti, quelques dates à vérifier*...
Voir aussi l'excellente émission de Jean-Jacques Bernard "Boulevard du classic" qui vous apprend tout sur tout en quelques phrases synthétiques, le journaliste ciné le plus brillant qu'il m'est donné d'entendre à la télé et de loin!!!
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17 décembre 22h40 "Senso"
19 décembre 17h50 "Rocco et ses frères"
20 décembre 19h "Sandra"
23 décembre 20h45 "Ludwig"
27 décembre 20h45 "Mort à Venise"
02 janvier 20h45 "Le Guépard"
Il existe aussi un documentaire qui va être rediffusé le 21 décembre à 7h et le 22 décembre à 22h "Visconti, les chemins de la recherche" par Giorgio Treves.
Lire aussi "Les figures de l'étranger dans l'oeuvre de Visconti" sur Mécanique filmique...

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