Nicolas Sarkozy, 6ème Président de la Vème République

Publié le 09 mai 2007 par Argoul

Mr Nicolas Sarkozy is now elected as the 6th President of the Vth French Republic. It seems that French people are not affraid of work, of globalization and liberalism; it seems that French people are not following the Left wing hate against Sarko-the-Devil; it seems that French people are not for more state governement, for more taxes, for old leftists ideas. But Mr Sarkozy will have to reconcile economy efficiency with social justice. And legislative elections are coming in next June.

Mon commentaire sur ClemsPolitique.net ci-après :

La France a enfin, depuis 12 ans, un « nouveau » Président, Nicolas Sarkozy. Il est nettement plus jeune, il a un projet et il « en veut ». Les Français, qui sentent confusément ce qui est bon pour eux, l’ont choisi pour cinq ans. Vont-ils lui donner dans la foulée une majorité de gouvernement aux prochaines Législatives ? Ceci est une autre affaire, dépendant probablement pour une part du choix du Premier Ministre : ils aimeraient Borloo, ils auront peut-être Fillon.

Cinq leçons peuvent être tirées de ce scrutin :

• 1/ une participation qui pulvérise tous les records, y compris celui de Mitterrand en 1981 – le nouvel élu est réellement « bien » élu – malgré la tentation de gauche d’en faire le diable en personne !
• 2/ un renouveau du goût pour la politique, occulté par des personnalités faibles et par les cohabitations successives depuis 20 ans, à croire qu’Yves Michaud (Précis de décomposition politique) et Marie-France Garaud (Qui a tué la Vème République ?) avaient raison : la « crise » des institutions semble tenir plus à la médiocrité des hommes qu’aux structures.
• 3/ une Cinquième République que les Français ne désirent donc pas changer, sinon à la marge, car elle désigne clairement « qui » gouverne et sur quel « projet ». Le retour aux petites querelles des officines des partis n’est pas désiré : voir le flop qu’a eu le débat Bayrou-Royal après le 1er tour, tout comme les consignes données par le mauvais perdant Le Pen : les Français se sont carrément assis dessus.
• 4/ un net appétit pour la tradition qui fonctionne : le travail, la négociation claire, la protection de la famille et les aides personnelles plutôt que collectives – en bref tout ce qui marche dans les pays voisins et qui bloque pour cause des idéologies en France.
• 5/ un allègre piétinement de tous les tabous, lointain héritage de 1968 (n’en déplaise à Nicolas Sarkozy) et effet de pragmatisme plus individualiste (n’en déplaise à Ségolène Royal).

Les Français ont donc choisi avec une netteté qui fera grincer des dents à gauche une personnalité parlant clair, expliquant bien et sachant décider ; ils ont choisi un projet politique orienté vers l’offre plutôt que vers la sempiternelle dépense publique : offre de formation, d’éducation, de soutien personnalisé aux chômeurs, de tri sélectif de l’immigration sur des critères de bon sens (ou du moins compréhensibles par tous), d’allègement du carcan étatique pour libérer l’initiative et réduire la Dette. Malgré les sarcasmes, la médiatisation de l’exil de Johnny a eu ce mérite de faire prendre conscience au populaire de l’inefficacité du « toujours plus » d’impôts. Reste au candidat élu à concilier comme a su le faire Clinton, Blair, Aznar et Merkel efficacité économique et justice sociale – notamment sur le scandale des parachutes dorés des grands patrons. Mais il y a au moins un capitaine à la barre, habitude que nous avions quasiment perdue depuis 12 ans.

Ségolène Royal, malgré une personnalité politique qui s’est affirmée et qui devrait compter à l’avenir, n’a pas réussi le concours : trop floue sur son projet renvoyé aux « négociations » (quand on voit combien traîne celle sur le service minimum dans les transports…), trop ancrée dans le social-conservatisme de la dépense publique, de la tutelle de l’Etat et du malthusianisme des emplois comme des diplômes (il y a toujours 3000 étudiants dans les Grandes Ecoles, comme il y a 40 ans, pas un de plus), elle a fait peur. Elle peut être cassante, jouer comme au théâtre des « colères » peu sincères, réciter sa leçon comme une série de fiches. Elle n’a pas convaincu, la France ne connaîtra pas cette année de voie Royal. Souhaitons pour la candidate, pour les idées qu’elle défend et pour la recomposition de la gauche tout entière, que le syndrome de la femme battue n’handicape pas la suite. Droite et gauche n’ont pas disparu, ni dans un centre flou au sigle tenté par le ridicule (Parti Démocrate, Parti Démocrate de Gauche ou Social-Démocratie Française), ni dans l’abandon à un quelconque libéralisme « ultra » ou à la sinisation industrielle menée par la mondialisation. Mais la gauche, si elle veut l’emporter dans cinq ans, doit se refonder comme toutes les autres gauches européennes. Les scores minables de ses extrêmes au 1er tour devraient l’y aider : en Italie, le Parti Communiste vient de se saborder volontairement ; en France il a fallu que ce soient les électeurs qui le fassent…

Le choix que viennent de faire les Français semble donc un choix d’action : les grands projets idéologiques ne sont plus crédibles, le pragmatisme est désiré ; l’égalitarisme a tué l’appétit pour s’en sortir, vive plutôt l’équité ! Au fond, c’est un peu le gaullisme sociologique qui revient : des élites libérées et des « petits » protégés et entraînés. Peut-être est-ce cela, le « rassemblement » à la française ?

Reprise du commentaire après le 1er tour
(qui n’est plus disponible sur clemspolitique.net) :

La surprise… est qu’il n’y a eu aucune surprise. Contrairement à 2002, les Français ont placé le tiercé dans l’ordre et l’outsider en quatrième.

