Ce qui frappe le plus dans cette liste de films, c’est à quel point elle ne pioche pas bien loin. Un coup d’œil suffit à remarquer que cinq films sont américains (plus un qui en a tout l’air), quatre sont italiens, trois français. Trois nations se partagent ainsi plus de la moitié des films en compétition. Ca manque un peu d’éclectisme. Pour le reste, deux japonais, deux espagnols, un chinois, un russe, un grec, un allemand, et deux films aux nationalités englués dans les coproductions.
Est-elle excitante cette liste de films ? D’un point de vue personnel, je serais tenté de répondre : « Pas excessivement ». Le plus intéressant dans ces choix, c’est peut-être l’intrusion de nombreux films de genre, ou au moins de cinéastes s’étant fait connaître avec le genre. Après The Wrestler il est par exemple difficile de continuer à appeler Aronofsky un cinéaste de genre, mais il n’empêche. Le réalisateur fait l’ouverture en compétition avec son Black Swan. A ses côtés, on trouve en revanche Alex de la Iglesia, Tsui Hark et Takashi Miike, des noms que l’on n’attendait pas forcément en course pour le Lion d’Or (surtout Miike si vous voulez mon avis…).
Côté français, un habitué de Venise, Abdelatif Kechiche avec Vénus Noire, un ancien réalisateur star qui ne déplace plus les foules, François Ozon avec Potiche, et un espoir, Anthony Cordier avec Happy Few. Pour ce qui est des américains, la sélection affiche clairement sa préférence, cette année, au cinéma indépendant. En plus du Aronofsky, les États-Unis amèneront sur le Lido le nouveau film de la délicate Kelly Reichardt, Meek’s cutoff, avec un excellent duo de jeunes acteurs, Michelle Williams et Paul Dano, Promises written in water, la nouvelle réalisation du rare Vincent Gallo, et Road to Nowhere, de l’encore plus rare Monte Hellman. Aronofsky, Reichardt, Gallo, Hellman, il faut tout de même avouer que la sélection US de Venise 2010 a une belle gueule, surtout qu’il faut y ajouter le fameux Somewhere de Sofia Coppola, qu’on avait un temps annoncé à Cannes et qui finalement se retrouve en Italie. Après la grosse déception Marie-Antoinette, tout le monde est curieux de découvrir la nouvelle réalisation de miss Coppola, ce qui fera sans doute de Somewhere le film le plus scruté de la Mostra.
Venise nous réserve même un film surprise, qui sera annoncé début septembre, au dernier moment donc. Évidemment, difficile de ne pas penser à Tree of Life de Terrence Malick. On sait que Thierry Frémaux a fait des pieds et des mains pour essayer de l’avoir à Cannes, mais que finalement le film n’était pas prêt. Marco Müller, le directeur de la Mostra, imite-t-il Frémeaux ? Fait-il lui aussi le forcing pour ajouter le film de Malick à sa sélection jusqu’au dernier moment (ce qui porterait tout de même le nombre de films américains à six… peut-être trop ?) ? Réponse dans un mois.
Hors compétition, il est amusant de signaler que les frères Affleck, Ben et Casey, vont chacun présenter un film en tant que réalisateur. Pour Ben, il s’agit de son second long-métrage après le remarquable Gone Baby Gone, le polar bostonien The Town, dont l’alléchante bande-annonce circule sur le net depuis quelques semaines. Pour Casey, c’est un premier film, un documentaire suivant le parcours de Joaquin Phoenix (son beau-frère hors caméra) depuis qu’il a annoncé son retrait des plateaux de cinéma pour se consacrer à une carrière dans le rap. Le long-métrage s’intitule I’m still here, the lost year of Joaquin Phoenix. John Woo sera aussi de la partie hors compétition avec Reign of Assassins, qu’il a coréalisé avec Su Chao Pin.
Alors, Vincent Gallo a-t-il encore signé un film radical ? Catherine Deneuve viendra-t-elle avec le même survêt’ sportif qu’elle porte dans Potiche ? Quentin Tarantino aura-t-il plus de cojones en tant que Président du Jury à Venise plutôt qu’à Cannes ? Malick présentera-t-il un jour son film quelque part ? Vivement Venise qu’on ait des réponses !