Mgr Roduit responsable du départ du Chanoine Escher de Saint-Maurice ?

Publié le 20 juillet 2010 par Francisrichard @francisrichard

Le 29 juin 2010 l'abbé Yannick-Marie Escher, chanoine, 36 ans, part de l'Abbaye de Saint-Maurice pour se réfugier à la Fraternité Saint-Pie X, autrement dit à Ecône. Il a laissé sur le bureau du Père-Abbé, Mgr Joseph Roduit, dont la photo ci-contre provient d'ici , une lettre de cinq pages dans laquelle il explique son départ. Il a reproduit cette lettre en quarante-quatre exemplaires destinés à chacun de ses quarante-quatre confrères, qui ont reçu leur copie par la poste.

Depuis que la nouvelle est tombée, il y a maintenant deux semaines, j'attendais que cette lettre soit publiée pour la commenter. Mais rien n'a été publié, même pas des extraits, sinon cette phrase :

« A l’heure où vous lirez ces lignes, je serai parti » [voir Le Matin Dimanche du 17 juillet 2010 ici ]

Nous ne pouvons donc que nous livrer à des conjectures sur son contenu, d'autant que son auteur a disparu de la circulation et que l'endroit où il s'est réfugié, un établissement de la Fraternité Saint-Pie X, demeure inconnu et que nous ne disposons que de peu de documents.

Le 6 juillet 2010 l'Abbaye de Saint-Maurice publie le communiqué suivant ici, mis en ligne le 8 :

"Défection à l’Abbaye de Saint-Maurice

Communiqué de presse officiel

Chanoine de l’Abbaye de Saint-Maurice depuis 1996, prêtre depuis 2001, le Chanoine Yannick Escher, 36 ans, a quitté son monastère à l’insu de son Père-Abbé et de ses confrères, le mardi 29 juin, pour rejoindre le mouvement d’Ecône et entrer dans la Fraternité sacerdotale Saint Pie X.

Professeur, aumônier des étudiants, maître des cérémonies, aumônier des Etudiants de l’Agaunia, correspondant du Bulletin Paroisses vivantes et du Nouvelliste, le chanoine Escher avait déployé un grand zèle dans ses nombreuses activités.

Son départ a été une surprise totale et causé un étonnement douloureux chez ses confrères et surtout dans le cœur de nombreux étudiants et autres personnes qu’il accompagnait spirituellement.

L’Abbaye prendra en charge aussitôt les ministères abandonnés par ce confrère, en particulier l’aumônerie du collège.

+ Joseph Roduit, Abbé

Saint-Maurice, le 6 juillet 2010"

Nous apprenons par ce communiqué que le Chanoine Escher était unanimement apprécié.



Sur le site de DICI ici, organe d'information de la Fraternité Saint-Pie X, un court article, intitulé "Suisse : un chanoine de l'Abbaye de Saint-Maurice rejoint la Fraternité Saint-Pie X" est publié le 10 juillet 2010 :  

« Chanoine de l´Abbaye de Saint-Maurice, en Valais, depuis 1996, le chanoine Yannick Escher, âgé de 36 ans, a quitté son monastère, le 29 juin, fête des saints Pierre et Paul et jour des ordinations à Ecône. Il a rejoint la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, après avoir découvert la messe tridentine et longuement étudié les écrits et conférences de Mgr Marcel Lefebvre.

Professeur, aumônier des étudiants, maître des cérémonies, correspondant du Bulletin Paroisses vivantes et du quotidien valaisan Le Nouvelliste, « le chanoine Escher avait déployé un grand zèle dans ses nombreuses activités », relève l´Abbé de Saint-Maurice, Joseph Roduit, dans un communiqué attristé.

Le religieux suisse se trouve actuellement dans une des maisons de la Fraternité Saint-Pie X. Avant de quitter Saint-Maurice, il a adressé à son Père Abbé et à ses confrères une lettre de cinq pages expliquant que son départ était motivé par des raisons essentiellement liturgiques et doctrinales. (Sources : FSSPX/Apic – DICI n° 218 du 10/07/10) »

Nous apprenons par cet article que le Chanoine Escher a quitté son monastère pour des raisons « essentiellement liturgiques et doctrinales ».

Dans le numéro de Paroisses Vivantes d’Avril 2010, répondant à l’abbé Pascal Bovet de trente ans son aîné, curé de Prilly, qui a prononcé une homélie sur le Curé d’Ars [l’année sacerdotale sous le patronage de ce dernier a commencé le 18 juin 2009 et s’est achevée le 19 juin 2010], l’abbé Escher se livre ici :

« Considère, tout d’abord, que nous ne sommes pas de la même génération. Je n’ai jamais connu le catéchisme « questions-réponses » de ton enfance, mais que de partages d’Evangile et de révisions de vie ! […] J’ai tout redécouvert à l’adolescence en lisant le Catéchisme du Concile de Trente […], l’histoire et les actes des Conciles œcuméniques ainsi que la célèbre Histoire de l’Eglise de Daniel Rops. J’ai découvert alors le sens de la Tradition et de l’Eglise en tant que continuité du Christ »

Il ajoute :

« Un prêtre, vivant selon l’esprit du Curé d’Ars, m’a fait découvrir la beauté de la liturgie romaine, de la confession, du chant grégorien, de l’adoration eucharistique, du chapelet, de l’oraison, l’ascèse ainsi que la lecture priante des Ecritures. »

Le 7 juillet 2007, Sa Sainteté le Pape Benoît XVI publiait un Motu Proprio, Summorum Pontificum, par lequel il demandait que soit faite toute la place qui lui revient au rite extraordinaire de l’Eglise [voir mon article La messe tridentine est extraordinaire ]. 