La raison ? Un changement net de génération, Jean-Marie Le Pen se retrouvant parmi les « vieux » - les perdants qui s’effacent - tels Jacques Chirac et Lionel Jospin, et l’inoxydable vierge rouge Arlette Laguillier. Forte participation pour donner enfin toute leur place aux jeunes ! Sarkozy 52 ans, Royal 53 ans, et Bayrou 55 ans, changent de style dans un pays gouverné depuis un demi-siècle sous l’ombre de Commandeur de Charles de Gaulle, le fondateur de la Cinquième.

Donc, enfin du pragmatisme ! Les trois premiers candidats ne se réclament plus d’aucune idéologie, ils se veulent à l’inverse proches des gens et attentifs aux valeurs. C’est pourquoi – à l’américaine, mais c’est une dérivée de ce néo-pragmatisme, pas une imitation servile – les personnalités comptent plus que les programmes. Chacun a brisé les tabous dans son propre camp et assimilé des revendications de ses adversaires, tout comme Clinton et Blair l’ont fait dans leurs pays respectifs, tout comme Angela Merkel l’a réussi en Allemagne. Pour faire face à la mondialisation, les trois tentent d’associer le dynamisme d’entreprise aux aides et reclassement aux chômeurs et à la redistribution sociale. Chacun dans son style. Nul doute que le prochain élu(e) aura aussi le sien, adapté aux Français. Mais la loi, l’ordre, le contrôle de l’immigration, la relance européenne, ont fait l’objet d’incursions de droite à gauche et réciproquement. Ségolène Royal n’a-t-elle pas promis aux délinquants multirécidivistes de les faire redresser par l’armée en centres fermés ? Nicolas Sarkozy n’a-t-il pas promis aux sans-papiers femmes, battues et méprisées, de leur donner la carte d’identité française ? François Bayrou n’a-t-il pas promis de « supprimer » l’ENA (vieille revendication lepéniste) et de réformer la Vème République (vieux rêve socialiste) ? Il n’y a guère que sur l’économie que les idées divergent : absence totale d’idée à gauche (sauf à faire du « social »), conformisme jacobin monétariste à droite (mais avec une politique de l’offre), ni-ni au centre (alachiraque).

Le gagnant du premier tour est celui qui a su « raconter une histoire » aux Français avec tous ces éléments, leur dire la vision qu’il a de la France dans le monde et des Français dans la vie de tous les jours. Mais rien n’est encore joué pour le second. Est-ce la fin de “l’exception” française ? Les électeurs sentent bien qu’il est nécessaire – vital – de revenir vers nos partenaires naturels en Europe. Ils ne tiennent plus obstinément à « être différents », sauf quelques bastions de la fonction publique crispés sur leur statut à vie et privilèges y afférents. Mais la raison l’emporte : à s’isoler, la France disparaît.

C’est pourquoi l’ordre de la « bande des quatre » est rétabli comme avant. Avec cette différence que Le Pen prend la place de Marchais dans le rôle du Bouffon. Ne méprisons point ce rôle : par sa caricature « de mauvais goût » dit Littré, il pointe ce qui va mal, et cela est bien utile dans la « croyance » ingénue et le politikementkorrect qui font de tout écart un « blasphème » et de toute provocation l’appel à un procès en sorcellerie. Le Pen repousse Bayrou vers la gauche et attire Sarkozy vers la droite, recomposant le paysage : une droite conservatrice, un centre-droit chrétien démocrate et un centre-gauche social-démocrate qui ne se trouvera que lorsqu’il aura purgé les vieillissants de la mitterrandie, les nostalgiques de la gauche « plurielle » et la culpabilité du Surmoi extrémiste. Le reste est insignifiant, vote utile oblige, sous les 5% pour tous.

Résumons-nous :
• Sarkozy a réussi son pari de redynamiser la droite dans un projet cohérent ;
• Royal a transformé le PS mais n’est qu’au milieu du gué avec la contre-campagne lutte de classes anti-riches de Hollande. Seules les Législatives diront si le parti peut toucher ses royalties ;
• Bayrou a réussi à reconstituer l’UDF, ce qui n’est pas une mince affaire, mais il se trouve en position moins d’arbitre que de pivot : avec qui va-t-il s’allier au second tour ? Ce seront ses électeurs qui décideront, plus que lui qui les décidera ;
• Le Pen représente un courant non négligeable (cela reste l’erreur de la gauche que de le mépriser), moins nationaliste qu’égoïste, moins « ethnique » que « localiste » : il rassemble peu de vrais convaincus d’un quelconque « néofascisme » mais beaucoup de « déclassés » ou craignant de l’être. Seule une reprise économique, qui n’est permise qu’en libérant la France des multiples carcans mentaux, sociaux et démago qui brident l’initiative, éradiquera cette grande peur, avec le temps ;
• L’extrême-gauche joue le même rôle de l’autre côté, avec l’appel aux idéologies d’hier ;
• L’écologie n’est pas une politique, surtout depuis que Nicolas Hulot en a fait un thème de société, repris par tous les partis.

Le second tour sera une vraie bataille, droite et gauche. Le coude à coude Bayrou-Le Pen ne permet guère de départager les désistements « naturels » entre Sarkozy et Royal. Mais, notons-le, malgré le battage médiatique du Tout-Sauf-Sarkozy des intellos effarouchés, le candidat de la droite a su entraîner les convictions de la France profonde – celle qui est rarement dans les médias et ne tient pas de blog.

C’est cela aussi, la démocratie : ne pas parler seulement à ceux qui ne se parlent qu’entre eux …