Lorsqu'un grand quotidien francais devient l'organe de communication du gouvernement

Publié le 25 juillet 2010 par Vonric Vonric

Je jette régulièrement un coup d'œil sur la presse française via mon interface Netvibes (ou l'écran d'accueil de Yahoo.fr). Et je dois dire que je suis effaré par le traitement réservé a l'affaire Woerth-Bettencourt dans le Figaro.

En milieu de semaine, je vois un titre a la Une du flux RSS de chaque quotidien:

Pour le Figaro:  Claire Thibout a reçu 400.000 €
Claire Thibout, l'ex-comptable de Liliane Bettencourt qui a évoqué un éventuel financement politique illégal, a reçu 400.000 euros de sa fille, Françoise Meyers-Bettencourt, lors de son licenciement par la milliardaire en 2008, a-t-on appris auprès de son avocat confirmant une information du Canard enchaîné.

Pour le Monde:  Claire Thibout maintient ses accusations devant la juge Prévost-Desprez
Selon les informations du Monde, Florence Woerth, l'épouse du ministre du travail, est entendue depuis ce matin par la brigade financière, dans le volet "trafic d'influence" lié à l'affaire Bettencourt. Le dossier judiciaire devient désormais explosif, avec l'initiative prise par Isabelle Prévost-Desprez, juge à Nanterre, de marcher dans les traces de Philippe Courroye, son collègue du parquet.

Cette impression de biais (on cherche clairement à décrédibiliser le témoin au Figaro) se retrouve lorsque je cherche le mot Bettencourt sur le site des deux quotidiens et affiche une série de titres. Je vous laisse regarder (cliquez sur les images pour afficher en grand):

Le Monde:

Le Figaro:

 

Certes les articles sont nuancés, explicatifs. Mais je me rappelle aussi avoir entendu, dans d'autres affaires, que les titres étaient choisis non pas par le journaliste qui fait l'enquête et l'article, mais souvent par le rédacteur en chef, voir la direction de la rédaction.

C'est tellement gros que ça commence à faire des vagues au Figaro même d'ailleurs, comme @si s'en fait écho:

Le 9 juillet dernier, le quotidien consacrait sa Une à la deuxième audition de Claire Thibout au cours de laquelle l'ex-comptable de Bettencourt était soi-disant revenue sur une partie de ses déclarations en dénonçant la romance de Mediapart. Après coup, on avait appris que l'Elysée avait facilité la fuite du PV en donnant à la presse des extraits tronqués, l'ex-comptable maintenant l'essentiel de ses accusations. Manifestement, la société des journalistes du Figaro n'a pas apprécié le choix du directeur de la rédaction, Etienne Mougeotte, d'avoir participé à cette opération de com' de l'Elysée.

Dans un communiqué cinglant, repris par Le Canard enchaîné du 21 juillet, la SDJ dénonce "un PV tronqué, assorti d'un article non signé, qui participait à l'évidence de la stratégie de communication de l'Elysée". Mougeotte est directement mis en cause : "Il a publié des accusations sans les avoir vérifiées. Il a orienté le témoignage de l'ancienne comptable pour lui faire dire autre chose que ce qu'elle voulait dire". Par ailleurs, la SDJ regrette que les journalistes en charge du dossier n'aient "pas été avertis du scoop sur lequel la direction venait de mettre la main".

Les grands quotidiens britanniques ont eu aussi des biais et des opinions. Le Guardian est classé à gauche, tendance Labour, The Independent est plutot fan des Libdems et le Daily Telegraph est bien connu pour être LE quotidien conservateur. C'est ce dernier qui a révélé l'affaire des notes de frais abusives des parlementaires britanniques. Et il a pris tout le monde dans le pot de confiture, à gauche comme à droite les fautifs ont été nommés dans les pages du journal et les titres étaient sans équivoque : tout le monde est mouillé. L'idée que le journal "Conservateur" ait omis les noms des parlementaires Conservateurs fautifs pour faire plaisir au parti de droite en campagne semble tout simplement inimaginable ici.