Une association est née en Valais le 19 décembre 2009 pour « soutenir la forme extraordinaire au rit romain ainsi que le patrimoine culturel qui lui est lié », l’APFEL, Association Pour la Forme Extraordinaire de la Liturgie.

Sur le site ici de cette association de droit civil, qui s’est doublée récemment d’une « association privée de fidèles », conformément au droit canonique, on peut lire que le Président de cette association, Bertrand Décaillet, a tenté vainement depuis décembre 2007 tant auprès de Mgr Roduit, Père-Abbé de Saint-Maurice, que de Mgr Norbert Brunner, évêque de Sion, qu’ils appliquent la décision du Saint Père, exprimée dans son Motu Proprio.

Ces deux évêques ont montré l’exemple de la désobéissance au Chef de l’Eglise. Mgr Brunner, particulièrement, dans une réponse adressée à Bertrand Décaillet, le 20 mai 2010, reproduite ici sur le site de l’APFEL, qui s’en tient à la lettre plutôt qu’à l’esprit du Motu Proprio pour justifier sa fin de non recevoir et sa désobéissance ouverte à la volonté de Benoît XVI de réconcilier les catholiques entre eux et de les faire bénéficier d'une riche liturgie sous deux formes, ayant chacune leurs vertus.

Dans un entretien accordé le 15 juillet 2010 à Canal 9 ici, la télévision valaisanne, Mgr Roduit rend hommage au Chanoine Escher et à tout ce qu’il a fait à Saint-Maurice. Il prétend que dans la lettre expliquant son départ le Chanoine Escher ne parle pas du Motu Proprio Summorum Pontificum. Stricto sensu, c’est bien possible. Sur le fond c’est invraisemblable compte tenu de ce que dit l’article de DICI cité plus haut. Toujours la lettre plutôt que l’esprit. Le propre des Pharisiens.

Mgr Roduit, toujours dans cet entretien, avance une explication pour le départ du vilain petit canard qu’il aurait élevé dans son cloître : il aurait préféré le château-fort d’Ecône à la caravane de Saint-Maurice. Comme s’il était confortable de porter l’étiquette d’Ecône. Dans Le Matin Dimanche du 17 juillet 2010, cité plus haut, la journaliste Christine Salvadé parle en ces termes d’Ecône, comme s’ils reflétaient la pensée de Mgr Roduit :

« Ecône renie Vatican II, estime que les papes font fausse route. Entrer à Ecône, c’est changer de confession, renier ses vœux. C’est grave, on ne pouvait lui faire plus mal. »

Ecoutant la voix de son maître, Mgr Roduit, Pascal Décaillet, d’habitude mieux inspiré, s’en prend lui aussi à Ecône sur son blog ici :

« Je regrette infiniment sa décision, car le Chanoine Escher, que j’ai l’honneur de connaître et avec qui il m’arrive de correspondre, est un homme d’une valeur spirituelle et intellectuelle, mais aussi d’une richesse de contact, au-dessus de la mêlée. Ce sont précisément le monde des vivants, celui des élèves, de l’éducation qui ont besoin de gens comme lui. Plutôt que quelque forteresse figée dans la nostalgie ».

Son article du 8 février 2009, que je ne connaissais pas et qui suit ces fortes paroles, n’honorent pas spécialement leur auteur. Il se livre à des amalgames comparables à ceux qu’il prête à ceux qu’il fustige.

Pour rétablir un certain équilibre je laisserai le mot de la fin sur Ecône à l’autre Décaillet, Bertrand, Président de l’APFEL, qui sur le Forum Catholique s’exprime ainsi le 19 juillet 2010, ici :   

« L'idéologie tient lieu du sens surnaturel de l'Eglise désormais et redonne un sens au positionnement d'un certain clergé lorsque la Foi n'informe plus la vie, et ce n'est pas propre au Valais! A Ecône, le Chanoine aura retrouvé le sens surnaturel de l'Eglise, de l'obéissance comme vertu, de l'autorité comme service, et de la vie intérieure. »

Si le Père-Abbé de Saint-Maurice n’a pas su retenir un aussi bon élément que le Chanoine Escher, ne faut-il pas se poser la question : n’est-il pas finalement responsable de son départ ? Son comportement méprisant à l’égard de ceux qui demandent en vain l’application du Motu Proprio dans son ressort depuis deux ans et demi plaide en ce sens.

Francis Richard

L'internaute peut écouter  ici sur le site de Radio Silence mon émission sur le même thème.